L’affaire de mœurs opposant la masseuse, Adji Sarr, et le leader de «Pastef-Les Patriotes», Ousmane Sonko, a secoué le barreau du Sénégal. Son Conseil de discipline doit juger le différend opposant Mes Dior Diagne et Mamadou Papa So.
L’Ordre des avocats du Sénégal traverse une situation inédite, suite à l’affaire judiciaire opposant la dame Adji Sarr et le leader de «Pastef-Les Patriotes», Ousmane Sonko. Le 9 mars dernier, Me Dior Diagne a déposé une plainte contre Me Mamadou Papa Samba So qu’elle désigne être l’auteur de la plainte pour viols répétés et menaces de mort déposée par Mlle Adji Sarr contre l’ancien candidat à la présidentielle, par ailleurs, député.
De son côté, Me So a décidé de contre-attaquer, en fournissant des éléments de réponse aux accusations de Me Diagne. Il y soutient qu’il n’a jamais rencontré Mlle Sarr. Qu’il n’a jamais touché un clavier pour rédiger une plainte, et qu’il ne s’est pas abstenu de communiquer. Selon la robe noire, Me Dior Diagne, en ne faisant pas de déclaration publique, a violé le serment de l’avocat et, par la même occasion, les dispositions de l’article 22 du règlement intérieur sur la déontologie des avocats, et mis gravement en péril la vie d’un confrère et celles de sa famille.
Il a estimé, sur ces points, que les reproches de sa collègue sont spéciaux. Il en appelle à l’appréciation des articles 44 alinéa 1 du règlement intérieur sur la déontologie des avocats, une interpellation à laquelle sa consœur a répondu dans sa lettre plainte, même si ce n’est pas pour les lui opposer.
«Confraternité vigilante»
Cette affaire met mal à l’aise le barreau sénégalais. Aucun avocat ne souhaite s’y prononcer à visage découvert. Même le bâtonnat. Un avocat à la Cour qui a requis l’anonymat précise que c’est la première fois qu’une affaire opposant des avocats est «si médiatisée». Si la profession d’avocat est régie par un Code de conduite et celui de déontologique, il pense que la «confraternité vigilante» doit toujours être privilégiée dans le règlement d’un différend entre confrères. C’est pourquoi, il pense qu’il s’agit là d’une «affaire inédite» du point de vue de la médiatisation. Dans cette affaire, un (e) plaignant reproche à l’autre des violations du code de déontologie ou celui de conduite des avocats, et d’autres faits qui relèvent du droit pénal général comme la diffamation.
Dans tous les cas, explique la source, la primauté est accordée à la procédure disciplinaire ou à la saisine du bâtonnier. À l’en croire, si un avocat estime qu’il y a des faits qui dépassent la compétence du Conseil disciplinaire, il peut les porter devant une juridiction pénale. Dans ce cas de figure, dit-il, la seule exigence qui lui incombe, c’est d’informer le bâtonnier. Tout dépendra, de son point de vue, de la réponse de ce dernier qui peut tenter une «médiation pour éviter que l’affaire atterrisse devant un juge pénal».
Toutefois, explique la robe noire, «si un avocat entend laver son honneur et sa dignité et veut aller au pénal, le bâtonnier doit accéder à sa requête». Sa saisine concernant les affaires relevant du droit commun n’est qu’à titre informatif, précise un autre avocat. L’objectif principal, selon lui, c’est de régler le différend «à l’interne et à l’amiable». D’autant plus que «les causes sont passagères mais la confraternité est éternelle».
Pour la procédure disciplinaire, ajoute l’avocat, le bâtonnier ne peut pas imposer à un confrère une «solution à l’amiable». Par conséquent, souligne-t-il, il n’a d’autre choix que de traduire l’avocat présumé fautif devant le Conseil de discipline. Et il précise que quand le bâtonnier accède à sa requête, il désigne un rapporteur chargé d’entendre toutes les parties. Si les charges sont consistantes, explique-t-il, le Conseil de l’Ordre des avocats décide de traduire l’avocat supposé fautif devant le Conseil de discipline. Selon toujours la robe noire, les faits s’apprécient selon les règles de conduite qui régissent les avocats, les avocats avec les tiers, les avocats avec les acteurs judiciaires. Tout dépend de l’objet de la plainte, précise la même source.
Du blâme à la radiation
En matière disciplinaire, les sanctions sont graduelles : le blâme [avec inscription au Tableau de l’Ordre], l’avertissement, la suspension temporaire et la radiation. Selon une autre source, si l’avocat sanctionné juge qu’il est lésé, il peut faire un recours en saisissant le conseil paritaire disciplinaire de l’Ordre à l’image de ce qui se passe ailleurs. Si c’est une procédure pénale, les avocats bénéficient d’un privilège de juridiction. Ainsi, s’il s’agit des délits de droit commun, ils sont jugés devant la Cour d’Appel, même s’il sera difficile de faire la dichotomie entre les faits relevant de l’exercice de sa profession ou en marge de son métier.
Pour notre source, une sanction peut avoir un impact sur la carrière d’un avocat, même si tout dépend des faits qui ont suscité sa condamnation. Ce qui peut, à son avis, impacter la carrière judiciaire d’un avocat ; ce sont des fautes résultant de l’exercice de la profession, dit-il. Pour cela, quand l’avocat sanctionné par le Conseil de discipline veut plaider des dossiers à l’international, il lui est exigé une attestation de son Barreau prouvant qu’il n’a jamais fait l’objet d’une condamnation disciplinaire. Il s’agit là d’une enquête de personnalité. Pour les faits de droit commun, tout dépendra de la sanction pénale.