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Ousmane Sonko aux états généraux de l’Eco: “C’est un projet vraisemblablement utopique“
Publié le vendredi 28 mai 2021  |  Enquête Plus
Ousmane
© aDakar.com par DR
Ousmane Sonko a pris par aux états généraux de Lomé sur l`ECO
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La création d’une monnaie commune, notamment de l’Eco, au sein de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao), est un projet ‘’vraisemblablement utopique’’. C’est ce qu’a soutenu hier, le leader du Pastef, Ousmane Sonko, à l’occasion des états généraux de l’Eco qui se tiennent à Lomé.

Quelle que soit l’option retenue, que ce soit l’Eco comme simple prolongement du francs CFA, ou l’Eco réel, naira, l’autre version de l’Eco, ou encore l’Eco monnaie commune mais pas unique ; dans le processus de création d’une monnaie commune, le leader du Pastef estime que la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao) devrait être gérée par une Banque centrale fédérale. Et sa monnaie arrimée non pas à l’Euro, mais à un panier de devises. ‘’Pour nous, c’est un projet noble, ambitieux, corrélé à l’ambition politique que nous avons, en tant que panafricanistes et défenseurs ardents d’une fédération régionale. Nous y croyons, d’ici 2090, 2100. Mais, confronté à la réalité, c’est un projet vraisemblablement utopique. Le projet de la Cedeao s’inspire de la zone Euro, alors que les réalités sont totalement différentes. Nous aurons énormément de problèmes et de difficultés à converger. Nous avons des pays qui sont à un niveau d’inflation extrêmement important, d’autres à un niveau de déficit extrêmement important. Il est donc évidement que nous allons avoir de problèmes pour atteindre les critères de convergence et aller faire cet Eco’’, soutient Ousmane Sonko.

Intervenant hier, par vidéo conférence aux états généraux de l’Eco qui se tiennent à Lomé, l’ancien inspecteur des Impôts affirme que, pour avoir une monnaie unique, il faut un taux d’échanges important entre les pays de la même zone. Or, il trouve que l’échange intra zone en Afrique est ‘’extrêmement faible’’, pour que les pays de la Cedeao puissent aller vers cela. ‘’Il me semble extrêmement délicat d’aller vers ce modèle, en l’absence d’un souverain qui jouera le rôle que joue actuellement l’Allemagne dans la zone euro. Ce ne sera pas le Nigéria et nous n’allons pas prendre le risque de sortir d’une monnaie critiquée pour son manque de souveraineté pour tomber dans une situation beaucoup plus dramatique, avec moins de garanties que ce que nous pouvons avoir avec la France, quelles que soient les critiques que nous formulons’’, indique-t-il.

Pour la zone Uemoa, Ousmane Sonko relève que la France ‘’n’a jamais garanti’’ leur monnaie. ‘’Nous le faisons nous-mêmes, au-delà, le compte d’opérations permet à la France d’avoir un contrôle absolu sur nos opérations commerciales, et un moyen de pression sur les dirigeants récalcitrants. L’instrument monétaire est le seul qu’on ne peut pas transférer. Une mauvaise utilisation de cet instrument, avec les conséquences que cela engendrerait en terme d’inflation, serait le plus grand risque encouru par les élites politiques pour les amener à beaucoup plus de rigueur par rapport à la stabilité de leur pouvoir. La monnaie que nous avons ne nous permet pas d’atteindre nos objectifs d’industrialisation’’, poursuit-il.

‘’Ne pas avoir les mêmes critères de convergence que par le passé’’

A ce propos, l’ancien Premier ministre du Bénin pense que 2 ou 3% de cible d’inflation, c’est une norme qui ne correspond pas au caractère relativement ‘’rigoureux et souvent tendant à la surchauffe’’ dans les économies de la sous-région. ‘’Si on dit qu’on pourrait aller jusqu’à 8% ce serait plus facile de convaincre des Ghanéens qui ont plutôt l’habitude de faire du 20% de déficit. Il ne faut avoir les mêmes critères de convergence que par le passé. D’ailleurs, regarder le Pacte européen, le Pacte de stabilité. Personne ne parle post-pandémie, de revenir mécaniquement à 60% de Produit intérieur brut (Pib) de dette publique et 3% de déficit budgétaire’’, argumente Lionel Zinsou.

