Les travaux de la Commission politique du dialogue national ont débouché sur l’adoption, hier, du projet de loi n°18/2021 portant Code électoral, après deux ans et demi de concertations et 126 rencontres. Un code adopté malgré les contestations de l’opposition sur des points relatifs au bulletin unique, mais également à l’article L29 qui traite de la question d’éligibilité des candidats relatifs aux cas Karim Wade et Khalifa Sall. Au final, le Oui l’a remporté avec 96 voix contre 5 Non.
Plus de cinq heures de débat n’ont pas permis à l’opposition parlementaire d’obtenir gain de cause sur la réhabilitation des droits civiles et politiques de Khalifa Sall et Karim Wade. Le groupe parlementaire Liberté et démocratie et les non-alignés se sont heurtés à l’inflexibilité du ministre de l’Intérieur Antoine Felix Abdoulaye Diom. Ferme dans la démarche, le successeur d’Aly Ngouille Ndiaye informe que les articles L30 et L31 incriminés n’ont pas connu de changement. Ces articles, assure-t-il, dont la fusion a donné l’article L29 dans le présent Code de loi existait déjà dans le Code consensuel de 1992 sous les numéros 3 et 4.
‘’On a voulu faire croire qu’il y a une nouvelle disposition, affectant un mois de sursis pour parler d’un autre texte. En tout cas, pour le texte soumis à votre amendement, il n’y a pas de modifications, ce sont les mêmes dispositions qui existent. Elles ont fait l’objet de discussions, mais n’ont pas fait l’objet d’un point d’accord. Et tous les points dans cette situation ont été mis de côté’’, souligne le ministre.
Ce dernier ne s’en est pas tenu à cela. Il s’est voulu plus précis à l’endroit du groupe parlementaire de l’opposition qui, depuis quelque temps, exige la participation de leur candidat à la prochaine Présidentielle. Sur ce point, Antoine Diome fait savoir qu’il n’est pas de son ressort de préciser si un citoyen est autorisé ou pas à être candidat ou à s’inscrire sur les listes électorales.
Le ministre de l’Intérieur a dit noter les préoccupations de certains députés qui, à ses yeux, essayent de créer des liens entre ces articles et certaines dispositions. ‘’Nous ne saurons limités ces articles à des questions de personnes. Nous restons sur les principes. Il faut s’élever au rang des principes. Un débat n’est utile que lorsqu’il s’élève à ce niveau. Il faut discuter des grandes querelles et laisser les basses et petites querelles de côté. Les termes de référence ne peuvent pas se rapporter sur des personnes, mais à des thèmes précis à l’image du processus électoral, la question des droits humains, l’organe en charge des élections, le rôle de la justice dans le processus électoral…‘’.
Pour le député de la diaspora, Mor Kane, Karim Wade a été détenu pour enrichissement illicite et après vérification, rappelle-t-il, aucune preuve n’a été fournie contre sa personne. Le parlementaire estime, par conséquent, que le gouvernement doit revenir éclairer la lanterne des Sénégalais au lieu d’utiliser les institutions pour combattre des adversaires politiques. Il pense d’ailleurs qu’après un emprisonnement de 5 ans, il faut penser à restituer au candidat du Parti démocratique sénégalais ses droits civils et politiques.
Le député de la majorité, Juliette Paule Zingha a, pour sa part, évoqué le principe d’égalité et d’équité. La conseillère municipale à Mermoz Sacré-Cœur se demande d’ailleurs comment pourrait-on remettre en question le fonctionnement de la loi pour prendre en compte juste la situation de deux personnes.
Le membre du groupe parlementaire Benno Bokk Yakaar et rapporteur de la Commission des lois dénonce, quant à elle, une tentative de manipulation et de diversion de la part de l’opposition. ‘’La loi ne permet pas aux individus condamnés pour crime, escroquerie ou abus de pouvoir de s’inscrire ou d’être éligible. Tout citoyen sénégalais avec un esprit patriotique doit saluer cette loi’’, soutient Yéya Diallo.
TOUSSAINT MANGA : ‘’La confrontation aura lieu’’
Toussaint Manga, qui s’est félicité de certains points contenus dans le Code électoral comme l’élection au suffrage universelle directe des maires, ne s’est pas abstenu d’afficher son opposition au document passé en revue hier à l’hémicycle.
