Dakar, Le réalisateur sénégalais Pape Bounama Lopy a tourné la dernière séquence de son film "Le mouton de Sada", histoire d’une complicité entre un mouton destiné à être sacrifié le jour de la Tabaski et un enfant dont la relation avec l’animal domestique le place dans une situation conflictuelle avec son père.
Ce premier long métrage d’une durée de 75 minutes qui retrace aussi l’histoire de l’enfance du réalisateur a été tourné entre Dakar et Thiès, précisément à Pikine Dagoudane, au quartier Gazelle.
C’est à cet endroit que la plupart des plans ont été tournés, ainsi qu’au Technopole, à la Zone A, à travers les darals (foirails), à Touba Toul, et à Ngoundiane.
Sur le plateau de tournage, dans une vieille maison couverte de zinc et de tuiles, à Pikine, le premier assistant réalisateur, Abdou Khadre Ndiaye, s’affaire dans la cour. Il donne les dernières consignes à Ousmane, le faiseur de pluies perché sur le toit de la maison, et au décorateur dirigé par le régisseur de plateau Chimi Flobert.
"C’est bon, silence, on tourne, action !", lance Pape Bounama Lopy, assisté de sa scripte Ashley, assise derrière la caméra de Amath Niane. Sada (Amadou Diop), neuf ans, personnage principal du film, est assis à côté avec son père Babou, 40 ans (Alioune Badara).
L’équipe en est à la séquence 91 du film. La mère, la trentaine, rentre à la maison alors qu’il pleut et constate l’agitation du mouton de Sada dans son enclos. "Coupé", lance Lopy. "L’enjeu n’est pas de courir", dit-il à l’actrice. "On se replace", lance-t-il à nouveau.
Dans la séquence suivante, le père entre à son tour avec un parapluie sous la main et va vite donner de la nourriture au mouton, un gros bélier blanc.
"Coupé", lance d’un coup sec le réalisateur. Il entre dans la scène et explique à l’acteur. "Tu dois faire vite. Avant que le mouton ne sorte de l’enclos, tu apportes l’eau et la paille d’arachide", explique-t-il encore.
Lopy veut que ces personnages vivent la situation, et ne se limitent pas seulement à jouer. Selon le réalisateur, ces deux séquences ont été jouées plusieurs fois pour plus d’assurance en complicité avec le caméraman et toute l’équipe technique.
"Il faut varier les plans. Ces séquences semblaient simples à voir, mais en pratique ce n’est pas facile", souligne Lopy qui dirige ses acteurs.
Ce dialogue a été permanent depuis 25 jours, précisément depuis le 5 juillet dernier, jour où le tournage de ce film a démarré.
"Le mouton de Sada", au-delà de cette complicité née entre un enfant et son mouton, invite à une réflexion sur d’autres sujets de société.
"+Le Mouton de Sada+ est un titre qui s’est imposé seul, c’est une question d’appartenance entre un père et son fils qui se disputent l’animal, ce qui crée un conflit. Le film est un parcours initiatique pour le père et pour Sada qui ne connaît pas ce qu’est la Tabaski et ce sacrifice où son mouton doit être égorgé", explique Pape Bounama Lopy.
Selon lui, le film s’interroge sur cet amour pour un animal en lieu et place d’un père. "Dans l’histoire, le père n’a pas le temps de s’occuper de son fils, il va au travail tout temps, sa mère aussi +bana bana+ [marchande ambulante] n’est pas toujours à la maison.
"L’enfant reste toujours seul avec l’animal, d’où cette complicité et cet amour tissés depuis plus d’un an", raconte le cinéaste-scénariste du film.
Pour le réalisateur, la Tabaski est un prétexte tout trouvé pour aborder tous les problèmes de société qui découlent de ce rite religieux.
Selon la productrice exécutive, Khadey Zidna Aïdara du groupe "Lydel Com", le film a fait son périple depuis la troisième édition de "Ouaga film Lab" en 2018 et la première édition de "Sentoo", un échange de coproductions Sud-Sud mis en place en 2019.
"C’est un film particulier, l’histoire assez touchante nous parle tous, car on a vécu pareil étant enfant en s’attachant au mouton de Tabaski. Cela dénonce certains faits de la société avec les gens qui font des choses au-dessus de leurs moyens", analyse Khadey Zidna Aïdara.
L’équipe technique est composée entre autres de Arona Camara et du groupe de Ciné-banlieue
Jusqu’au clap de fin, dit-elle, le film dont la post-production va être entamée a été financé sur fonds propres avec "des difficultés énormes".
"On a eu à déposer le dossier un peu partout, notamment au Fonds de promotion de l’industrie cinématographique et audiovisuelle (Fopica), mais nous n’avons pas encore reçu de financement", déplore-t-elle.
Le budget du film, dont la sortie est prévue en 2022, est estimé à 350 millions de francs CFA.