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An 1 loi sur les sachets plastiques : Entre résignation, complaintes et résilience
Publié le jeudi 22 avril 2021  |  Enquête Plus
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© Autre presse par DR
Des sachets en plastique
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Après un an de mise en œuvre de la loi 2020-04 du 8 janvier 2020 relative à la prévention et à la réduction de l’incidence sur l’environnement des produits plastiques, le bilan fait ressortir 182 opérations effectuées, 80 saisies pour une quantité totale de 70 tonnes de produits plastiques prohibés. Malgré les efforts énormes déployés par le MEDD, il existe encore des poches de résistance, mais aussi des limites structurelles par rapport à l’application de la mesure. Alors que la demande journalière en sachets plastiques sortis de caisse est estimée à 5 millions, la capacité annuelle de production est de l’ordre de 15 millions. Soit un gap énorme à combler.


La guerre contre le plastique se poursuit. Hier, le ministère de l’Environnement et du Développement durable (MEDD) a organisé une cérémonie d’incinération symbolique de produits plastiques prohibés, saisis sur le marché, à travers le territoire national. Au total, ce n’est pas moins de 70 tonnes de plastique à usage unique saisies et qui vont être incinérées au fur et à mesure. Secrétaire général du MEDD, Amadou Lamine Guissé dresse un bilan assez satisfaisant, après un an de mise en œuvre de la loi n 2020-04 du 8 janvier 2020. Il déclare : ‘’Depuis le 20 avril 2020, cette loi est entrée en vigueur sur toute l’étendue du territoire national. Depuis lors, en rapport avec les autorités administratives, les forces de défense et de sécurité et les services déconcentrés, 182 opérations ont été effectuées sur le territoire national. Une quantité de plus de 70 tonnes a été saisie, dont plus de la moitié dans la région de Dakar.’’

Chez les acteurs, les sentiments les mieux partagés sont : la résignation, la résilience, mais aussi des complaintes. Celles-ci sont surtout relatives à l’absence de mesures alternatives sur le marché national pour leur permettre de s’adapter. Mamadou Dieng, Secrétaire général de l’Unacois (Union nationale des commerçants et industriels du Sénégal)/Jappo, s’explique : ‘’Nous, nous n’avons aucun problème avec cette loi. Nous sommes totalement en phase avec elle. Ce que l’on déplore, c’est juste l’absence d’alternative. Quand vous interdisez quelque chose, il faut mettre à la place quelque chose d’autre. Ce qui n’a pas été le cas. Résultat : des gens ont perdu leur emploi et leurs revenus. Il s’agit surtout de ceux qui s’activent dans la fabrication d’eau de sachet. Du jour au lendemain, ils se sont retrouvés dans des situations très compliquées. On aurait pu les accompagner pour qu’ils puissent s’adapter à la nouvelle configuration.’’

Estimé à plus de 35 000 travailleurs, ce secteur est aujourd’hui dans l’expectative. Malgré une dérogation accordée par l’autorité, confie certains acteurs. ‘’C’est là où il y a eu le plus de difficultés dans la mise en œuvre. Du fait de la pandémie, ces acteurs avaient sollicité la suspension de cette mesure, en ce qui les concerne. Ils ont pu avoir cette dérogation, mais il n’y a aucune disposition légale qui le consacre. C’est pour permettre de sauvegarder les milliers d’emplois qui tirent encore leurs ressources grâce à cette activité. Donc, aujourd’hui, on peut dire que l’activité est juste tolérée, mais elle ne repose sur aucune base légale’’, souligne un interlocuteur.

En outre, il convient de signaler que, malgré les efforts énormes déployés par le département de l’Environnement et qui sont salués par les acteurs, les sachets restent visibles un peu partout dans les marchés sénégalais. Interpellés, les commerçants l’imputent surtout au défaut ou à la cherté des emballages alternatifs. Loin de constituer un handicap, ceci doit être perçu comme une opportunité, soulignent les responsables du MEDD. Le secrétaire général précise : ‘’Rien que pour les sachets sortis de caisse, nous avons un besoin de 5 millions par jour, alors que la capacité annuelle de production industrielle est de 15 millions de papier kraft. Vous voyez que le gap est énorme. Cela démontre que la loi offre des opportunités de production et de commercialisation réelles. Il faut que les gens aillent dans une dynamique de reconversion, pour qu’au moins, au Sénégal, à l’horizon 2022, 2023, 2024, 2025, qu’on puisse se retrouver avec une capacité de plus de 60 millions au moins de sachets disponibles.’’

