Le président du Groupe de la Banque mondiale, David R. Malpass, exhorte tous les pays du G20 à divulguer les modalités de leurs contrats de financement, y compris les rééchelonnements, et à appuyer les efforts de la Banque mondiale visant à mieux concilier les données sur la dette des emprunteurs avec celles des créanciers. Il s’exprimait hier, lors d’une conférence en ligne sur le sujet.
La Covid-19 laissera des ‘’séquelles durables’’ sur les pays en développement, qu’il s’agisse de la fermeture d’écoles, du retard de croissance physique des enfants, de la perte d’emplois, de l’épuisement de l’épargne et des actifs, et de l’endettement croissant. C’est ce qu’a relevé hier le président du Groupe de la Banque mondiale.
David R. Malpass, qui s’exprimait lors d’une conférence en ligne sur comment ‘’repenser la dette’’, a soutenu que la crise s’est ajoutée aux défis persistants du développement, notamment la stagnation des revenus médians, la fragilité et la violence, et les dommages causés par le changement climatique. ‘’Dans ce contexte, je salue le travail accompli par le G20 pour soutenir les pays les plus vulnérables. Pour ce qui est de la dette, nous nous réjouissons de la décision du G20 de prolonger l’Initiative de suspension du service de la dette (DSSI) jusqu’en 2021. La Banque mondiale travaille également en étroite collaboration avec le Fonds monétaire international (FMI) pour soutenir la mise en œuvre du Cadre commun du G20. J’exhorte tous les pays du G20 à divulguer les modalités de leurs contrats de financement, y compris les rééchelonnements, et à appuyer les efforts de la Banque mondiale visant à mieux concilier les données sur la dette des emprunteurs avec celles des créanciers’’, plaide le patron de la BM.
D’après M. Malpass, la participation des créanciers commerciaux et une plus grande participation des créanciers bilatéraux officiels seront ‘’essentielles’’ dans ce processus. Ainsi, il appelle tous les pays du G20 à inciter tous leurs créanciers publics bilatéraux à participer aux efforts d’allégement de la dette, y compris les banques nationales. Mais également les pays du G20 à prendre des mesures décisives pour inciter les créanciers privés sous leur juridiction à participer pleinement aux efforts d’allégement de la dette souveraine des pays à faible revenu.
‘’Les efforts d’allégement de la dette offrent une certaine marge de manœuvre budgétaire bienvenue, mais les pays de l’Association internationale de développement (Ida) ont également besoin de nouvelles ressources importantes, y compris des subventions et des ressources hautement concessionnelles’’, dit-il.
D’avril à décembre 2020, soit la première période de l’ISSD, David R. Malpass a fait savoir que les transferts nets à l’Ida et aux PMA se sont chiffrés à près de 17 milliards de dollars, dont 5,8 milliards de dollars à des conditions de subvention. ‘’Nos nouveaux engagements s’élevaient à près de 30 milliards de dollars, ce qui fait d’Ida19 la plus importante source de ressources concessionnelles pour les pays les plus pauvres et la principale plateforme multilatérale de soutien. Pour se remettre de la Covid-19, il faut beaucoup plus, et nous nous réjouissons du soutien du G20 pour faire progresser l’Ida20 d’un an. Vous connaissez bon nombre des arguments en faveur des ressources de l’Ida. Alors, j’aimerais conclure en vous parlant de l’optimisation du bilan’’, poursuit-il.
Maintenir la concessionnalité des prêts
Le président du Groupe de la Banque mondiale rappelle aussi qu’au cours de l’Ida18, ils ont réalisé une optimisation majeure en transformant l’Ida en participant au marché AAA et en adoptant un modèle de financement hybride. Au cours de l’Ida19, la contribution d’un donateur a permis de financer l’Ida à hauteur de 3,50 dollars, soit près du double de ce qu’elle était il y a une demi-décennie. ‘’Nous chercherons des moyens d’optimiser davantage notre bilan tout en protégeant la cote AAA de l’Ida. En même temps, de fortes contributions des donateurs sont nécessaires pour maintenir la concessionnalité. De fortes contributions des donateurs sont nécessaires pour maintenir la concessionnalité afin de soutenir les pays les plus pauvres’’.
Potentiellement, la directrice générale de Citibank a relevé que le cadre du G20 aurait pu accélérer certaines des négociations. Ceci, du fait que les créanciers officiels sont autour de la table et que les principaux créanciers officiels ne sont pas à la table, comme la Chine. ‘’Théoriquement, le cadre commun améliore les choses. Il y a tout de même des conditions qui s’imposent. Il faut qu’il y ait une plus grande transparence, complète pour donner lieu à cette bonne volonté. Le principe de la dette préside ces restructurations dans ces Etats souverains, c’est qu’on peut maintenir dans toute la mesure du possible l’accès au crédit commercial et au crédit du marché après la restructuration et pour des entités qui sont dans la tranche inférieure des revenus. Nous devons être très prudents, s’agissant de ce cadre. Parce que les Etats souverains peuvent avoir une économie décente et ils ont la capacité de reprofiler la dette de façon que cela leur permette de ne pas perdre l’accès aux prêts de crédits bancaires auprès des marchés des capitaux. C’est ce que nous voulons assurer’’, souligne Julie Monaco.
