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Attelage gouvernemental: Macky Sall, un président seul !
Publié le mardi 20 avril 2021  |  Enquête Plus
Macky
© Présidence par DR
Macky Sall au 51ème Sommet de la CEDEAO à Monrovia
Monrovia, le 4 juin 2017 - Le président de la République Macky Sall a pris part au 51ème Sommet de la CEDEAO à Monrovia, Liberia. En marge du sommet, le Premier ministre de l`État d`Israël qui était invité à prendre part aux discussions a annoncé le retour de l`ambassadeur de l`État hébreu à Dakar.
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En l’absence d’un Premier ministre capable de jouer le rôle de tampon dans un climat politique et social de plus en plus en ébullition, le président de la République, Macky Sall, essaie tant bien que mal de gérer les urgences. Déjouant tous les pronostics quant à un nouveau remaniement ministériel, il tient à montrer qu’il est le seul maitre à bord.

Un président qui se démène comme il peut, pour essayer d’esquiver les coups d’une opposition requinquée par les dernières émeutes qui avaient ébranlé le pouvoir. Malgré les coups qui continuent de pleuvoir de toutes parts, Macky Sall ne semble pas pouvoir compter que sur lui-même pour limiter leur portée et leur tenir la dragée haute. Il est loin de l’époque où il disposait d’un Boune Dionne prêt à encaisser tous les coups destinés à son mentor et à aller au front. Pour beaucoup d’observateurs, le président de la République n’a jamais été aussi seul.

Journaliste chroniqueur à la RFM, Abdoulaye Cissé est du même avis. Il déclare : ‘’Il s’est esseulé, il s’est isolé. Mais c’est son choix d’avoir emprunté cette voie. Depuis sa réélection, il a passé son temps à dire aux membres de son camp qui ont toujours mouillé le maillot pour le défendre, aux alliés qui l’ont toujours accompagné que, finalement, ils n’ont été pour rien dans sa réélection ; que c’est son coefficient personnel qui lui a valu cette brillante réélection…’’

Selon lui, c’était devenu presque une obsession pour le président Sall de clamer urbi et orbi que c’est lui le dépositaire de la confiance des Sénégalais. Ce qui, du reste, est une évidence. ‘’Et une évidence, quand on sent le besoin de la rappeler à tout instant, cela pose problème’’.

Comme pour ne rien arranger, ses deux lieutenants les plus sollicités, Antoine Diome (ministre de l’Intérieur) et Me Malick Sall (ministre de la Justice) ont cette fâcheuse habitude de le desservir plus qu’ils ne le servent, à chacune de leur prise de parole. Pour beaucoup, cela pourrait expliquer leur absence à la dernière conférence de presse du gouvernement. Pourquoi envoyer un ministre des Forces armées pour s’expliquer sur des questions judiciaires et de troubles à l’ordre public, en lieu et place des ministres de l’Intérieur ou de la Justice ? Le journaliste Abdoulaye Cissé explique : ‘’C’est vrai qu’on ne s’attendait pas du tout à voir Sidiki Kaba face à la presse, dans un contexte pareil, avec tout le bouillonnement social, dans un contexte où le président lui-même explique les troubles par la demande sociale. Stratégiquement, on ne s’attendait donc pas à voir le ministre des Forces armées. Mais il faut aussi noter que le président avait déjà tout essayé et cela n’avait pas marché. Il a voulu essayer quelque chose de nouveau, puisqu’il ne pouvait être question d’envoyer Malick Sall ou Antoine Diome. Tous les deux avaient grillé leur joker.’’

De plus, signale le journaliste, la plupart des membres du gouvernement ont des problèmes avec leurs propres secteurs. Il donne l’exemple du ministre de la Pêche, de celui l’Artisanat qui peine même à remettre aux acteurs les 25 milliards F CFA promis depuis un an… ‘’On est dans une situation où tous les ministres ont des problèmes avec les secteurs qui sont sous leur autorité. Il n’y a que le ministère des Forces armées qui n’a pas de problème… De plus, le Premier ministre qui servait de fusible n’est plus là’’, analyse M. Cissé. Qui ajoute : ‘’En fait, on n’a plus de ministres ou de membres du gouvernement capables de répondre des questions relatives à la demande sociale. Le ministre de l’Emploi est à part ; le ministre de la Formation est à part ; le ministre de l’Artisanat et de la Transformation du secteur informel travaille à part… Il n’y a donc personne pour prendre en charge cette question dans toutes ses dimensions.’’

Outre l’emploi et les jeunes, le gouvernement est confronté à une série de questions qu’il a du mal à prendre en charge correctement. Parmi elles, la relance économique, les questions migratoires, l’organisation des élections locales, etc. Sur toutes ces questions, le gouvernement cherche la solution. Et il en est de même de la lancinante question de l’organisation des élections.

Pour le Dr Moussa Diop, analyste politique, voilà des questions sur lesquelles le gouvernement gagnerait à prendre davantage en charge. Il explique : ‘’Il faut que le régime trouve le moyen de stabiliser le pays en maintenant la paix sociale. Le gouvernement doit véritablement recentrer ses actions dans la prise en charge des préoccupations des populations. Car les attentes sont nombreuses, en termes d’accès à l’emploi, au logement décent et abordable, de pouvoir d’achat, d’accès à certaines ressources comme l’eau, l’électricité…’’

En outre, souligne-t-il, il faut mettre en place les conditions d’une élection libre, démocratique et transparente pour apaiser l’espace politique. Et d’avertir : ‘’Sans cela, il faut savoir que tous les ingrédients sont réunis pour une fin de mandat chaotique et un pays difficilement gouvernable d’ici à 2024.’’

