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Hamdaou Sène CADI du tribunal de Dakar : ‘‘Seule la fonction de l’imam est usurpée tous les jours sans que cela soit délictuel’’
Publié le vendredi 9 avril 2021  |  Enquête Plus
Hamdaou
© Autre presse par DR
Hamdaou Sène
Cadi de Dakar
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Hamdaou Sène est plus connu sous le titre du cadi de Dakar, autrement dit le juge musulman. Mais au-delà, le surnommé Baye Sène est imam à Ouest-Foire, depuis 2006. Une fonction qui lui permet de parler du statut de l’imamat au Sénégal. Il se prononce, dans cet entretien, sur l’absence de statut juridique, les divisions dans la désignation dans certaines mosquées, les divergences dans la succession, entre autres points.



Quelles sont les chartes pour être imam ?

Certes, la connaissance reste un critère fondamental. Celle-là discernée, neutre et objective. Mais dans la tradition prophétique, si on cherche un imam, voici l’ordre des critères par priorité : la récitation du Coran qui n’a rien à voir avec la belle voix, la connaissance de la jurisprudence islamique, la connaissance de la Sunna, l’ancienneté de hijra (l’émigration), l’antériorité de l’adhésion en islam et l’ainesse. Vous voyez donc que l’âge est le dernier critère. Malheureusement, d’aucuns pensent qu’il faut être vieux pour être imam. Aussi, le vrai imam doit être droit, avoir une bonne conduite, puisqu’il sert d’exemple à la communauté qu’il dirige. Son statut ne lui permet pas d’avoir de vie privée. Il n’a plus à se cacher. Il doit être pieux et réservé. Et également doit savoir que le fait de diriger les cinq prières est la plus minime de ses fonctions.

Pourtant, cette fonction est considérée comme la seule ou la plus importante de l’imam. L’islam lui en impose-t-il d’autres ?

Bien sûr. L’imam doit avoir des projets de développement pour servir. Par des stratégies qu’il élabore lui-même, il doit jouer un rôle protecteur sur la communauté, tant sur leurs biens que leurs espaces de vie. Disons qu’il est l’administrateur du quartier où il habite. Il doit être disponible à tout instant. Son impartialité et sa sincérité doivent lui permettre de pouvoir plaider pour les victimes d’injustice ; un juge en quelque sorte. Il y a aussi le fait de baptiser le nouveau-né et de s’occuper des funérailles du décédé, de célébrer les mariages. Il doit être cultivé, informé de l’actualité et au diapason du temps. Ce qui lui permettra de se faire entendre par tout le monde.

A vous entendre, peut-on penser que l’imamat est une profession ?

Il n’y a pas plus noble fonction que l’imamat. C’est un métier, si l’on fait des stratégies pour s’en servir. Si l’on s’en limite au rôle de base aussi, c’est à la communauté ou la mairie ou l’Etat de nous prendre en charge. Mais comme dans tous les autres métiers, il faut de la connaissance pour être pertinent. C’est dommage ce à quoi on assiste. Dans tous les autres corps de métier, l’usurpation de fonction est considérée comme un délit. Seule la fonction de l’imam est usurpée tous les jours, sans que cela soit délictuel. Généralement, ce sont des retraités qui se retrouvent rats de mosquées, parce que n’ayant plus rien à faire, qui deviennent imams. Pire, ils vont s’imposer en se targuant d’avoir participé à la construction de la mosquée. Ceux-là, bien évidemment, ne remplissent aucun des critères selon la tradition prophétique, mais comme presque tout le monde considère l’imamat comme un privilège… Que ceux qui veulent devenir imams aillent apprendre, sinon cela reste une illégalité, et au jour du jugement dernier, Dieu leur demandera des comptes. Puisqu’après tout, c’était le métier du Prophète ainsi que les différents khalifes qui lui ont succédé. Lesquels sont devenus des dirigeants d’Etats islamiques.