Or, elle notifie que les détenteurs d’obligations sont prêts à avoir une petite réduction et ils vont le faire lorsqu’il y a un ‘’certain niveau de transparence, de bonne volonté’’ et une capacité à montrer qu’il y aura des changements et des réformes. ‘’Il y a eu 17 restructurations du Club de Paris depuis 2010 ; 12 sont intervenues dans l’inclusion obligatoire des détenteurs d’obligations et ces derniers sont tout à fait prêts à négocier et à restructurer la dette. Il y avait des clauses d’actions collectives qui avaient été choisies et c’était plus facile de faire ces restructurations du côté des obligations. Il y a un certain niveau d’acceptation, mais il faut qu’il y ait de la bonne volonté quant à la manière dont la restructuration se fait. Le mécanisme pour restructurer l’aide commerciale est très différent de celui d’une dette obligataire’’, souligne la DG de Citibank.
Prudence avec la restructuration des dettes commerciales
La patronne de Citibank a indiqué qu’ils renoncent peut-être à l’allégement immédiat avec un accès à long terme et donc la croissance du financement qui est nécessaire. D’après Mme Monaco, lorsqu’on réfléchit à la façon dont un pays peut passer par ce processus, il faudra ‘’faire un équilibre’’ par rapport à leur désir de financement, leurs objectifs de développement. ‘’Il n’y aura pas suffisamment d’argent officiel pour y parvenir. L’équilibre qu’on va essayer d’obtenir lorsqu’on fait ces négociations, c’est d’assurer qu’un pays ne soit pas coupé du financement supplémentaire du secteur privé dont il peut avoir besoin. Parce qu’il y a des milliards et des milliards de déficits de financement et c’est le secteur privé qui, pour la plupart du temps, comble ce besoin de financement pour que ses objectifs soient atteints. Il faut regarder le marché obligataire’’, note-t-elle.
Elle relève que les mécanismes des marchés obligataires sont ‘’très différents’’ du côté de la banque. Si c’est des banques commerciales, elles sont forcées d’accepter une restructuration. ‘’Il y a des risques extrêmes et qui sont associés au fait qu’on peut forcer les banques commerciales à restructurer la dette. Donc, il faut être très prudent à ce niveau. Il y a aussi des conséquences. Parce que ce ne sont pas seulement des prêts qui sont impactés. Il y a aussi les lignes de change, les lignes commerciales et d’autres impacts. Lorsque nous disons qu’on va travailler avec ce cadre, je pense que le diable est dans les détails et tout doit être fait sur une base égalitaire. Nous devons appliquer la même méthodologie aux détenteurs d’obligations qu’aux banques commerciales. Et cela ne va pas nécessairement fonctionner. Parce qu’il y a des mécanismes traditionnels qui ont des considérations très différentes qui doivent être prises en compte, lorsqu’on donne des conseils’’, renchérit Julie Monaco.
Lorsqu’on parle de principes de transparence, la conseillère de Citibank auprès des Etats souverains signale que des responsabilités au niveau de la divulgation sont ‘’essentielles’’. ‘’Nous constatons qu’il y a des engagements indirects sur les réserves de la Banque centrale. Même les banques ont des accords de rachat, de repossession des engagements commerciaux à long terme. C’est courant dans les pays qui sont exportateurs de pétrole, qui ont des sociétés pétrolières. Pour ces pays, ce sont vraiment des inquiétudes et nous devons trouver quels peuvent être les principes de transparence qui s’appliquent. Elles ne sont pas toujours inclues, mais ces obligations de transparence doivent être vraiment inclues. C’est un exercice où on doit examiner tous les détails pour avoir accès à toutes les informations lorsqu’on procède à une restructuration’’, ajoute-t-elle.
Julie Monaco affirme aussi qu’il n’y a pas beaucoup de prêts bancaires commerciaux traditionnels provenant d’organisation comme Citi ou d’institutions pairs sur le marché des pays souverains émergents. Parce qu’il s’est passé des choses dans les années 80-90. ‘’La plupart des prêts commerciaux qui se faisaient à l’époque avec des Etats souverains étaient attribués à des projets. Notre portefeuille de prêts avec les pays souverains insiste essentiellement sur des lignes de change, les lignes commerciales, des crédits export, des prêts appuyés sur la communauté officielle. On a le secteur privé et le public qui sont alignés sur le même type de prêt. C’est très différent. Là, les prêts de la banque sont très importants, comparés aux prêts officiels en général, mais aussi sur le marché des obligations’’, explique-t-elle.