En prélude aux Journées franco-sénégalaises de gynécologie-obstétrique qui se tiennent du 21 au 24 mai, l’Association sénégalaise des gynécologues-obstétriciens (Asgo) a fait face à la presse hier. Une occasion pour ces praticiens de dénoncer certains problèmes comme la fermeture des maternités de la Polyclinique et de l’hôpital Aristide Le Dantec.
Le Sénégal regorge de ressources humaines de qualité dans le domaine de la santé. Mais, face au déficit de personnel, d’infrastructures et d’équipements, la compétence, à elle seule, ne suffit pas pour assurer une bonne prise en charge des patients. Cela, l’Association sénégalaise des gynécologues-obstétriciens n’a pas manqué de le souligner hier, lors de la conférence de presse en prélude aux premières Journées franco-sénégalaises de gynécologie-obstétriques prévues du 21 au 24 mai à Dakar.
Le Pr Jean-Charles Moreau, chef du service de la maternité de l’hôpital Aristide Le Dantec et responsable de la gynécologie-obstétrique à la Faculté de médecine de l’Ucad, a ainsi fustigé la fermeture depuis neuf ans de la maternité de Le Dantec pour cause de travaux et depuis trois ans de la maternité de l’Institut d’hygiène sociale (ex-Polyclinique). « Ces deux grosses maternités sont des références pas seulement pour le Sénégal, mais pour notre sous-région africaine. Il y a trop de promesses. C’est un problème de gouvernance sanitaire qui se pose», a-t-il dénoncé.
Au-delà des questions de financement, le Pr Moreau s’est insurgé contre les pesanteurs administratives qui, à l’en croire, constituent les principaux facteurs qui bloquent l’achèvement des travaux de ces deux maternités. « Comme l’a dit le ministre de la Promotion de la Bonne gouvernance, le code des marchés publics ne doit pas bloquer l’action publique. C’est exactement ce qui se passe pour la reprise des travaux, aussi bien à la Polyclinique qu’à l’hôpital Le Dantec. Le dossier est aujourd’hui bloqué au ministère des Finances. Le temps passe, or les urgences hémorragiques et les urgences infectieuses ne peuvent pas supporter ces pesanteurs administratives. Madame le Premier ministre, lors de la Journée de la sage-femme, a fait allusion à la reprise des travaux de la maternité de Le Dantec. Nous pensons que cette fois-ci ce sera la bonne parce qu’il s’agit de paroles d’une femme, d’une épouse, d’une mère. Nous sommes persuadés qu’elle va suivre ce dossier », a affirmé le Pr Moreau. Pour sa part, le Dr Abdoulaye Diop, secrétaire général de l’Association sénégalaise des gynécologues-obstétriciens, trouve scandaleux que la maternité de l’hôpital Aristide Le Dantec, centenaire et première maternité de l’Afrique de l’Ouest, soit restée neuf années sans fonctionner. « C’est plus de 200 lits inutilisés et en souffrance, alors qu’il arrive que l’ensemble des maternités aussi bien publiques que privées à Dakar ne puissent pas répondre à la demande des populations. Cela veut dire aussi que toute la génération de médecins, de gynécologues de ces neuf dernières années n’a pas eu l’opportunité de bénéficier d’un stage de gynécologie-obstétrique correct, c’est scandaleux ». Selon lui, l’ouverture de cette maternité doit être une priorité nationale.
Auparavant, le président de l’association, le Pr Cheikh Ahmet Tidiane Cissé, a rappelé que les premières Journées franco-sénégalaises couplées à leur septième congrès, rentrent dans le cadre de l’exécution de leur mission de contribuer à l’amélioration de la santé maternelle et infantile au Sénégal et en Afrique, de participer à la formation continue et d’améliorer les pratiques professionnelles des personnels de santé.
Ces assises où sont attendus 300 participants venus du Sénégal, de la France et de plusieurs pays francophones d’Afrique subsaharienne, aborderont les problématiques du cancer du col de l’utérus, du fibrome utérin, de la mortalité maternelle et néonatale…
Elhadji Ibrahima THIAM
170 GYNÉCOLOGUES-OBSTÉTRICIENS DÉNOMBRÉS AU SÉNÉGAL
Le Sénégal ne dispose que de 170 gynécologues-obstétriciens, d’après le Pr Jean-Charles Moreau de l’hôpital Le Dantec. Si on fait le parallèle avec les statistiques de l’année 2000, cet effectif a plus que doublé, puisqu’il n’y avait que 70 praticiens. Cependant, pour une population qui fait 12,8 millions d’habitants, ce chiffre est encore très en-deçà des normes. Surtout que ces 170 gynécologues-obstétriciens sont mal répartis sur le territoire national. Pour exemple, dans toute la région de Matam, selon le Pr Moreau, il n’y a pas aujourd’hui un seul gynécologue-obstétricien. Les disparités régionales ne s’arrêtent pas là, puisque les régions les mieux nanties, en dehors de Dakar, ne comptent guère plus de 3 gynécologues-obstétriciens.
« Cette situation nous a amené, depuis bientôt 20 ans, à miser sur une solution innovante qui est en train de faire tâche d’huile sur le continent africain et ailleurs : la délégation de compétence. Le principe c’est de donner des compétences à des docteurs en médecine pour leur permettre de pouvoir réaliser des gestes qui sauvent des vies de mères et d’enfants surtout dans les coins reculés, enclavés et réputés difficiles comme les régions de Tambacounda, Kolda, Matam, Sedhiou et Ziguinchor », a indiqué le Pr Moreau.
C’est dans ce cadre que plus d’une quinzaine d’équipes ont été formées pour réaliser des césariennes notamment à Kédougou, Bakel, Ranérou et Linguère. Ils ne se sont pas arrêtés là, les sages-femmes ont été également prises en compte. Près d’une centaine d’entre elles ont été formées à la réalisation de l’échographie obstétricale pour dépister les grossesses anormales pouvant être sources de décès.