Ainsi, il relève que c’est important pour l’Eco, qu’il ‘’ne naisse pas avec la camisole de force de critères excessifs à certains égards, répressifs, excessifs’’, dans leur système de convergence qu’il soit à l’intérieur de l’Uemoa ou à l’intérieur de la Cedeao. ‘’Je respecte le fait que tous les Etats ont fait des efforts en matière de gouvernance. Ce qui est très bien. Mais, après, il y a une question quand-même d’indicateurs de mesure. C’est empirique. Pour une entreprise, 8% veut dire que les gens n’ont pas le contrôle de l’inflation, 3% dans une zone comme la nôtre, cela veut dire que ces gens se mettent des contraintes excessives. Maintenant, on a besoin d’être quelque part entre les deux’’, ajoute-t-il.

Si atteindre l’émergence de la zone est impossible dans ces conditions, Ousmane Sonko note que, c’est parce que les chefs d’Etat ont fait le choix d’une stabilité privilégiant le consommateur, les importations, etc., au détriment de leurs exportations de matières premières, de leurs politiques d’industrialisation, de l’investisseur dans les taux d’intérêts très élevés subis. Ce qui constitue, selon lui, ‘’le prix à payer’’ pour le maintien de la parité. ‘’Ce qui est diamétralement opposé aux objectifs de développement posés. Le francs CFA n’est pas la monnaie qu’il nous faut pour réaliser nos objectifs de développement. On n’est pas obligés d’opposer ces impératifs. Aucune politique de développement n’est réellement possible, en réalité, s’il occulte les leviers monétaires, à côté de ceux budgétaires’’, défend le patron du Pastef.

‘’Etre sûr d’être équipé techniquement’’

Pour sa part, l’ancien Premier ministre béninois, par ailleurs membre du Secteur privé, a fait savoir que choisir un régime de change, avoir des canaux de transmissions de la politique monétaire qui soit efficace pour financer l’économie, notamment celle en forte croissance et, c’est ce qui arrive à la Cedeao, depuis plus de 15 ans, demande au fond de ‘’regarder toute une littérature théorique’’ et beaucoup d’expériences empiriquement mesurées. ‘’Parce que ce sont des faits historiques. La monnaie, c’est un objet historique. Notre monnaie, le francs CFA, est passée par des épisodes, des séquences historiques dont certaines stigmatisantes et dures à assumer pour les générations d’aujourd’hui. Donc, il faut arriver à ce que, ce passé historique passe. Et en même temps, cela va être la monnaie qui va accompagner, pendant des décennies, les générations d’aujourd’hui, et il faut être sûr qu’on est équipé techniquement avec ce qu’il y a de mieux’’, note Lionel Zinsou.

Pour cet entrepreneur béninois, on peut complétement ‘’échouer à avoir un instrument monétaire efficace’’, à travers le continent. Ce qui, d’après lui, est ‘’extrêmement’’ simple. ‘’On a des pays qui changent le nom de leur monnaie très fréquemment, pour effacer les souvenirs des années précédentes. Il y a des monnaies qui ne comportent aucun élément de certitude et de prévisibilité. On a des phénomènes d’hyper inflation. C’est extrêmement facile de basculer, de se trouver dans une situation où, la monnaie ne fait pas son travail. C’est extrêmement facile d’avoir une situation de changes multiples. Tous les opérateurs savent que la monnaie ne va pas faire son travail de garder la valeur de son épargne. Il faut à la fois, purger le passé qui ne passe pas et qui est lié à une série de symboles et qu’il faut préparer des instruments. C’est important que les jeunes générations soient impatientes, mais, qu’elles réfléchissent de temps en temps’’, dit-il.