Pour ce responsable au Parti démocratique sénégalais, c’est seulement au Sénégal qu’un citoyen est condamné par un tribunal qui ne prononce pas la perte de ses droits civiques et qu’on fasse un détour pour l’empêcher d’exercer son droit politique. ‘’Il faut une corrélation entre la perte des droits civiques et la peine que le juge a prononcé. Quelle que soit la situation, le peuple est déterminé à laver l’affront. La confrontation aura lieu, si Macky Sall ne prend pas conscience qu’en 2024, il ne peut pas aller aux élections sans Karim Wade, sans Khalifa Sall. Il n’y aura pas de Présidentielle en 2024 sans ces candidats. Cette question ne se réglera pas à l’Assemblée, ni par les textes, ce qui s’est passé en 2019 a été une erreur, mais cette fois, nous sommes déterminés à laver l’affront’’, met-il en garde.
Au cours des débats, la majorité a reproché à l’opposition d’avoir opté pour la politique de la chaise vide à l’occasion de ces concertations. A ce propos, Mairie Sow Ndiaye se dit satisfaite de cette non-participation de son parti. Pour elle, des points cruciaux comme la neutralité du ministre chargé de l’organisation des élections sont restées en suspens. Ce qui, pour la parlementaire, doit pousser à revoir le code pour la stabilité du pays. ‘’On ne pouvait pas participer à un simulacre de dialogue. Il n’y a pas de consensus dans ce code. Le Sénégal, érigé en modèle démocratique au monde, doit oser les grandes réformes et arrêter les réformettes et le tripatouillage du code à chaque veille d’élections’’, fait remarquer la parlementaire.
Cheikh Bamba Dieye du FSD/BJ explique l’absence de sa formation politique au dialogue par le non-respect des accords du premier organisé en 2016. ‘’Le président de la République est le premier à se rendre compte des problèmes du système électoral. Ces problèmes pouvaient être réglés à partir d’un projet de loi. On réunit les acteurs pour résoudre des questions politiques, mais on ne peut pas discuter pendant deux ans et faire fi de tout ce qui a été retenu’’.
L’ancien maire de Saint-Louis pense ainsi que ce procédé remet en cause la crédibilité des acteurs et la sincérité de l’initiateur. ‘’On dépense de l’argent, on mobilise les Sénégalais sans résultat. On a vu le cas du parrainage ; il s’agit d’une loi personnelle pour régler les questions politiques personnelles’’, se désole le député.
L’ex-membre du parti Rewmi se demande, lui, comment est-ce qu’on peut mobiliser plus de 500 millions de francs CFA, engager deux missions d’audit et d’évaluation du fichier électoral et ne pas tenir compte des recommandations de l’opposition. L’ex-plénipotentiaire de l’opposition dans la Commission politique du dialogue national évoque, dans ce sens, la question du bulletin unique qui, dit-il, est appliqué dans beaucoup de pays. ‘’Il est démontré que cela peut aider à diminuer considérablement le budget de l’organisation des élections. Cette proposition règle la question de l’équité, de l’achat de consciences, mais le président Macky Sall n’en veut pas. On sait pourquoi ils veulent maintenir le parrainage, c’est pour la concentration des candidats, parce que le mode de scrutin à la Présidentielle privilégie la dispersion, mais ils n’en veulent pas’’, fait remarquer Déthié Fall.
Toussaint Manga a, par ailleurs, demandé au ministre de l’Intérieur de prendre en compte dans le nouveau Code électoral la transhumance des maires. Il préconise à ce sujet la perte de leur municipalité, à l’image des députés qui perdent leur siège suite à une démission de leur parti politique. Pour l’ancien secrétaire général de l'Union des jeunesses travaillistes et libérales (UJTL), sur les 100 maires élus sous la bannière du PDS, les 60 ont, au cours de leur mandat, rejoint la mouvance présidentielle. ‘’C’est une escroquerie politique. Ce n’est plus acceptable que le PDS paie la caution à des maires qui quittent le navire après avoir encaissé les mallettes d’argent du pouvoir’’, se désole-t-il.