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Entretien avec le porte-parole de la Présidence – Seydou pas si doux : «On ne peut pas allumer un feu et jouer au sapeur-pompier»
Publié le mercredi 31 mars 2021  |  Le Quotidien
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© aDakar.com par SB
Passation de services au Secrétariat général du gouvernement
Dakar, le 15 septembre 2017 - Abdoul Latif Coulibaly a passé le témoin à Seydou Guèye au poste de secrétaire général du gouvernement du Sénégal. Abdou Latif Coulibaly a été nommé ministre de la Culture.
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Seydou Guèye prend la parole. Pour lui, l’opposition, qui réclame aujourd’hui la tenue des Locales, doit «faire preuve de responsabilité et de cohérence» après avoir réclamé l’audit du fichier et l’évaluation du processus électoral. Ousmane Sonko et Cie exigent le rétablissement de Karim Wade et Khalifa Sall dans leurs droits civiques et politiques. Le porte-parole de l’Apr souligne que le président de la République est «le seul à pouvoir en décider, sans aucune pression de qui que ce soit». Selon lui, Macky Sall est un «homme de paix», contrairement à cette «opposition capricieuse et belliqueuse». Pour Seydou Guèye, «on ne peut pas allumer un feu et jouer au sapeur-pompier après l’incendie».

Le report des élections locales est finalement acté. Que répondez-vous à l’opposition qui dénonce le non-respect du calendrier républicain ?
Simplement de faire preuve de responsabilité et de cohérence dans le propos, mais surtout de conséquence dans les postures. L’audit du fichier électoral par des experts indépendants et l’évaluation intégrale du processus électoral ont été des demandes centrales pour ne pas dire préjudicielles de l’opposition dans le cadre des travaux de la Commission politique du dialogue national. Ces demandes de l’opposition ont été acceptées, même si la majorité n’approuvait pas la condition d’une prise en charge financière par les partenaires au développement comme l’exigeait l’opposition. L’essentiel était de dissiper les suspicions, enclencher un processus de confiance et aboutir à des élections à contestations nulles sinon marginales des résultats des scrutins. C’est tout l’enjeu de cette démarche d’évaluation et de certification de notre système électoral qui, comme tout le monde le sait, est suffisamment éprouvé et a été certifié fiable à plus de 98% par des experts indépendants. Il faut que l’on convienne que dans le cadre de la consolidation de notre système démocratique, tout ce qui renforce la confiance est bon à prendre. Même si parfois cela demande un peu plus de temps. En matière électorale, le consensus sur les règles du jeu me semble essentiel, c’est ce que nous avons compris à travers la position de l’opposition qui a réclamé l’audit du fichier électoral et l’évaluation de tout le processus avant la tenue d’autres échéances. Un chronogramme a été adopté. En conséquence, les travaux sont engagés et l’Etat du Sénégal a dégagé les ressources nécessaires. Les résultats des travaux devraient objectivement nous valoir un consensus sur la problématique de la fiabilité du fichier et du processus électoral qui est devenue ces dernières années le déversoir de la désespérance de l’opposition.

Ce report ne conforte-t-il pas ceux qui pensent que le pouvoir ne veut pas d’une élection dans le contexte actuel ?
Ce sont de fausses allégations ou des manipulations de la part d’acteurs de l’opposition piégés par leurs propres contradictions et qui veulent se soustraire à leurs responsabilités dans cette affaire. Le report des élections était irréversible du fait de leurs exigences et des délais incompressibles pour la mise en œuvre processus que je viens d’évoquer. A ce sujet et eu égard à l’importance de la question, on ne peut faire preuve de légèreté ou de bricolage après avoir adopté des termes de référence, contractualiser avec des experts sur la base d’un cahier de charges. Le report a fait l’objet d’un consensus au sein de la Commission politique du dialogue et a été acté par le vote d’une loi au regard des dispositions techniques à prendre avant de pouvoir fixer en toute objectivité une nouvelle date pour la tenue des élections territoriales. Maintenant, pour ce qui concerne la majorité, nous n’avons aucune appréhension pour aller aux élections. Il faut juste prendre les propos de nos amis avec ironie ou bienveillance, pour concéder à leurs auteurs la liberté du choix de l’auto suggestion comme posture stratégique pour se donner du courage.

