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Rencontres internationales sur les PMA: L’économiste Demba Moussa Dembélé parle de ‘’jeu de dupes’’
Publié le vendredi 17 septembre 2021  |  Enquête Plus
Demba
© Autre presse par DR
Demba Moussa Dembelé, président de l’Africaine de recherche et de coopération pour l’appui au développement endogène (ARCADE)
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Il y a un ‘’jeu de dupes’’ qui se passe dans les rencontres internationales, notamment celles pour le développement des pays moins avancés (PMA). C’est ce qu’a soutenu l’économiste Demba Moussa Dembélé qui animait, hier, un webinaire sur la consultation des organisations de la société civile pour la Conférence de Doha sur les PMA.

Les initiatives des Nations Unies n’ont toujours pas porté leurs fruits concernant leurs engagements pour réduire la pauvreté dans les pays les moins avancés (PMA). ‘’Nous situons cet échec à deux niveaux. D’abord, au niveau économique et puis politique. Le niveau économique, pour nous, c’est d’abord les politiques qui sous-tendent les programmes d’assistance aux pays les moins avancés. Les politiques néo-libérales telles que la privatisation, la déréglementation, la libéralisation du commerce, celle des prix.

Actuellement, au Sénégal, à cause de cette libéralisation des prix, le coût de la vie a grimpé au point que beaucoup de gens y vivent de plus en plus difficilement. Or, le Forum d’Istanbul avait mis en garde dans sa déclaration, en disant que si Istanbul devait réussir l’ambitieux programme de réduire de moitié le nombre de PMA entre 2011 et 2020, il faudrait nécessairement changer de politiques. Ceci, en ayant d’autres politiques que celles qui sont suivies jusque-là’’, souligne l’économiste Demba Moussa Dembélé, par ailleurs, Directeur du Forum africain des alternatives.

Malheureusement, M. Dembélé qui animait, hier, un webinaire sur la consultation des organisations de la société civile pour la Conférence de Doha sur les PMA, a indiqué que les dirigeants ‘’n’ont pas écouté’’ et surtout que dans ces genres de rencontres, même si elles sont dédiées aux pays en voie de développement, ce sont les pays développés qui, surtout, essaient de tordre la main aux dirigeants des PMA pour pouvoir faire passer leur propre agenda.

‘’En reconduisant les mêmes politiques, l’échec était programmé. Au niveau politique, il s’agit de la qualité de la coopération internationale. C’est les pays développés, le système des Nations Unies qui prennent des engagements, en termes de mobilisation des ressources, d’assistance technique, d’ouverture de leur marché aux exportations des PMA. Malheureusement, il y a un décalage entre les engagements qui sont pris et la réalité quotidienne. La plupart de ces engagements n’ont pas été honorés. On a constaté que même les engagements qui ont été pris à Bruxelles, en 2001, qui avaient été réitérés en 2011 à Istanbul, n’ont pas été honorés. Il y a un jeu de dupes qui se passe dans ce genre de rencontres internationales’’, regrette l’économiste.

Si la rencontre de Doha, qui aura lieu l’année prochaine, conserve les mêmes politiques économiques, le même type de coopération économique internationale, Demba Moussa Dembélé estime qu’ils vont se préparer pour une 6e Conférence des Nations Unies et malheureusement, le nombre de pays qui sortiront de cette catégorie, ‘’n’augmentera pas de manière substantielle’’.

L’économiste a ainsi rappelé qu’actuellement, il y a 46 PMA. Les 33 se trouvent en Afrique, 12 en Asie pacifique et à Haïti qui est dans les Canaries. ‘’Istanbul était la 4e Conférence des Nations Unies en mai 2011. On avait fait, à cette occasion, le Forum de la société civile et qui avait émis une déclaration dans laquelle il mettait en garde contre la répétition des politiques du passé et qui, finalement, n’ont pas conduit à l’amélioration du groupe des pays les moins avancés. Il y avait huit domaines avec le Programme d’action d’Istanbul en faveur des PMA (2011-2020)’’, relève M. Dembélé qui est aussi membre du Cercle des amis de Samir Amin et du Conseil du Forum social africain à Dakar.

Les engagements des institutions internationales non respectés

Il s’agit notamment de renforcer les capacités de production ; développer l’agriculture en vue de combattre l’extrême pauvreté, surtout la malnutrition ; le commerce, c’est-à-dire augmenter la participation des PMA dans le commerce mondial ; contribuer à la diversification du tissu économique de ces pays de manière à réduire leur dépendance vis-à-vis des produits de base. Il y aussi la bonne gouvernance ; la lutte contre la corruption ; etc.

