Bientôt une semaine de jeûne pour les fidèles musulmans. Des journées jusqu’ici difficilement vécues, à cause de la canicule qui sévit dans la région de Matam. Ici, les températures caracolent régulièrement à 46° à l’ombre. Des conditions fort éprouvantes pour les travailleurs de l’informel : maçons, boulangers, mécaniciens, entre autres, qui, malgré les aléas, s’accrochent laborieusement aux respects scrupuleux de ce pilier de l’islam.
A 9 h déjà, la chaleur commence à prendre ses aises dans les endroits dardés par les rayons de soleil. La température y flirte avec les 40 °C. Les passants se couvrent la tête et le visage pour vaquer à leurs occupations. A Ourossogui, ce sont les femmes retardataires que l’on rencontre sur le chemin qui mène au marché. Les autres ont déjà fait leurs emplettes, aux premières heures de la journée, et profitent à présent des ultimes douceurs des chambres.
Cependant, tout le monde n’a pas ce privilège. Pour les maçons, le repos, à cette heure de la journée, est un luxe qu’ils ne peuvent pas se permettre. Au quartier Moderne 3, il est 12 h 43. Le soleil est fièrement au zénith, charriant une chaleur étouffante. Dans une maison en construction, un R+1, un homme, casquette sur la tête, manipule sa truelle sous les rayons, aidé par son apprenti qui s’occupe de mélanger le ciment au sable.
Il travaille au ralenti, mais il travaille. ‘’Tu vois la chaleur que nous affrontons pour travailler ? Nous avons jeûné, mais cela ne nous empêche pas de prendre la truelle. C’est plus que dur, avec de telles conditions climatiques, mais on est obligé. Nous sommes des musulmans et c’est un devoir de jeûner ; en même temps, nous avons une famille à nourrir. On ne peut pas se permettre de rester à la maison. Sinon, on risque de mourir de faim. Voilà pourquoi tu nous as trouvés ici, explique-t-il, le visage ruisselant de sueurs. Durant le ramadan, je commence assez tôt le travail, vers 7 h. Et à 14 h, je m’arrête. Il arrive des jours où je rentre avant midi, si la chaleur est trop forte’’, dit-il.
La chaleur ralentit nettement l’activité des maçons. Elle constitue une équation difficilement soluble. Maguèye n’a pas été au chantier, nous l’avons trouvé à la devanture d’une boutique, en train de bavarder avec des amis. Le mois de ramadan est sa période de congé, depuis bientôt une décennie. ‘’Moi, je ne travaille pas durant le mois de ramadan. C’est ma période de congé, depuis 2012. Je me prépare en conséquence durant les autres mois, pour épargner et mettre de côté ce qui me permettra de vivre durant un mois sans besoin de travailler. Ma femme est ici à Ourossogui, sinon je serai déjà chez moi au Baol. La vérité est qu’avec cette chaleur, c’est impensable de travailler. Et tout le monde sait que la maçonnerie est un travail harassant. En temps normal, c’est difficile, encore plus quand on jeûne. Maintenant, il peut arriver que quelqu’un insiste pour avoir mes services. Dans ce cas, il faudra payer le prix fort’’, renseigne-t-il.
Les mécaniciens se versent, à intervalles réguliers, un seau d’eau
Le problème de la chaleur semble, à première vue, n’être pas un obstacle chez les mécaniciens. Leurs ateliers sont généralement nichés sous de gros arbres ombrageux. Ils sont finalement moins exposés aux impitoyables rayons de soleil que les maçons. C’est une illusion, nous rétorque Papa Demba, chef mécanicien à Matam. Entre deux voitures, il se versa un pot rempli d’eau et continua avec le sourire, comme pour répondre à notre étonnement. ‘’Pour faire face à la chaleur, on se verse constamment de l’eau sur tout le corps, pour avoir un semblant de fraicheur. Parce que si on ne le fait pas, on ne va pas s’en sortir. Nous n’avons pas de climatiseur et nous ne pouvons pas rester à la maison. C’est l’unique solution’’, lance-t-il.