La mendicité forcée des enfants talibés est une plaie hideuse pour le Sénégal et constitue le cheval de bataille des organisations de protection de l’enfant. A Diourbel, les membres du CDPE demandent aux députés de voter, enfin, le projet de loi portant statut des Daaras.
‘’Nous, associations de maîtres coraniques, notre combat est de se mettre à côté de l’Etat pour retirer les enfants talibés de la rue. Mais nous nous demandons tout le temps : est-ce que les autorités connaissent ce que vivent les Daaras ? Est-ce qu’on peut régler définitivement cette question, sans mettre les Daaras et l’école française au même pied, en termes d’investissement ? Nous appelons l’Etat à examiner le projet de loi des Daaras et à l’adopter, pour régler la question de la mendicité forcée des enfants talibés’’, a déclaré Omar Tandian, Président du Collectif national des ‘’daaras’’, en marge d’un atelier sur la communication pour le changement social organisé par la Raddho (Rencontre africaine pour la défense des Droits de l’homme), au profit des membres du Comité départemental de protection de l’enfance (CDPE), dans le cadre de son projet ‘’Contribuer à l’éradication de la mendicité forcée des enfants talibé au Sénégal’’. L’atelier s’est déroulé sur trois jours.
Aboubakry Sy, le coordonnateur régional des services de l’Action éducative en milieu ouvert (AEMO) de la région de Diourbel : ‘’Durant ces trois jours, on a pu voir l’ampleur de ce phénomène, les conséquences qu’il engendre, avec l’impossibilité et l’incapacité pour certains Serigne Daara d’assurer la prise en charge des talibés. On a pu, également, voir certaines particularités, par rapport à cette mendicité des enfants au niveau de la région de Diourbel où, il faut les souligner, il y a beaucoup de Daaras qui sont dans une dynamique de changement de conduite, voire même de méthode d’apprentissage.’’
Par contre, poursuit-il, ‘’le phénomène existe toujours dans les Daaras flottants’’ où les enfants sont victimes de la pire forme de travail via la mendicité forcée. Ainsi, le coordonnateur régional des services de l’AEMO constate : ‘’Tant que le problème du statut des Daaras n’est pas réglé, il sera très difficile de contenir ce problème. Puisqu’on est dans une république et nous savons que toute structure dont la mission est de prendre en charge des enfants doit impérativement avoir ce qu’on appelle un agrément. Donc, on ne peut pas ouvrir un établissement de prise en charge sans avoir d’agrément. Les ‘Ndongo-Daaras’ et les maîtres coraniques n’ont pas de statut particulier. Ça, c’est un autre problème. Mais il y a également quelques ambigüités par rapport à la loi. La loi interdit la mendicité et, à travers, également, certains articles, précisent que la mendicité peut être valable à des jours, à des heures où à des endroits. Ça, c’est une porte de secours pour certains Serigne Daaras qui s’y opposent.’’
Toutefois, Aboubakry Sy reste convaincu que la gestion des Daaras doit être communautaire, en attendant que le problème du statut soit réglé. ‘’Avec cette pandémie, nous avons vu que le niveau d’apprentissage, dans certains Daaras, a sensiblement évolué, parce que les enfants n’avaient plus besoin de mendier. Ils étaient dans les Daaras, les repas étaient servis, la santé était assurée, parce qu’il y avait le couvre-feu. On a vu qu’il y a eu des avancées significatives dans les écoles. Mais le problème qui demeure, reste la structuration des Daaras. Il y a des pistes de solution qui sont en train être trâcées par la Raddho, à travers cette rencontre. Nous espérons qu’au final, nous parviendrons à résoudre le problème, puisqu’il y a des Serigne Daaras très receptifs, qui sont les véritables leviers de changement de comportement de leurs collègues, dans certains endroits’’.
L’adjoint au préfet du département de Diourbel de renchérir : ‘’On s’était donné comme objectif de réussir à former les membres des CDPE sur la méthode à utiliser pour communiquer, afin d’amener les acteurs qui sont impliqués dans la question de la mendicité des enfants talibés, à faire changer les comportements au niveau de la communauté. A travers cet atelier de trois jours, on est arrivé à sensibiliser les représentants des executifs locaux, afin qu’ils s’impliquent davantage dans la lutte contre la mendicité forcée des enfants talibés.’’