‘’Tous les partenaires bilatéraux et multilatéraux, le système des Nations Unies avaient pris des engagements pour mobiliser des ressources afin de contribuer à la réalisation des huit objectifs retenus. Le point clé du programme d’Istanbul, c’était l’ambition de réduire de moitié le nombre de pays dans la catégorie des PMA, entre 2011 et 2020. Malheureusement, à l’arrivée, on constate que seuls trois pays ont pu sortir de cette catégorie et parmi ces derniers, un seul pays africain. C’est la Guinée-Equatoriale en 2017. Sinon, on a le Samoa en 2014 et Vanuatu en 2020. Par conséquence, seuls trois pays sur les 24 qui étaient ciblés ont pu sortir de cette catégorie’’, affirme le directeur du Forum africain des alternatives.

Toutefois, a signalé M. Dembélé, selon les Nations Unies, quatre autres pays sont ciblés pour 2024, avec au moins deux pays africains. En plus, il y a 12 autres pays qui ont satisfait au moins une fois les critères de sortie de cette catégorie. ‘’Et selon les Nations Unies elles-mêmes, depuis que cette série de conférences a été lancée en 1981, cela fait 40 ans, quatre décennies, seuls six pays en tout et pour tout ont été reclassés. C’est le Botswana en 1994, suivi du Cap-Vert en 2007, les Maldives en 2011, le Samoa, la Guinée-Equatoriale et le Vanuatu (dans le sud de l’océan Pacifique). A ce rythme, on ne pourra jamais éliminer la catégorie des PMA’’, note-t-il.

Pour le consultant-formateur et enseignant au Cesag Abdoul Aziz Kane, c’est bien de parler de la mise en œuvre de ce programme, mais il est également ‘’impératif d’apporter la preuve’’ qu’il y a des progrès sur le terrain de ce qui doit être mis en œuvre. ‘’Il faudrait que cela se fasse avec les pays partenaires avec lesquels nous travaillons et sur la base desquels une déclaration doit être faite. Et qu’il y ait aussi une évaluation périodique aussi bien qualitative que quantitative des progrès mutuels que nous accomplissons tant au niveau naturel que dans la mise en œuvre des engagements qui sont pris. Dans ce contexte, il est important de mettre à profit des mécanismes appropriés en termes de suivi et d’évaluation existant aussi bien niveau de nos pays qu’au niveau de l’espace francophone’’, soutient le président de l'Association sénégalaise d'évaluation (SenEval).

Afin de confirmer l’importance accordée à la mise en œuvre, M. Kane trouve qu’il est important d’effectuer un certain nombre d’exercices de suivi pour faire le point sur les progrès qui seront accomplis. ‘’Si on se réfère à la Déclaration de Paris de 2005 sur l’efficacité de l’aide au développement, il y a un certain nombre de partenariats, d’engagements qui sont pris et qui sont conçus dans un esprit de responsabilité mutuelle. Les engagements qui sont pris s’appuient sur des enseignements qui sont tirés de l’expérience. Il faut être conscients que ces engagements doivent être interprétés à la lumière de la situation propre à chaque pays’’, insiste-t-il.

Sur la base de la Déclaration de Paris, Abdoul Aziz Kane pense qu’il y a trois principes qui sont fondamentaux. Il s’agit de celui de l’appropriation, de l’alignement et celui de l’harmonisation. ‘’Il ne faut pas simplement que l’on dise que c’est des raisons économiques, politiques, mais qui sont extérieures à nous. Alors que nous devons, dans le cadre de la coopération, exercer une réelle maitrise de nos politiques et de nos stratégies de développement, et qu’on soit en mesure d’assurer la coordination de l’action à l’appui du développement’’, défend-il.

Pour le principe de l’alignement, les pays partenaires qui allouent l’aide aux PMA doivent, d’après lui, reposer l’ensemble de leurs soutiens sur les stratégies nationales de développement des pays les moyens avancés, sur leurs institutions et leurs procédures. Ceci, en apportant un appui au renforcement des capacités internes en termes de financement public, de passation de marchés.

‘’Le troisième principe, c’est l’harmonisation. C’est-à-dire que les actions des pays qui allouent l’aide soient mieux harmonisées et plus transparentes, et permettre une plus grande efficacité. Il y a autant à apporter un regard extrêmement important sur la mise en œuvre et également les mécanismes de suivi et d’évaluation sur la base d’un certain nombre de critères’’, conclut-il.
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