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Le Quotidien N° du 3/12/2013

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Macky Sall bloque Sénégal émergent : 2,5 milliards en fumée
Publié le mardi 3 decembre 2013   |  Le Quotidien


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© Autre presse par DR
Plan Sénégal émergent : 28 projets pour amener le Sénégal à une croissance de 8%


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C’est un projet qui est censé pousser dans les oubliettes tous les projets de développement que le Sénégal avait conduits jusqu’ici, et le Président Macky Sall nourrissait plein d’espoirs à son sujet. Malheureusement, lors de sa présentation ce week-end au gouvernement, le «Sénégal émergent» a fait un flop retentissant, obligeant son commanditaire à en repousser la validation et l’adoption à des jours meilleurs - sinon à des révisions déchirantes.
Tout ça pour ça, est-on tenté de dire. Le bruit soulevé par le projet présidentiel de «Sénégal émergent» n’avait porté jusqu’à présent que sur le montant des prestations (2,5 milliards au club Disso) du pool des consultants qui l’ont élaboré, ainsi que sur leurs connaissances des réalités du Sénégal. Cela, un peu à cause de la sortie de Moubarak Lô, l’ancien directeur de Cabinet adjoint du chef de l’Etat. Mais on se rend compte, après les débats qui ont ponctué ladite présentation le week-end dernier, dans un des salons de l’hôtel King Fahd Palace, que ce plan est loin d’avoir convaincu même ceux qui sont chargés de le mettre en œuvre.

Validation différée
Au point qu’à l’issue des débats, le document de présentation du projet de Sénégal émergent n’a pas été approuvé. Le président de la République, après avoir entendu tous les intervenants et leurs critiques, ainsi que les réponses que leur ont apportées les présentateurs du projet, a déclaré de manière expresse, selon les personnes présentes dans la salle, qu’il différait la validation du document sous réserve de la prise en compte des observations émises par les participants à l’atelier.
Ce que beaucoup de ministres n’ont pas compris, c’est qu’on leur présente un cadrage macro-économique dans lequel le Sénégal parvenait à réaliser un taux de croissance de 8% l’an pendant une dizaine d’années, sans leur indiquer les bases pratiques de cette performance. En plus de cela, ce scénario dit optimiste de croissance ne trouve sa pertinence que dans l’hypothèse où le pays réalise une série de 28 réformes dites hardies, dans les domaines aussi bien politiques, sociales et économiques. Ce qui est quand même assez téméraire pour un pays qui a des problèmes à mettre en œuvre les réformes imaginées pour l’amélioration de l’environnement des affaires, dans le cadre du classement Doing Business de la Banque mondiale. Or, la classification de celui-ci n’a que douze points.
De l’autre côté, d’un pays que l’on présente depuis des décennies comme vivant de l’agriculture, secteur qui fait vivre directement et indirectement plus de la moitié de la population du pays, le projet Sénégal émergent veut faire un pays à vocation minière, en tablant sur les revenus escomptés des produits comme l’or, le fer, le zircon, essentiellement. Et là, il a fallu que le ministre Aly Ngouille Ndiaye, qui a en charge le secteur des mines, en appelle à des prétentions plus modestes. M. Ndiaye a fait remarquer que les exonérations fiscales dont bénéficiaient la plupart des compagnies minières en activité au Sénégal à l’heure actuelle ne laissaient pas espérer de grosses retombées pour le pays dans les différents secteurs. Ainsi, en ce qui concerne l’or, le Sénégal ne comptait pas gagner plus de 10 milliards de francs en diverses formes de recettes pour les dix années à venir.
Quant au fer, si Mittal s’y était intéressé au moment où les cours du produit étaient très hauts, la surchauffe a baissé, et il n’est pas sûr, même si le contentieux avec Arcelor Mittal se résolvait aujourd’hui à notre faveur, que l’on puisse espérer de faramineuses recettes. Il en est de même du zircon de la Grande Côte, dont le ministre estime que l’on serait heureux si, à la fin de la concession, en 2025, le Sénégal en a perçu 75 milliards de francs Cfa. Mais il ne voit pas le pays engranger plus que cela.

Un hub minier sans mines
Cette objection met par le fait même, à mal, l’idée des concepteurs du projet, de faire du Sénégal un «hub minier». Leur postulat de base étant que les pays qui nous entourent sont, pour une bonne part, des pays mieux dotés en réserves minières, mais où la stabilité politique ne règne pas. Du fait de sa stabilité et de la solidité de ses institutions, estiment-ils, le Sénégal pourrait mettre en place des infrastructures capables d’accueillir les sièges des compagnies qui travaillent dans ces pays voisins, et par ce fait, booster son activité dans ce secteur, ainsi que son tourisme. Des ministres ont montré que ce projet ne tenait aucun compte des réalités de la géopolitique.
L’autre reproche a émané du ministre chargé des Infrastruc­tures, qui n’a pas compris que le projet néglige, pour un pays aussi peu doté que celui-ci, la création des infrastructures. De même, le ministre Maïmouna Ndoye Seck a eu un mot dur, concernant les projets énergétiques du document : «Vous avez plagié le Plan Takkal.» On se rappelle que Karim Wade, en ses moments d’euphorie, présentait le Plan Takkal comme susceptible non seulement de produire suffisamment d’énergie pour alimenter tout le pays, mais aussi d’approvisionner des pays environnants. C’est ce même délire qui est présenté dans le projet Sénégal émergent.

Mimi refuse un nouvel éléphant blanc
Bref, les remarques des différents ministres étaient si confondantes que le Premier ministre Aminata Touré a eu elle aussi cette remarque ferme à l’encontre des consultants : «Il ne faut pas que l’on nous ramène des éléphants blancs ici !» Devant une levée de boucliers de cette ampleur, le Président n’avait plus le choix que de repousser à plus tard la validation de son projet grandiose. Avant cette conclusion du chef de l’Etat, le ministre de l’Economie et des Finances, Amadou Bâ, qui a jusqu’à présent assuré le portage institutionnel de ce projet, n’avait, semble-t-il, pas d’autre choix que de dire qu’il assumait tout le document dans sa forme et dans le fond ! Or, il se dit qu’à l’époque où il était à la direction des Impôts et des domaines, Amadou Bâ ne ménageait pas, en privé, ses critiques contre la manière dont son prédécesseur Amadou Kane conduisait ce projet, et surtout le fait que ce dernier ait tenu, du fait des considérations personnelles, à le confier à un groupe auquel il était très proche. Or, dimanche dernier, Amadou Bâ a paru vouloir le défendre bec et ongles. Pour ne pas laisser son Président isolé devant le reste de ses collaborateurs opposés à ce projet ?

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