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Arrêt de la cour de la CEDEAO sur le parrainage - La réponse salée d’Ismaïla Madior Fall
Publié le mardi 11 mai 2021  |  Senego
Passation
© aDakar.com par SB
Passation de service au ministère de la Justice
Dakar, le 16 avril 2019 - Le nouveau ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Me Malick Sall, a été officiellement installé dans ses fonctions. Il a effectué la passation de services avec son prédécesseur. Photo: Pr Ismaïla Madior Fall
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La majorité présidentielle a organisé, ce samedi, une conférence de presse pour se prononcer sur l’arrêt de la CEDEAO sur le parrainage au Sénégal. Le Pr Ismaëla Madior Fall indique que l’Etat du Sénégal étudie la suite à donner à cet arrêt, dans le respect du droit communautaire.



Le parti politique sénégalais de l’Union sociale libérale (USL), présidé par l’avocat Abdoulaye Tine, avait introduit un recours au niveau de la Cour de justice de la CEDEAO pour demander qu’on invalide la loi sur le parrainage, considérant qu’’’elle est discriminatoire, qu’elle viole la loi sur le parti politique et qu’elle porte atteinte au droit des Sénégalais de participer à l’élection présidentielle’’.

Dans sa réponse livrée le 28 avril dernier, considérant que la loi sur le parrainage ‘’porte atteinte à la liberté de participation des candidats à l’élection présidentielle’’ et est susceptible de ‘’violer des Droits de l’homme’’, la juridiction communautaire a ordonné à l’Etat du Sénégal de procéder à la suppression de cette loi dans un délai de six mois.

Hier, la majorité présidentielle a exprimé ses réserves sur la teneur juridique de cet arrêt. En conférence de presse, elle a formulé un certain nombre de griefs. Celles-ci se fondent sur deux référentiels juridiques de la cour elle-même, selon l’un des porte-parole du jour, le professeur Ismaïla Madior Fall.

Dans un premier temps, il soulève que la Cour de justice de la CEDEAO a, dans son arrêt, parlé d’’’une violation hypothétique’’, alors qu’elle doit statuer sur des violations avérées et prouvées des Droits de l’homme. Ainsi, il considère que la cour s’est écartée de sa jurisprudence. Ensuite, pour le ministre d’Etat, la cour a ignoré un principe élémentaire de tout ordre juridique communautaire, à savoir l’autonomie politique et constitutionnelle des Etats, qui permet à ces derniers de se doter des lois constitutionnelles de leur choix.

‘’Les États reconnaissent à la cour un certain nombre de compétences, mais ces compétences ne peuvent remettre en cause l’autonomie politique et constitutionnelle des Etats. Ces derniers, même membres de la communauté, disposent de la faculté, de la prérogative de déterminer leur propre organisation constitutionnelle et politique, et qu’une supranationale ne peut remettre en cause le principe de l’autonomie constitutionnelle. Parce que les questions de l’autonomie constitutionnelle font partie des noyaux durs de la souveraineté sur lesquelles l’Etat a la latitude constitutionnelle de se doter des lois qu’il veut. Ici, la cour viole donc le principe de l’autonomie politique et constitutionnel’’, a fulmine le constitutionnaliste.

Ismaïla Madior Fall rappelle que la loi sur le parrainage a deux aspects : constitutionnel et législatif. L’article 28 de la Constitution avait été modifié pour introduire le parrainage dans la Constitution sénégalaise. L’objectif étant de le généraliser, puisqu’il existe dans la Constitution sénégalaise depuis 1963. ‘’Il y a un moment où il ne s’appliquait qu’à la candidature indépendante. Ce qui a été fait au fond, en avril 2018, c’est que la loi sur le parrainage s'applique maintenant à toutes les candidatures, qu’elles émanent des candidatures individuelles ou bien qu’elles émanent des partis politiques ou des coalitions de partis. Donc, c’est d’abord la Constitution. C’est ensuite une loi qui a mis en œuvre la loi constitutionnelle sur le parrainage, à savoir le Code électoral’’, explique-t-il.

