Ce matin, à 11h, mon téléphone sonne. Au bout du fil, mon neveu Talla Ndaw.
– Bonjour tonton Mbaye
– Bonjour Talla
– Mame Talla vient de rendre l’âme, me dit-il.
Il y a 3 jours, mon oncle Talla Badiane qui avait développé une forme grave de la Covid-19 a été admis à l’hôpital de Kaffrine après plusieurs jours de souffrances à Dioli, son village natal.
Testé positif, le médecin urgentiste lui prescrit une ordonnance ainsi qu’un scanner des poumons et le met sous oxygène. Illico presto, la famille s’acquitte des frais inhérents à sa prise en charge hospitalière.
Ce matin, il est mort comme beaucoup de nos compatriotes qui n’ont pas été probablement pris en charge dès les premiers symptômes.
Le décès de mon oncle, loin d’être un cas isolé ou l’expression d’un chagrin mal contenu, est très représentatif de la situation dramatique que vivent nos compatriotes qui n’ont même pas l’opportunité de se faire tester. Paradoxalement, quand ils chopent le virus, ils sont abandonnés à leurs parents dans un dénuement total, loin des centres urbains où des CTE offrent des soins gratuits.
La mort d’un proche doit toujours servir à quelque chose. Alors, je voudrais en profiter pour jeter un autre faisceau de lumière sur la gestion de cette pandémie. Et en particulier dans le monde rural.
Redoutant les effets de l’après-Tabaski, je scrutais tous les matins, la situation épidémiologique de la région de Kaffrine. Les résultats publiés par le ministère de la Santé m’étaient toujours revenus rassurants. Le 11 août, à ma grande surprise, quatre cas sont déclarés dans notre maison familiale. Aucune statistique n’en fit cas dans la période concernée. Heureusement, leur cas n’est pas alarmant. Ils poursuivent leur traitement à domicile.
Pourtant, durant les quatorze jours précédents, le communiqué du ministère de la Santé ne mentionnait que 2 cas à Birkelane, 3 à Koungheul et 3 à Kaffrine pour toute la région éponyme.
Or, hormis, mes quatre (4) cousines et neveux contaminés, mes investigations m’ont permis de dénombrer six (6) cas graves sous oxygène dans le seul hôpital – l’ancien – de Kaffrine et des dizaines de cas symptomatiques à qui on a prescrit une ordonnance et une quarantaine à domicile. Ceux-là ne sont pas pris en compte dans les statistiques connues.
Combien sont-ils ces malades miraculeusement guéris ou ces morts dans les villages, qui n’ont accès à aucune prise en charge médicale?
Pourquoi les informations collectées à partir de l’hôpital de Kaffrine, des centres de santé et qui sont remontées au niveau de la Région médicale, ne parviennent pas au niveau central? Beaucoup de professionnels se posent la même question. Ou a-t-on choisi de trier les statistiques véritables à délivrer aux populations? Est-ce une volonté politique de cacher la réalité de la pandémie aux Sénégalais? À quelles fins?
Autant de questions qui interpellent directement le ministre de la Santé et de la Prévention qui doit nous dire toute la vérité et rien que la vérité.
Je n’ai jamais douté des statistiques fournies par les services du ministère de la Santé en dépit des récriminations de certains spécialistes. Aujourd’hui, la réalité que j’ai vécue doit rendre perplexe le plus optimistes d’entre nous.
Au demeurant, si l’Etat peine à assurer à chaque malade de la Covid-19, les soins adéquats, qu’il donne au moins aux citoyens, toutes les informations pour que ces derniers se prémunissent des risques de contamination.
Mais, c’est surtout la politique différenciée de traitement entre les malades des villes contestataires et ceux du monde rural résignés, qui me choque le plus. Car dans les CTE du reste submergés, toute la prise en charge est gratuite.
Cependant, à Kaffrine et certainement partout ailleurs, les médicaments et le scanner sont facturés aux malades qui, logiquement, auraient dû être positivement discriminés à cause de leur indigence manifeste. Deux poids, deux mesures pour une même balance.
Alors, à quoi servent ces hôpitaux récemment inaugurés à Kédougou, à Kolda et à Kaffrine dans un contexte de Covid-19, s’ils n’ont pas de CTE?
Vu la centralité de sa position géographique, l’hôpital Thierno Birahim Ndao de Kaffrine récemment inauguré, mérite un CTE, si tant est que les équipements qui nous avaiesnt été présentés y sont toujours.
Certes, nous devons continuer à vivre avec le virus. Mais, pour plus d’équité territoriale sanitaire, il faut assurer à chaque Sénégalaise et à chaque Sénégalais, les meilleures conditions de résilience.
Au nom de tous ces compatriotes des zones reculées et inaccessibles, j’en appelle à une gouvernance plus efficiente, transparente et équitable de la Pandémie à Covid-19.
“Le Sénégal de tous, le Sénégal pour tous” si cher au Président Macky Sall, doit se manifester dans les actes quotidiens du gouvernement de la République.
Prompte guérison aux malades et bonne fête de Tamkharit à vous tous.