‘’Un gouvernement resserré, recentré et taillé sur-mesure’’

Dès lors, l’une des questions qui se pose de plus en plus et que d’aucuns ont annoncée à maintes reprises, c’est l’urgence d’un changement de l’attelage gouvernemental, après celui de novembre dernier. En tout cas, le bon sens, à en croire nombre d’observateurs, le recommande. Les circonstances l’imposent. Monsieur Diop précise : ‘’Après les derniers évènements que nous avons vécus, il aurait été très judicieux, à mon avis, de faire un remaniement, avec un gouvernement resserré, recentré et taillé sur-mesure pour des réalisations concrètes. Cela aurait pu avoir le mérite, d’une part, d’améliorer l’image du gouvernement, d’autre part, de contribuer à maitriser les velléités contestataires.’’

Dans la même veine, notre interlocuteur plaide pour un retour du poste de Premier ministre, avec un homme jouissant d’une bonne image, pour la mise en place d’un gouvernement moins politique et plus consensuel. D’ores et déjà, de l’avis du politologue, certains ont montré leurs limites sur certains aspects. ‘’Globalement, nous avons un gouvernement dont les membres ne savent pas s’adresser à leur population’’.

Cela dit, même si tout milite en faveur d’un nouveau gouvernement : le contexte, les limites de l’actuelle équipe, la solitude du président de la République, il serait très risqué de dire ce que le président va faire dans les jours ou semaines à venir. D’autant plus que comme l’explique Abdoulaye Cissé, ce dernier a cette habitude de décider tout seul. ‘’Pensez que le changement de gouvernement incombe au président de la République n’a jamais été aussi vrai que sous le président Sall. Le président donne l’impression, et c’est la vérité, il ne discute même pas de ses choix stratégiques avec ceux qui l’entourent’’. Et les exemples ne manquent pas, selon le chroniqueur.

D’une part, il fait allusion à la suppression du poste de Premier ministre qui avait pris de court tout le monde, y compris même son titulaire Boune Dionne. D’autre part, il y a le dernier remaniement avec le départ de plusieurs ténors qui n’avaient même pas été informés de leur départ. ‘’Avec le PM obligé de faire face aux Sénégalais pour leur dire que le poste qu’il a occupé pendant cinq ans n’est pas si important, c’est le comble. C’est pour vous dire qu’il n’y a pas un seul membre de l’APR qui peut vous dire ce que le président va faire ou non. Avec le dernier remaniement, tous les ténors ont été surpris par leur départ. Certains ont tenté des mouvements d’humeur. D’autres se sont presque rebellés avant de se calmer. Le cas d’Oumar Youm en est une parfaite illustration et il n’est pas le seul. Il n’y a que Macky Sall pour fonctionner comme ça’’.

Embouchant la même trompette, le Dr Diop souligne : ‘’Macky Sall est caractérisé par son ambiguïté dans ses choix. Si un remaniement est en vue, il est très en retard sur le timing.’’

Revenant sur la question de la suppression du poste de Premier ministre, nos interlocuteurs ont toujours du mal à comprendre le bien-fondé d’une telle mesure. Ils ont encore du mal à comprendre le pourquoi de l’entêtement présidentiel. Abdoulaye Cissé : ‘’C’est un véritable problème. Tout le monde constate que cette suppression crée plus de problèmes qu’elle n’en règle. Les gens le savent tellement bien que quand il y a problème aujourd’hui, on interpelle directement le président de la République. S’il y avait un tampon, il aurait pu prendre en charge certaines questions.’’

Pour lui, c’est d’autant plus problématique qu’il n’existe pas un directeur de cabinet capable de monter au front pour défendre la politique du gouvernement. ‘’Le directeur de cabinet aurait pu jouer ce rôle, mais il est plombé par cette affaire de niveau… Il a été obligé d’être plus discret. On a l’impression qu’il n’ose pas aller au-devant de la scène. Parce qu’il traine cette affaire comme un boulet. Nous avons vu Zaccaria Diaw, qui a souvent été au front, même s’il n’était pas aussi politique. Nous avons vu sous Macky Sall des directeurs de cabinet que l’on sentait. Augustin Tine, Oumar Youm… C’étaient des gens qui allaient au front’’.

A ceux qui soutiennent que Mahmoud Saleh serait un homme de l’ombre, il rétorque : ‘’Je veux bien le croire, mais vous êtes un homme de l’ombre quand vous avez un rôle de l’ombre. Mais un poste de directeur de cabinet n’est pas un rôle de l’ombre. C’est un rôle de tampon. Mais comme il traine cette affaire de diplôme comme un boulet, il n’a pas envie de trop se montrer, au risque de faire resurgir à nouveau cette affaire. Voilà qui plombe les initiatives.’’

Une des questions qui tient très à cœur le journaliste, c’est cette question de l’artisanat. Un secteur stratégique où on a du mal parfois à comprendre certaines décisions. Même s’il salue le dernier réaménagement opéré, il ne manque pas de relever certaines incohérences. Il déclare : ‘’On parle de ministre de l’Artisanat et de la Transformation du secteur informel. Dans l’esprit, c’est une bonne initiative. Mais dans le fond, on est tenté de se demander ce qu’il doit transformer, parce qu’on ne lui a pas donné les moyens de transformer ce secteur. De plus, il y a un problème de lisibilité. Est-ce qu’il s’occupe de la transformation du secteur informel du commerce ? Et pourtant, il n’y a pas de secteur plus informel que le commerce. On a l’impression qu’on lui a confié le secteur informel de l’artisanat. Ce sont des incohérences qu’il faudrait corriger.’’
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