En conférence de presse, hier, l’ONG Partners West Africa Senegal et des experts internationaux se sont largement épanchés sur les questions de démocratie, de sécurité et d’élections, entre autres. Les secrets de la réussite de la première alternance, la gouvernance sécuritaire… tout a été passé au peigne fin, lors de cette rencontre organisée en prélude au colloque international d’hommage au général Lamine Cissé.
Vingt ans après sa première alternance démocratique, le Sénégal peine toujours à organiser des processus électoraux sans tension. C’est à se demander si le pays a pu capitaliser les acquis obtenus lors de la Présidentielle de 2000. La réponse des experts est mitigée. Sur bien des points, le pays, au lieu d’avancer, marche à reculons.
Acteur des élections de 2000, le fondateur de Jokkolabs, Karim Sy, regrette : ‘’En tant qu’informaticien, je dois regretter que le système qui est mis en place soit moins efficace que le système qu’il y avait dans les années 2000. A l’époque, il y avait une traçabilité de toutes les actions portées sur le fichier.’’
Selon les panélistes, si cela a pu être possible, c’est certes grâce à l’engagement des différents acteurs, mais c’était aussi par le leadership d’un homme qui a su s’élever au-dessus des chapelles, pour parvenir à construire une confiance forte entre les protagonistes. Et pour ce faire, il a eu la clairvoyance d’impliquer pour la première fois de l’histoire des élections au Sénégal et dans beaucoup de pays, la société civile. Monsieur Sy ajoute : ‘’De plus, il y a eu plein d’autres mesures qui paraissaient assez petites, mais qui avaient produit des résultats énormes. En fait, là où le général a le plus réussi, c’est d’avoir instauré la confiance au niveau des différents protagonistes.’’
Parmi ces mesures fortes, mais importantes, il y avait notamment la fermeture des frontières, pour éviter les transferts d’électeurs. ‘’C’est vraiment toute une batterie de mesures qui avait été prise pour que les élections puissent se dérouler dans les meilleures conditions’’, a expliqué le fondateur de Jokkolab.
Pour sa part, le général Mouhamadou Keita, ancien Chef d’Etat-major général des armées, PCA de l’ONG Partners West Africa Senegal, n’a pas tari d’éloges à l’endroit de son camarade de promotion. L’un des enseignements de son œuvre, signale-t-il, c’est la nécessité de mettre ensemble les gouvernants et les organisations de la société civile. ‘’A travers son œuvre, souligne l’ancien ambassadeur du Sénégal en Allemagne, général Cissé a montré que si nous renforçons et soutenons les organisations de la société civile, si nous engageons les gouvernements et d’autres parties prenantes dans toutes les étapes du processus décisionnel, nous parviendrons à renforcer la gouvernance démocratique pour la paix et la sécurité’’.
Gén Keita, ancien Cemga : ‘’L’armée sait toujours ce qu’elle doit faire, en ville comme en campagne…’’
Sur un autre registre, l’ancien Cemga a évoqué les troubles qui ont récemment éclaté au Sénégal et sur le rôle de l’armée. ‘’L’armée, dit-il, a toujours son plan d’intervention. Que ce soit en ville ou en campagne, dans les zones sensibles… Les gens sont toujours prêts. Ils savent ce qu’il faut faire, à chaque moment, selon les niveaux de gravité. C’est une tradition très bien ancrée. Chacun sait ce qu’il doit faire, la position qu’il doit occuper pour la maitrise de la situation. Il n’y a pas de crainte à se faire de ce côté-là’’, assure-t-il.
Et d’ajouter : ‘’Je ne pense pas que l’armée ou même la gendarmerie ait été très vite impliquée dans ces derniers troubles. Sinon, l’affaire aurait pu être gérée très rapidement.’’
Cela dit, le général est revenu sur les vertus du dialogue pour perpétuer la paix au Sénégal et partout en Afrique. A ce propos, la présidente du comité d’organisation du colloque, Pr. Adjaratou Wakha Aidara Ndiaye, dira : ‘’Le moyen que nous avons trouvé pour essayer de régler, de manière pacifique, les conflits dans la sous-région, c’est le dialogue, qui est une valeur africaine. C’est un outil merveilleux pour la prise en charge des conflits. Au niveau de la zone des trois frontières entre le Mali, le Burkina et le Niger, où on parle de moins en moins de terrorisme, mais de conflits communautaires, c’est ce que nous mettons en œuvre pour aider à faire taire les conflits.’’
Pour la directrice exécutive, le général Lamine Cissé a défendu partout la nécessité d’une approche inclusive de la sécurité. ‘’Partout, il a défendu le rôle que les populations doivent jouer dans le domaine de la lutte contre ce terrorisme. En Guinée, par exemple, il a participé à la réforme du secteur de la sécurité, en mettant en avant le rôle que les organisations de la société civile doivent jouer dans la résolution des conflits. Il a également toujours préconisé l’implication des jeunes et des femmes dans les processus décisionnels’’.
Un colloque international le 16 avril
De l’avis de la présidente du comité d’organisation, Partners West Africa entend, au terme de ce rendez-vous, faire des recommandations sur la paix et la sécurité, en se basant sur les valeurs que le général a toujours promues, c’est-à-dire la bonne gouvernance, l’éthique et la probité. A propos de la théorie du changement prônée par son organisation, elle explique : ‘’Il s’agit de défendre la participation des organisations de la société civile à toutes les étapes des processus décisionnels pour la bonne gouvernance, la paix et la sécurité. Comme vous le savez, on parle de plus en plus de redevabilité. En tant qu’organisation de la société civile, nous avons comme mission majeure le contrôle démocratique citoyen.’’
Revenant sur le colloque prévu le 16 avril prochain, la directrice exécutive de Partners West Africa a annoncé cinq panels, qui seront animés par d’éminents experts internationaux et des officiers militaires venus de différents pays, pour rendre un vibrant hommage au général Lamine Cissé, né en 1939, décédé en 2019.