Les caporaux-chefs des sapeurs-pompiers Lat Ndoye et Baye Thiaw, suspectés d’être à l’origine du traitement dégradant ayant entraîné la mort du soldat du feu Chérif Ndao, ne sont pas encore à la disposition de la justice. Pourtant, les ordres de poursuite les concernant ont été signés par le ministre de l’Intérieur.
L’affaire du sapeur-pompier Chérif Ndao, qui a succombé à ses blessures consécutives à des sévices qu’il avait subis lors de son stage à Thiès, connaît de nouveaux développements. Il nous revient, en effet, que le ministre de l’Intérieur a signé les ordres de poursuite contre deux caporaux-chefs de la Brigade nationale des sapeurs-pompiers (Bnsp) suspectés d’être à l’origine du traitement dégradant que Chérif Ndao a subi jusqu’à ce que mort s’en suive. Ce qui étonne nos sources, c’est que depuis la signature des ordres de poursuite par le ministre Abdoulaye Daouda Diallo, les caporaux-chefs Lat Ndoye et Baye Thiaw ne sont pas encore inquiétés. Au contraire, font remarquer nos interlocuteurs, ils sont toujours en poste.
Servant au moment des faits incriminés au camp Michel Legrand de Thiès, les caporaux-chefs Ndoye et Thiaw ont changé de poste. Le premier nommé est en service, informe-t-on, à Richard Toll alors que le second sert actuellement à l’île de Gorée.
Lenteurs
Pour le moment, impossible de savoir ce qui expliquerait les lenteurs dans l’exécution de ces ordres de poursuite par la hiérarchie. Ce dossier était suivi de près par le Parquet près le Tribunal régional hors classe de Dakar. Celui-ci, après avoir reçu les ordres de poursuite, devrait diligenter le traitement de ce dossier en vue d’une inculpation ou non des présumés mis en cause dans ce dossier du regretté sapeur-pompier Chérif Ndao.
Dans son édition N°3354 datée du mercredi 2 Avril 2014, Le Quotidien, exploitant une copie du procès-verbal de l’enquête préliminaire portant sur le décès subit et tragique de Chérif Ndao, écrivait que les investigations des éléments de la brigade de recherches de la Légion centre-ouest de la gendarmerie de Thiès avaient conclu à une série d’infractions. Celles-ci sont : coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, sévices et actes de torture, faux et usage de faux commis sur les documents médicaux, complicité.
Les déclarations de beaucoup de témoins interrogés chargeaient les caporaux-chefs Lat Ndoye et Baye Thiaw. Contre Ndoye, Insa Coly, qui a été victime de torture, avait dit : «Lat Ndoye m’avait torturé avec un chiffon sur la face et il versait de l’eau dessus. Comme il a vu que j’étouffais, il a arrêté. Il prend un plaisir à taper sur les stagiaires.» Et Coly de poursuivre en dépeignant son supposé tortionnaire sous les traits d’un «tyran domestique, impulsif à volonté, amateur de torture».
Un autre témoin des faits, Masse Ndiaye, avait aussi confié aux enquêteurs : «Il (Chérif Ndao) a été tendu par quatre gaillards dans les toilettes. Puis, il y avait six à sept stagiaires qui l’avaient tenu par les mains et les pieds et les caporaux-chefs Lat Ndoye et Baye Thiaw étaient chargés de le frapper.»
«A un certain moment, il (Chérif Ndao) ne parvenait plus à pleurer et est tombé des mains de ses bourreaux. Ils lui ont demandé de se relever, mais puisqu’il ne le pouvait plus, l’un des deux caporaux-chefs l’avait pris par les mains et l’autre par les jambes pour le traîner. Ils l’ont traîné sur les escaliers et de là on entendait ses cris en ces termes «Yéna ngui may gaagne» (Vous me faites mal)», poursuivait M. Ndiaye. Masse Ndiaye ajoutait : «Ils lui ont encore demandé de se lever, mais il n’avait plus la force. Ainsi, le caporal-chef Lat Ndoye a continué à lui donner des coups de pied tout en lui demandant de se lever. Par la suite, il a posé ses pieds sous le bas ventre de Chérif. Anéanti par les coups, le malheureux ne se relève plus. Exténué, il s’écrie : «Je ne veux plus de diplômes, je veux rentrer maintenant».»
Les caporaux-chefs mis en cause ont nié les accusations formulées contre eux par les stagiaires témoins des faits en question. Lat Ndoye avait déclaré devant les enquêteurs de la gendarmerie nationale : «Il n’a jamais été ma cible.» Tout comme son frère d’arme, le caporal-chef Baye Thiaw, qui avait adopté la même ligne de défense.