Toutefois, Lionel Zinsou reconnait que la monnaie est née de l’esclavage, de l’indemnisation des maîtres. ‘’C’est vrai que la monnaie du Sénégal, en 1853, est financée en disant : ‘’un esclave, une action’’. C’est vrai que cela c’est un stigma très fort. C’est vrai qu’ensuite la performance dans la gouvernance, d’influence d’ailleurs assez conservatrice du Trésor français, pose un problème, cent ans après les indépendances. Donc, le fait qu’on ait purgé le symbole du nom, les mécanismes de gouvernance et qu’on efface les symboles de stigma, c’est important juste parce que l’opinion publique le considère ainsi’’, rappelle le Pr Zinsou.

Aujourd’hui, l’ancien Pm béninois pense que si, dans l’opinion ouest-africaine, ils veulent se débarrasser du franc des colonies françaises d’Afrique, ils n’ont qu’à le faire. D’ailleurs, il indique que le Maghreb, accédant à l’indépendance, s’est défait du francs CFA pour passer au dirham, au dinar, etc. ‘’Ce sont des éléments que je respecte. Il fallait purger ces symboles. La gouvernance, c’est plus que le symbole. Parce que, nous avons eu une politique monétaire et il faut dire qu’elle est l’une des plus prudentes, plus conservatrices, une des plus répressives. La répression financière existe. On a eu une orthodoxie incroyable’’, renchérit M. Zinsou.

‘’On vient de perdre des dizaines de milliards’’

L’ancien Pm béninois signale que l’Eco, ce n’est pas le même nom, ce n’est pas la même gouvernance. Pour l’instant, ce ne sont pas encore les mêmes critères de discipline, en termes de compte d’opérations. Il n’y en a plus. ‘’On gère directement notre devise. Donc, c’est une victoire symbolique, probablement, c’est une petite défaite financière. Parce qu’avec le compte d’opérations, on avait nos réserves de change, qui étaient très bien rémunérées. Donc, on vient de perdre des dizaines et des dizaines de milliards, simplement, parce qu’au lieu d’être rémunérer à 2%, maintenant, il est placé en titres qui sont à taux zéro négatif. On vient de perdre des dizaines de milliards. Et rien ne s’est pas passé’’, regrette-t-il.

Avec la fermeture du compte d’opérations et le renvoi à la Banque centrale de ses réserves de change, signale M. Zinsou, elles ne peuvent pas servir aux pays pour des investissements, car, ces réserves servent en général, à payer leurs importations et à faire la couverture extérieure de la masse monétaire. ‘’Donc, ce n’est pas un trésor qu’on a récupéré. C’est une masse techniquement nécessaire que nous avons la fierté de gérer intégralement et pas à 50%. Et le prix de la fierté, cela nous coûte quelques dizaines de milliards de perte. Mais, on peut tout de même admettre que c’est un progrès. On gérera nos réserves et on aura des taux positifs dans l’avenir. Donc, c’est un mauvais moment à passer, mais après tout, ce n’est pas mal d’avoir touché au symbole. Je ne crois pas que les défis soient très difficiles à relever’’, estime-t-il.

La Cedeao étant ‘’hétérogène’’ et leurs économies se ressemblant trop, Lionel Zinsou affirme qu’il y a des mécanismes, des dynamiques à faire, à l’intérieur de leurs zones. ‘’On ne va pas attendre que l’économie guinéenne soit au même niveau de revenu par tête que celle ghanéenne pour que les deux puissent ressembler à l’Uemoa et que cela puisse faire une zone beaucoup plus large. La création et l’entrée dans la zone est un facteur de convergence en soi. La dynamique, j’y crois, tout à fait. A l’intérieur de l’Euro zone, on a des provinces qui ont le même niveau de vie, de revenu par tête. Ce que nous avons à l’intérieur de la Cedeao’’, conclut-il.
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