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Makhtar Diop, les IFI et nous... (Par Adama Gaye)
Publié le vendredi 19 fevrier 2021  |  Autre presse
Adama
© Autre presse par DR
Adama Gaye, journaliste
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Posons-nous ce matin la question qui fâche: Banque mondiale, Fonds monétaire international (FMI) et Société financière internationale (SFI) sont-ils des vecteurs ou des obstacles du développement de nos pays?

Le prétexte pour la soulever est validé par la nomination, hier, de notre compatriote, Makhtar Diop, au prestigieux poste de Vice-Président Exécutif et Directeur Général de la SFI.

Au delà de la légitime raison d’être fier de la belle promotion reçue par l’un des esprits les plus brillants de notre pays, dont le père, Maître Fadilou Diop, fut un ténor du barreau sénégalais et le très proche cousin de ma mère, on ne peut passer sur cette occasion sans détricoter nos relations avec les institutions financières internationales (IFI).

Ne nous contenons pas en effet de les observer avec béatitude. Parce qu’elles jouent un rôle dans nos affaires qu’on ne peut se limiter à subir et à digérer sans le questionner ni en mesurer l’impact, positif ou négatif.

Les plus connues d’entre-elles ne doivent pas échapper à un exercice de reddition plus critique, de leur déjà long compagnonnage avec notre continent, qu’elles ne l’ont été à ce jour.

Ce sont celles que l’on a fini par désigner sous le nom de Bretton-Woods, la cité bucolique où elles virent le jour en 1944, au moment où les futurs vainqueurs de la deuxième guerre mondiale mettaient en place l’architecture financière mondiale, qui entrerait en vigueur à son lendemain.

À quoi servent elles? Pas à grand’ chose si l’on ne se fie qu’à leurs résultats dans les pays en développement où elles n’ont jamais réussi à faire décoller un seul pays qui soit du statut du sous-développement.

Il ne s’agit pas ici de jeter le bébé avec l’eau du bain, de décréter l’inutilité de ces institutions pour en exiger l’obsolescence mais ne mâchons pas les mots: elles doivent devenir plus sérieuses dans leurs interactions avec nos pays, nos sociétés et d’abord les satrapes qui, pour l’essentiel, les mal-gouvernent.
Voici plus de trente ans, dans un reportage spécial que j’avais publié dans Jeune Afrique Économie, j’avais interrogé le Président de la Banque mondiale d’alors, Barber Conable, le Directeur Afrique du FMI, Mamoudou Toure, et celui qui fut le mythique patron de la SFI, Sir William Ryrie, lointain prédécesseur de Makhtar Diop au poste dont il hérite.

Déjà se posait alors le problème de leur crédibilité qui n’est donc pas un phénomène nouveau.
Leurs relations avec l’Afrique était un long fleuve gorgé d’échecs.

A l’époque, prises dans leur vulgate de l’ajustement structurel, elles n’avaient à la bouche que des pilules amères à offrir aux économies nationales africaines.

En y ajoutant un zeste tiré des préceptes du Consensus dit de Washington au nom de la pensée unique du moins d’Etat et d’un néolibéralisme à tout crin triomphant sur les ruines de l’idéologie d’Etat emportée par la mort du communisme.

Puis, opportunistes à souhait, elles se mirent dans la dynamique du Consensus Augmenté autour des concepts de bonne gouvernance, de redevabilité et de normes démocratiques.

N’eut-été la crise financière planétaire de 2008-2009, qui leur avait donné un nouveau souffle, elles auraient cependant perdu ce qui leur restait de pertinence à force de zigzaguer et d’avancer à tâtons sans produire de résultats tangibles.

Dans un contexte mondial marqué actuellement par la pandémie du COVID et la domination de la Chine, porteuse par ailleurs d’un modèle etatique les contestant jusque dans leurs derniers retranchements, qui peut douter que les institutions de Breton-Woods se doivent de faire d’urgence leur aggiornamento au risque de n’être que des pièces perturbatrices d’un décor où elles suscitent moue dubitative et mépris tant leur comportement suspect les désignent à la vindicte populaire.

