Les prêches des imams, une pétition, un projet de loi en ligne de mire. Tout est permis pour contrer ‘’l’agenda’’ international d’incitation à l’acceptation de l’homosexualité.
2013. Alors qu’il vient d’être élu à la tête du pays, le président Macky Sall reçoit son homologue américain Barack Obama. Lors de la conférence de presse qui sanctionne cette visite, le président sénégalais répond à Obama que le Sénégal n'est pas prêt à dépénaliser l'homosexualité. Nous sommes ‘’un pays tolérant qui ne fait pas de discrimination, en termes de traitement sur les droits (…). Mais on n'est pas prêt à dépénaliser l'homosexualité. C'est l'option du Sénégal, pour le moment. Cela ne veut pas dire que nous sommes homophobes. Mais il faut que la société absorbe, prenne le temps de traiter ces questions, sans qu'il y ait pression’’.
Six années plus tard, le 5e rapport du Sénégal devant le Comité des Droits de l’homme fait part de nombreux sujets de préoccupation des experts du comité, dont le respect des Droits de l’homme. Il incite le Sénégal, dans son paragraphe 15, à ‘’prendre des mesures concrètes et urgentes pour s'attaquer à la campagne actuelle de haine contre les personnes, du fait de leur orientation sexuelle’’. Ceci, en abrogeant ‘’l'article 319.3 du Code pénal qui criminalise les actes sexuels entre personnes adultes consentantes de même sexe, en vue de réduire la stigmatisation des personnes concernées’’.
Ces faits et beaucoup d’autres obéissent à un ‘’nouvel ordre mondial souhaité par les institutions internationales, en premier lieu les Nations Unies qui menacent le Sénégal’’, sermonne l’imam Birama Sarr, dans son prêche du vendredi 16 avril dernier, à la mosquée de Bel-Air. Il est l’imam ratib de la mosquée de la citée Comico 4 de Yeumbeul et membre de la commission ad hoc du collectif And Samm Jikko Yi. Il va, à Bel-Air, présider la prière du vendredi, une fois par mois.
A son avis, ‘’ils sont en train d’imposer aux pays dépendants de leurs aides, comme le Sénégal, un agenda de légalisation de l’homosexualité, par le biais de la signature de conventions internationales. Et tout le monde sait que ces accords surplombent les constitutions des pays’’.
Avec une détermination similaire à la volonté des organisations de défense des Droits de l’homme, le membre d’And Samm Jikko Yi dénonce ces accords internationaux qui se préoccupent plus des droits des personnes LGBTIQ que de l’économie agonisante des pays pauvres. Car, assure-t-il, ‘’à chaque époque ses moyens de lutte. Que toute personne qui, si elle était présente, serait prête à accompagner le Prophète Mouhammad à la bataille de Badr, sache qu’une bataille plus grande se profile’’.
Grande manifestation pour exiger la criminalisation de l’homosexualité, le 23 mai
Un des points forts de cette lutte se jouera le dimanche 23 mai 2021, à la place de la Nation. Le collectif And Samm Jikko Yi compte y organiser une grande manifestation pacifique, pour exiger la criminalisation de l’homosexualité, du lesbianisme et autres contenus dans le LGBTIQ, de la zoophilie, de la nécrophilie et assimilés au Sénégal.
Toutefois, l’imam Sarr apporte une précision de taille : ‘’Nous voulons la criminalisation de l’homosexualité en public. L’islam ne persécute pas celui qui se cache pour faire ce qu’il veut. Nous visons ceux qui le font en public. Il s’agit d’une offense dont on ne veut plus.’’
Pour réussir quelque chose de grand et montrer au monde entier que le Sénégal ne veut pas de l’homosexualité, le collectif invite les khalifes généraux à se déplacer, de même que tous les Sénégalais, afin que ce 23 mai soit aussi important que le Magal de Touba.
Il y a une dizaine de jours, le coordonnateur national du mouvement, Ababacar Mboup, soutenait, lors d’un point de presse, qu’une pétition pour cette criminalisation a été présentée aux khalifes généraux des différentes familles religieuses et à l’Eglise catholique qui ont ‘’majoritairement’’ répondu favorablement. Il en a été de même pour des autorités coutumières, associatives, syndicales et politiques. La pétition a le soutien de plus de 48 Dahira et fédérations de Dahira.
Selon l’imam Sarr, ses collaborateurs sont en train de rencontrer les députés qui pourront individuellement la signer. L’important, fait-il remarquer, est qu’il ne s’agit pas seulement d’une question de religion, ‘’c’est une question de société et nous allons le prendre en main et le combattre’’, dit-il.
Aider l’Etat à faire face aux pressions
Revenant plus en détail sur ces questions, l’imam Birama Sarr relève quelques points sur lesquels le collectif And Samm Jikko Yi essaye d’éclairer la lanterne des Sénégalais, pour combattre la promotion de l’homosexualité. Le premier est une volonté de démarcation envers tout ce qui touche à ce péché. ‘’Le Prophète Mouhammad (PSL) a dit qu’il a été envoyé par le Seigneur pour compléter les bons comportements. Ceux qui ont hérité de son œuvre doivent la perpétuer’’, justifie-t-il.
Dans le même registre, il rappelle que nous sommes tous responsables devant Dieu et devant les hommes, et que le Seigneur appelle ceux qui croient en Lui à œuvrer pour s’affranchir, avec leurs familles, du feu de l’enfer. Le troisième point ‘’est que nous devons protéger nos familles de tout mal qui les guette. La pauvreté et les difficultés économiques ont atteint un tel niveau qu’au Sénégal, les jeunes bravent les vagues et la mort pour trouver un espoir ailleurs. Donc, ceux-ci pourraient avoir du mal à résister aux tentations des lobbies homosexuels et leurs finances importantes’’.
En quatrième lieu, l’imam brandit une volonté d’aider l’Etat du Sénégal à faire face aux pressions. Le 12 février 2020, lors de sa visite à Dakar, le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, laissait entendre qu’il est ‘’toujours à la défense des droits humains et j’amène toujours ces enjeux-là partout où je vais’’. Ce à quoi Macky Sall avait répondu que ‘’les lois de notre pays obéissent à des normes qui sont le condensé de nos valeurs de culture et de civilisation. Cela n’a rien à voir avec l’homophobie. Ceux qui ont une orientation sexuelle de leur choix ne font pas l’objet d’exclusion’’.
Alors que ses initiateurs espèrent récolter des millions de signatures, la pétition sera déposée auprès du gouvernement pour inciter l’Etat à lancer le projet de loi, puis à l’Assemblée nationale.