Donc, l’imam doit pouvoir diriger un Etat, même si l’imam doit se méfier des politiques étatiques. Tout les oppose.

Si l’imamat est un métier et que l’imam doit être salarié, si l’Etat décidait de le réglementer, cela ne conduirait-il pas à une alliance ou une mainmise, celle que vous venez de fustiger ?

Comme je l’ai dit, les autorités étatiques n’ont que leurs intérêts à défendre en toute chose. Donc, s’allier à un tel organisme vaniteux n’est pas souhaité. S’il s’agit de la mairie aussi, elle a été élue par la population, la même qui a choisi l’imam. Ce dernier doit donc refuser toute influence. Se comporter comme un simple fonctionnaire, sinon toute autre alliance malsaine, allant jusqu’à déformer les propos du Prophète au profit de l’Etat, est bannie par l’islam. C’est bien possible que les imams intègrent la Fonction publique, qu’il y ait une réglementation. Nous sommes preneurs, mais à condition d’un discernement, car ce sont deux mondes différents qui ont des intérêts opposés. Ce ne sera pas facile, mais il le faut, parce que c’est une profession comme toutes les autres. Celui qui est érigé en statut d’imam exercera en temps plein ; aucune autre activité ne lui est permise.

Donc, vous n’avez pas de statut juridique ?

On n’a aucun statut juridique.

Et vous ne faites rien, non plus, pour aller vers cela ?

Ce n’est pas évident. Déjà, c’est tout un problème d’adapter le Code de la famille aux réalités religieuses, malgré les revendications de certains imams. Donc, imaginer un encadrement juridique pour définir les critères comme, entre autres, le fait d’avoir un diplôme, n’est pas pensable. Surtout que le Sénégal est un pays laïc.

Est-ce qu’il y a un mandat défini dans le temps pour l’imam ?

Non. C’est un métier à vie. Mais à condition que l’imam ne fasse pas de grands péchés. Par exemple le vol, l’adultère, etc. En cas de délit, il est permis de le destituer ou le révoquer.

Que dit l’islam sur la succession familiale dans l’imamat ?

Le mode de dévolution ne doit pas être familial. Succéder à un parent n’est pas une obligation. Ce n’est pas non plus interdit, à condition que le successeur remplisse tous les critères. Qu’il soit choisi par la communauté et qu’il ait une légitimité.

Pour en revenir à la désignation, qui doit choisir l’imam ?

Un groupe reconnu sage et qui est à la hauteur. Un groupe à qui on donne la responsabilité de choisir. Sinon, c’est un chef religieux à qui on confie la tâche. Plus généralement, et c’est la nouvelle tendance, c’est un homme qui construit à lui-seul une mosquée, qui choisit son propre imam. Personnellement, je trouve que c’est la solution pour éradiquer les divergences dans la désignation des imams. Puisque la seule cause de ces divisions reste le fait que tout un chacun se légitime de par sa participation, lors de la construction de la mosquée. Mais il est clair que si c’est une personne qui a acheté son terrain et bâti seul une mosquée, il est libre de choisir celui en qui il a confiance.

Mais toujours est-il que les critères doivent être remplis.

Dans les critères, vous n’avez en aucun moment visé le sexe. Cela voudrait-il dire qu’une femme peut être imam ?

Dans la tradition prophétique, une femme ne peut pas être imam. Certes, il y a des écoles en islam qui acceptent qu’une femme dirige ses pairs, mais l’école malikite, qui est celle suivie par presque toute l’Afrique de l’Ouest, réfute une telle pratique.

Selon la charia, l’imamat et le khalifat ne sont pas attribués aux femmes. N’empêche, la femme doit être au même niveau de connaissance que l’homme. Elle peut et elle doit enseigner les sciences islamiques, au même titre que l’homme. Ceux qui légitiment l’imamat de la femme peuvent se justifier de la modernité ou les tendances féministes. Mais encore une fois, la religion ne le permet pas.

Fatma MBACKE
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