Selon son collègue Baba Dramé, Directeur de l’Environnement et des Etablissements classés, l’espoir est permis sur ce plan, car ils sont nombreux les investisseurs à avoir manifesté une volonté dans ce sens. ‘’Dans les mois à venir, cette difficulté sera derrière nous. Beaucoup d’investisseurs ont compris aujourd’hui qu’il y a là une part de marché très important et ont décidé d’investir dans le secteur’’. Aussi, invite-t-il les tailleurs à investir dans la confection des sachets en tissu pour contribuer à la prise en charge de cette forte demande.

C’est ainsi seulement que l’équation de la cherté pourrait être convenablement résolue, fait-il remarquer. Il affirme : ‘’Il faut savoir que nous sommes au début d’un processus. Avec le temps, quand les sachets seront vraiment disponibles, les prix vont baisser. Mais en matière de protection de l’environnement, autant il faut regarder le coût des produits, autant il faut apprécier l’impact sur notre environnement et ses bénéfices. La pollution des sachets plastiques détruit notre environnement, notre santé, sans compter les nombreux dangers sur d’autres secteurs comme l’élevage.’’

Par ailleurs, en plus des gens qui s’activent dans les unités d’eau en sachet, il y a les utilisateurs de gobelets comme les vendeurs de café-Touba, ceux qui s’activent dans la restauration rapide, entre autres, qui ont été très touchés… ‘’L’Etat les a laissés un peu avec eux-mêmes. C’est comme si on leur disait : ‘C’est à vous de vous débrouiller pour trouver des solutions.’ Alors que, parfois, ce n’est pas leur job. L’Etat doit travailler à mettre en place un écosystème qui puisse permettre à chacun de s’épanouir’’.

Par ailleurs, les acteurs invitent les services de l’environnement à poursuivre les opérations de sensibilisation, pour inciter tout le monde à se conformer à la nouvelle législation. Mamadou Dieng : ‘’Déjà, beaucoup de commerçants s’adaptent, parce qu’ils ont compris les enjeux. Pour les récalcitrants, il faut davantage les encadrer, les sensibiliser… Nous sommes tous conscients des impacts néfastes des matières plastiques sur notre environnement. Et à partir de là, nous tous soutenons la mesure, mais demandons des mesures alternatives.’’

Sur ce plan, le secrétaire général du MEDD rassure : ‘’L’Etat a mis en place des dispositions pour accompagner ceux qui veulent investir dans le domaine ou ceux qui veulent opérer une reconversion.’’ Et d’ajouter : ‘’Avant même le vote de cette loi, le ministère avait mobilisé d’énormes moyens pour sensibiliser les populations sur les méfaits de ces produits. Nous avons continué la sensibilisation, après l’entrée en vigueur, en rencontrant tous les acteurs : industriels, commerçants, autorités administratives et territoriales.’’

Après l’étape de la sensibilisation, c’étaient les opérations de saisie sur le terrain et des amendes. ‘’Durant cette phase, souligne M. Guissé, plus de 80 personnes ont subi des saisies, dont dix amendes. Malgré tous les efforts, jusqu’à présent, il y a des gens qui continuent à commercialiser ces produits. Mais nous ne baisserons pas les bras. Nous allons continuer la sensibilisation, le contrôle, mais nous allons aussi continuer, avec les FDS et les autorités déconcentrées, les opérations de saisie’’.

Cela dit, le ministère de l’Environnement ne renonce pas aux opérations de sensibilisation. Amadou Lamine Guissé déclare : ‘’Nous profitons de l’occasion pour lancer un appel à tous les acteurs, pour leur dire que des alternatives existent, notamment les emballages en papier… L’Etat est en train de mettre en place pour accompagner tout acteur décidé à se reconvertir.’’

Afin d’éviter que les produits saisis ne soient réintroduits dans le marché, deux possibilités s’offrent aux autorités. D’une part, la remise des stocks aux industries qui s’activent dans le recyclage. D’autre part, la destruction à haute température. Après avoir consulté les experts, la deuxième hypothèse a été retenue, a expliqué le SG.

Par ailleurs, pendant que certains acteurs de l’informel bravent encore l’interdit, il faut noter que dans la grande distribution, la mesure est respectée dans la plupart des cas. Mais parfois, c’est le consommateur qui paie la note. ‘’Dans certaines entreprises comme Auchan, Carrefour, Brioche dorée, le consommateur achète son sachet. C’est un coût supplémentaire, mais cela en vaut la peine pour un Sénégal débarrassé de ces produits nocifs’’, souligne un acteur qui a préféré garder l’anonymat, tout en relevant le cas des usines qui, même si elles n’ont pas fermé boutique, ont été obligées d’arrêter certaines unités et de libérer une partie de leur personnel. C’est aussi ça le coût de la sauvegarde de l’environnement et de la santé publique.

MOR AMAR
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