En outre, poursuivant ses explications, M. Fall s’insurge contre le fait que la Cour de justice de la CEDEAO s’est considérée une ‘’comme juridiction constitutionnelle’’, parce qu’elle a jugé la révision constitutionnelle d’un pays. ‘’Elle s’est aussi érigée en juridiction suprême, en juridiction de cassation. Parce que le Conseil constitutionnel avait rendu une décision, en 2019, en modifiant le Code électoral. C’est cette décision rendue par nos juridictions nationales que la Cour de la CEDEAO a remise en cause, a cassée’’, dit-il.

Pour M. Fall, la juridiction est sortie de son champ de compétences pour ‘’se livrer à une appréciation subjective’’ du parrainage qui ne permettrait pas aux 300 partis de présenter des candidatures à la Présidentielle. ‘’Elle a outrepassé ses compétences. D’ailleurs, la cour dit qu’’il y a 300 partis politiques. Si on exige de chaque candidat 0,8 %, les 300 partis politiques ne pourront pas présenter de candidat. Mais évidemment, ils n’ont pas tous vocation à présenter de candidat. Une chose est d’avoir un parti politique, une autre chose est de remplir des conditions pour être candidat à l’élection présidentielle. La vocation du parrainage, c’est bien d’instaurer un filtre, mais un filtre citoyen, un filtre populaire’’, a-t-il estimé.

De plus, Ismaïla Madior Fall ne tolère pas les injonctions faites par la Cour de justice de la CEDEAO à l’Etat du Sénégal pour une période de 6 mois. Il estime qu’aucun texte n’a prévu cela. ‘’Le juge rend des décisions, mais n’adresse pas des injonctions à l’Administration. Le juge peut condamner, mais n’adresse pas d’injonction’’, insiste M. Fall.

Manque de crédibilité

Ces ‘’erreurs’’ relevées par la majorité présidentielle ‘’sont si énormes qu’elles sont susceptibles de porter atteinte à la crédibilité de cette juridiction supranationale qui, à l’échelle de l’Afrique de l’Ouest, doit être une référence incontestable’’, selon le ministre d’Etat.

D’ailleurs, pour lui, ‘’les arrêts de la CEDEAO, de façon tendancielle, posent problème’’. ‘’Ce n’est pas seulement par rapport au Sénégal, c’est par rapport à l’ensemble des Etats de la sous-région. L’indicateur statistique pour indiquer cette assertion, c’est que, finalement, le taux d’exécution de la CEDEAO est excessivement faible. Sur les 200 arrêts qui ont été rendus, le taux d’exécution n’atteint même pas les 50 %’’, a-t-il poursuivi. Cela signifie pour lui qu’il y a une résistance, une révulsion des Etats membres. ‘’Aujourd’hui, on a une tendance : il y a des Etats qui quittent la CEDEAO. D’autres Etats ne quittent pas, mais ignorent ses arrêts’’, croit-il.

Cependant, Ismaïla Madior Fall précise qu’’il ne s’agit pas, ici, de critiquer la Cour de la CEDEAO. Il ne s’agit pas de vitupérer contre l’institution juridictionnelle communautaire. En effet, à croire le ministre, l’Etat du Sénégal est ‘’respectueux’’ des instances de cette cour. ‘’Dans le respect de la cour, le Sénégal étudie la suite à donner à cet arrêt conformément au droit communautaire’’, promet-il, soulignant que ‘’le Sénégal ne voudrait ni quitter la CEDEAO ni ignorer ses arrêts’’. Le Sénégal peut introduire un recours à l’interprétation de l’arrêt pour demander à la cour le sens de l’arrêt’’, ajoute-t-il.

Il pense ainsi que l’on peut avoir une lecture plus optimiste de la décision et espérer que la Cour de la justice de la CEDEAO ne remet pas en cause le principe du parrainage, mais sa mise en œuvre.

BABACAR SY SEYE
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