Il y a une vie après la présidence mais c’est en étant aux manettes qu’on se choisit quel sens lui donner. Depuis toujours les présidents en exercice mènent une vie de pacha, évoluent constamment dans un luxe insolant et disposent pour ceux qui sont autocrates, du droit de vie et de mort sur leurs concitoyens. Cette vie de rêve est telle que nombre d’entre les Chefs d’État, de tous les continents en général, d’Afrique en particulier, s’accrochent aux privilèges par tous les moyens. Pour se maintenir au pouvoir, ces autorités politiques sont prêtes à tout manipulant au gré de leurs intérêts la carotte (corruption et népotisme) et le bâton (violation des libertés individuelles). Consubstantiellement, ils sont rattrapés par le cours de l’histoire à la fin de leur mandat puisque, autant ceux qui sont déchus que ceux qui ont rendu le pouvoir de façon régulière, ces ex Chefs d’État souffrent le martyr et paient les pots qu’ils ont délibérément cassés.
L’arrestation la semaine dernière de l’ex président mauritanien, même si elle n’a pas surpris beaucoup d’observateurs au vu de la pression exercée sur lui depuis son départ du pouvoir, remet à la surface la lancinante question de la pratique du pouvoir en Afrique. A la décharge des présidents africains, la problématique de la passation du pouvoir pacifique et de l’après-présidence paisible ne se pose pas que dans notre continent. Selon leurs délits ou crimes, des anciens chefs d’État ont été constamment objets de poursuite judiciaire: Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy en France, Donald Trump aux États-Unis, mais de façon exceptionnelle.
Le constat au niveau du continent est qu’en réalité malgré l’immunité présidentielle qui couvre l’impunité des Chefs d’État, souvent trempés dans des pratiques peu orthodoxes, on note une émergence d’une culture de poursuites à l’encontre d’ex « Commander-in-Chief« . Même si on fait l’impasse sur les présidents déchus après un soulèvement populaire ou à la suite de coups d’État, il restera des noms sur la liste des anciens Chefs d’État qui ont maille à partir avec la justice de leur pays. Le mur de protection de leur personnage s’effondre, leur personnalité démystifiée, et leur manteau d’immunité dévoilée. Au vu de ce qui se pratique, on est comme aujourd’hui face à la fin de l’impunité et à l’exigence de plus en plus accrue de la reddition des comptes, aussi bien sur le plan économique que politique.
Même si la plupart des poursuites portent la marque de l’économie, avec des accusations de détournements par ici, des chefs d’inculpation d’enrichissement illicite par là, il faut reconnaitre qu’il y a une forte dose politique derrière. La main invisible du politique se fait toujours sentir au fur et à mesure que les dossiers avancent, malgré le fait que dans beaucoup de ces pays, la succession se fait entre un mentor et son dauphin. Si au Sénégal le fils de l’ancien président Wade a été inculpé en 2013 pour enrichissement illicite sous le régime de Macky Sall ancien Premier ministre de son père, en Afrique du Sud Jacob Zuma est condamné à 15 mois de prison ferme alors que sa succession par son camarade de parti Cyril Ramaphosa aurait pu lui ouvrir les voies de l’impunité-immunité. Également en Mauritanie, un scénario identique s’y dessine avec les poursuites judiciaires lancées contre l’ancien président Aziz par son ancien ministre dont il a largement contribué à l’accession du pouvoir.
Ainsi vu, l’Afrique s’ouvre à une nouvelle ère où les présidents deviennent des justiciables comme tous. Cependant, ces actes hautement salutaires pour la consolidation de l’État de droit risquent de donner un coup de pied dans la fourmilière et avoir un effet contraire à toutes les espérances. On s’expose ainsi à une double éventualité: réussir à maintenir les présidents dans le strictement légal ou contribuer à leur projet de garder le pouvoir au-delà des limites constitutionnelles. Qu’à ce la ne tienne, la possibilité de poursuite contre des anciens Chefs d’État est en quelque sorte une épée de Damoclès qui ne devrait plus laisser de place à l’autocratie et aux pratiques économiquement malsaines. Après tout, il y a une vie après le pouvoir et la sanction populaire doit être pour ces aspirants à la magistrature suprême, l’occasion rêvée de profiter paisiblement de leurs droits à la retraite et pourquoi pas leur liberté de revenir reconquérir le pouvoir avec les honneurs.