Il est beaucoup question de l’affaire Sonko-Adji Sarr. Le Sénégal a retrouvé la paix après une série de manifestations d’une rare violence. Mais n’est-ce pas surtout grâce à la libération de Ousmane Sonko ?
Je voudrais me féliciter de ce climat d’apaisement qu’il nous faut tous ensemble consolider et remercier tous les acteurs qui y ont travaillé. Mais surtout la jeunesse de notre pays qui a très bien accueilli les perspectives dégagées par le chef de l’Etat. A mon sens, ce sont plusieurs dynamiques et prises de parole sociales, citoyennes, religieuses et coutumières entendues et partagées qui ont rencontré la volonté du chef de l’Etat. Il ne pouvait en être autrement, car le Président Macky Sall est un homme de paix dont le leadership a été sollicité dans la résolution de plusieurs crises majeures, notamment dans la sous-région et dans le continent. Pour le retour au calme après les violentes manifestions, la voix du président de la République était très attendue. Elle a été bien entendue et saluée pour la qualité du discours et surtout les perspectives dégagées au profit de la jeunesse de notre pays.

Le chef de l’Etat a-t-il reçu le mémorandum que l’opposition a remis au khalife général des Mourides ?
Pas à ma connaissance. Mais pour ma part, j’aurais bien aimé y lire quelques préoccupations pour l’avenir de notre jeunesse, mais rien. En même temps, on ne peut accepter en République et dans un Etat de droit que ceux qui réclament l’indépendance de la justice s’amusent à demander la destitution d’un juge. Ce n’est pas de la prérogative de l’opposition si on a du respect pour les institutions.

Certains ont interprété «nous sommes dans une barque dont nous descendrons pour laisser la place à d’autres» comme une façon subtile du Président Sall de trancher qu’il ne sera pas candidat en 2024. Est-ce votre compréhension aussi ?
Ah oui ? (Rire). La notion de compréhension en elle-même est intuitive, de l’avis de grands penseurs. Nous pouvons donc avoir plus de 16 millions de compréhensions de cette belle image. Pour moi, elle évoque d’abord comme référence notre commune volonté de vivre ensemble dans le creuset d’une même Nation et de préserver pour les générations futures le legs que nous-mêmes avons reçu de nos devanciers. Ensuite, elle me renvoie au principe naturel de la succession des générations dans leurs responsabilités historiques et à l’impératif de solidarité pour construire et écrire notre histoire commune. Maintenant, en ce qui concerne la candidature, si l’opposition est exclusivement préoccupée par les questions électorales pour en faire un moteur de son action, de son activisme et le cœur de son discours, pour nous, l’unique préoccupation reste la bienveillance envers nos compatriotes et la mise en œuvre des politiques publiques novatrices ainsi que la satisfaction de leurs attentes légitimes. En conséquence, nous avons décidé au sein de notre coalition, conformément à la ligne tracée par notre leader, de ne pas nous laisser distraire et de travailler à la matérialisation du programme qui nous a valu une victoire retentissante en 2019.

Que peut-on comprendre du «je comprends» du Président, au-delà des em­plois promis à la jeunesse ?
Je crois qu’il faut retenir deux principaux enseignements. D’abord, partout dans le monde, les restrictions liées à la situation sanitaire ont commencé à peser sur certaines franges de la population, occasionnant ici ou là un sentiment de mal-vivre avec son cortège de manifestations dans presque tous les pays qui ont choisi le couvre-feu ou le confinement. Le Covid-19 a occasionné dans tous les pays un ébranlement à la fois intime et collectif, déstructurant en même temps tous les systèmes économiques, culturels et sociaux. Pour notre cas, certaines activités du secteur informel ont été rudement éprouvées. Sur ce point, il faut noter que le Sénégal a écarté dès le début l’idée du confinement total pour permettre à l’économie de ne pas se retrouver à terre. A ce titre d’ailleurs, malgré les conséquences dévastatrices de la pandémie et par les choix courageux opérés par le Président Sall, notre pays a pu éviter la récession et se projette déjà dans la relance pour retrouver la trajectoire de la croissance inclusive qu’il a connue sur la dernière période. Et cela, nous le devons à la robustesse de nos agrégats grâce au Plan Sénégal émergent, mais aussi l’urgence à alléger les mesures de restriction. Tout cela, pour dire que le Président Macky Sall a bien compris sa jeunesse, qui reste la cible prioritaire des politiques publiques, et avait déjà bien anticipé sur certains paramètres de la gestion de l’état de catastrophe sanitaire. C’est pour cela qu’il a très tôt engagé la campagne vaccinale, à partir d’une acquisition de doses de vaccins sur les ressources de l’Etat dans un premier temps, avant la réception des doses de l’initiative Covax. C’est donc tout un ensemble de mesures qui ont été prises pour permettre à la population, composée de 70% de jeunes, de reprendre au plus vite leurs activités économiques, même en présence du virus, en respectant évidemment les gestes barrières.

150 milliards cette année pour les jeunes et les femmes. Concrètement, comment se fera la répartition ? Le Pse sera plus jeune pour les 3 prochaines années ?
Les réflexions sont en cours. L’annonce des décisions revient au Président Macky Sall qui a donné des instructions pour la prise en compte, depuis la base, des besoins de chaque localité, en termes de besoins en formation, emploi, insertion, financement etc. Il y aura certainement un changement de paradigme dans la mise en œuvre des politiques d’insertion et d’emploi pour la jeunesse pour plus d’efficience dans l’utilisation des ressources. Les Crd ont été lancés à cet effet et tout ce qui en sortira devra être validé par le chef de l’Etat au cours du Conseil présidentiel sur l’emploi, prévu dans le courant du mois d’avril. Comme vous l’avez mentionné, une enveloppe de 150 milliards de francs Cfa a été dégagée dans l’urgence par le président de la République pour 2021, plus 100 milliards de F Cfa annuels pour 2022 et 2023 grâce à un réaménagement budgétaire. Ce sont donc 350 milliards de francs Cfa qui sont mobilisés pour les trois prochaines années. Mais le président de la République n’a pas attendu la crise pour mettre la problématique de la jeunesse au cœur de ses priorités. C’est parce qu’il a compris qu’il faut créer les conditions d’expression et d’épanouissement des énergies fort prometteuses de nos jeunesses qu’il les a érigées en priorités dans son programme «Liguéyal euleuk». Avec la crise, il est évident que les différentes problématiques liées à la formation, l’emploi, l’insertion sont traitées en mode diligence ou fast track avec des mesures qui viendront consolider des initiatives comme la première phase du Projet d’appui et de valorisation des initiatives entrepreneuriales (Pavie I). Ce projet est doté de 74 milliards de F Cfa pour la structuration des chaînes de valeurs artisanales et agricoles au Sénégal. A terme, 14 mille initiatives entrepreneuriales seront financées et 154 mille emplois, dont 60% destinés aux femmes, seront créés.

Peut-on s’attendre à une amnistie pour Karim Wade et Khalifa Sall, comme le veulent Sonko et ses soutiens ?
La question n’a pas été au menu du dialogue politique encore moins à l’ordre du jour. Cependant, il importe, à mes yeux, de s’accorder sur les principes. La grâce vise la personne condamnée alors que l’amnistie porte sur des crimes ou délits bien circonscrits tant dans leur nature que dans le temps. Cela dit, si la grâce relève des prérogatives constitutionnelles du chef de l’Etat, l’amnistie reste du domaine de la loi. Le président de la République est le seul à pouvoir en décider sans aucune pression de qui que ce soit, comme l’y autorise l’article 67 de la Constitution qui traite de la grâce et de l’amnistie. Il peut user de sa prérogative de gracier ou de saisir l’Assemblée nationale d’un projet de loi d’amnistie. S’il le faisait, ce ne serait pas une première dans notre pays. A titre d’exemple, le 31 décembre dernier, près de 900 détenus ont été graciés et il en est de même à la veille de certains événements comme la fête de notre accession à l’indépendance. Pour en revenir aux cas dont vous parlez, je rappelle que cette requête ne date pas d’aujourd’hui. Et quand il s’est posé la question de la grâce pour chacun d’eux, le Président Macky Sall a été très sensible, mais il fallait laisser la justice faire son travail jusqu’au bout avant d’user de son pouvoir de grâce. De mon point de vue, ce qu’il faut retenir c’est que le président de la République est un homme de paix et de synthèse. Depuis son arrivée à la Magistrature suprême, il a multiplié les actes d’apaisement face à une opposition capricieuse et belliqueuse. Aujourd’hui encore, il reste dans son rôle et fera tout le nécessaire pour la cohésion sociale, dans le respect de nos institutions et des normes éthiques.

Deux deuils décrétés en deux jours à la mémoire des victimes des manifestations. N’est-ce pas une preuve de la profonde division de cette «Nation de sang mêlé» ?
Ecoutez, nous sommes dans une République. C’est le Président qui signe le décret relatif au deuil national. C’est un moment de recueillement à la mémoire de nos morts. Pour le cas du 11 mars dernier, le chef de l’Etat a annoncé en Conseil des ministres qu’une journée de deuil national est décrétée à la mémoire des victimes des malheureux événements que nous avons vécus. Les drapeaux ont été mis en berne et le Peuple s’est recueilli pour nos chers disparus. Puis, le chef de l’Etat a donné des instructions au gouvernement pour l’assistance des victimes. L’Etat a donc pleinement joué sa partition et les Sénégalais ont adhéré à la communion nationale. C’est ce que je re­tiens.

Où en êtes-vous avec la prise en charge des blessés et l’indemnisation des familles des victimes ?
La procédure normale est la saisine de l’Agent judiciaire de l’Etat pour évaluation de la situation et disposition à prendre. Dans l’urgence, des émissaires de l’Etat se sont rendus au chevet des blessés et des familles des victimes. Au moment opportun, l’Etat communiquera sur les détails de cette procédure qui requiert du reste beaucoup de discrétion au regard de la souffrance des personnes concernées.

N’est-ce pas assez lent alors que des particuliers comme Bougane Guèye Dani ou encore le khalife général des Mourides ont dégagé des enveloppes pour leur venir en aide ?
Permettez-moi d’abord de saluer l’engagement du khalife général des Mourides, de toutes nos autorités religieuses, acteurs politiques et membres de la société civile pour la préservation de la cohésion sociale de notre pays ! Cela dit, chacun est dans son rôle. Pour l’Etat, quelle que soit l’urgence, la procédure est soumise aux règles administratives et de gouvernance.

Le M2D a décidé de saisir la Cpi après la dizaine de morts et près de 600 blessés. Qu’en dites-vous ?
Pour moi, c’est une théâtralisation funeste et politicienne des événements malheureux que nous avons connus pour écorner l’image du Sénégal. Le Sénégal reste un pays souverain, respecté de par le monde par la qualité de sa démocratie, sa stabilité et aujourd’hui encore plus pour l’authenticité de son modèle économique et social. Nous avons les moyens et les compétences pour faire diligenter par les différents services de l’Etat des enquêtes indépendantes et situer les responsabilités sans complaisance. Des Sénégalais ont perdu la vie au cours de manifestations violentes. Des familles de victimes ont évoqué des infiltrations et reconnu que les Forces de l’ordre n’étaient nullement responsables. Il ne m’appartient pas de faire la lumière sur ces affaires et à vous encore moins. On ne peut pas allumer un feu et jouer au sapeur-pompier après l’incendie. Je puis vous assurer que l’Etat prendra toutes les dispositions nécessaires pour faire la lumière sans concession sur ces affaires.

Depuis quelques jours, des voix s’élèvent pour dénoncer des débats qualifiés d’ethniques. Qu’en dites-vous ?
Il faut saluer ce qui fait le «vivre ensemble sénégalais», cette notion d’une «Nation de sang mêlé». Le Sénégal n’a jamais pris le risque d’engager un débat sur les questions ethniques, de races ou même de religions. Il faut faire très attention à ne pas soulever ce lièvre puisqu’il est destructeur de société. Notre «vivre ensemble» et notre démocratie ne peuvent pas se le permettre. Nous avons vu ce que cela a produit dans d’autres pays. Il faut que tous les hommes politiques fassent l’effort de faire converger le débat autour des propositions alternatives de consensus à partir de notre riche diversité. Notre devise nationale «Un Peuple, un But et une Foi» l’a clairement consigné.
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