Sur le front des infrastructures, elles pêchent par leurs lourdeurs et leurs lenteurs. La Chine, plus agile, les écrase.

Qui croit encore à leur doctrine néolibérale ou aux contours du Consensus de Washington dont le concepteur, Jon Williamson, me disait en 2009 qu’il lui voyait une durée de vie de dix ans ?

La crise financière de 2009 a fait sauter les dogmes: c’est à Washington, cœur du capitalisme Occidental qu’on a voulu imposer à nos pays que les dernières pratiques...socialistes, y compris des interventions massives de l’Etat, au moyen de paquets financiers et de nationalisations d’industries et de banques, ont eu lieu!

Le modèle Chinois et, plus généralement, Est-asiatique, de développement, qui s’est fait sans compter sur ces institutions de Bretton-Woods vient forcément à l’esprit.

Dans ces pays asiatiques où le prêt-à-penser néolibéral n’a pas eu de prise, ce sont des leaders nationalistes, patriotiques, assis sur une vision articulée autour de leurs réalités, comptant sur leurs propres forces, qui ont fait la différence.

Dans les nôtres, faute d’avoir une emprise ailleurs, les institutions financières internationales veulent jouer aux nouveaux proconsuls coloniaux au point de s’ériger en barrières dictant à d’autres partenaires potentiels de passer par elles, décrétées les catalyseurs, rien que pour nous imposer leur présence.

Considérant que tout ce qu’elles nous apportent, c’est une meilleure surveillance macro-économique de nos agrégats en la matière, nous tenant la bride au cou surtout quand elles peuvent le faire de dirigeants à leur service, on peut, sans être traité d’irresponsable, dire qu’elles sont inutiles. Sauf si elles font une révolution copernicienne dont leur lourdeur empêche qu’elle puisse se faire.

Ce qui est plus grave avec ces institutions de Bretton-Woods, c’est qu’elles sont devenues hélas des acteurs de premier plan dans la corruption et la destruction des grandes valeurs dans nos sociétés.
Beaucoup de leurs officiels sont des corrompus. Leurs projets sur nos pays sont onéreux, parfois sufacturés, et ils ne sont que des moyens détournés des puissances occidentales de pérenniser leur mainmise neocoloniale sur nos pays.

Mettons de côté leurs discours pour coller à l’air du temps sur les tendances sociales autour de l’inclusion ou de la parité des genres, de l’écologie ou du climat.

On voit alors qu’elles ne font rien dans la promotion de la bonne gouvernance, fermant les yeux sur les détournements des financements qu’elles accordent, et rien sur le front des violations des libertés démocratiques ne les fait bouger: qui a jamais entendu une seule de ces institutions s’élever contre les arrestations intempestives au mépris du respect des libertés individuelles et collectives ? Qui en a vu en faire une precondition de la transparence et de la bonne gouvernance?

Parce qu’elles sont promptes à décerner des satisfécits malvenus aux économies africaines quand tout va à vau-l’eau et qu’elles sont aveugles face aux régressions démocratiques, aucune des institutions de Bretton-Woods n’est aujourd’hui utile à notre continent.

En regardant au delà de leur réthorique et de leur show, l’enfumage, elles sont des forces toxiques, les vrais virus, qui tuent depuis 60 ans nos pays.

Instituions de Bretton-Woods, y compris Sfi, vous avez échoué en Afrique. En être conscient est le premier pas pour réussir demain dans la lutte anti-COVID ou contre le sous-développement, et participer à la promotion de la démocratie.

Un reset est urgent, et, disons-le sans hésiter, si Makhtar Diop suit les anciennes routes battues, il débouchera sur la même impasse qui fait que plus personne de sérieux ne croit aux institutions financières internationales pour impulser quelque développement que ce soit...

Adama Gaye* est un exilé politique sénégalais et opposant au régime de Macky SALL.

Ps:
La dernière fois que nous nous sommes vus, Makhtar Diop, c’était au forum de Davos en 2001 ou 2002. Vous étiez un jeune ministre des finances sous Wade. Peu après, il vous avait brutalement démis de vos fonctions. Cela doit servir de leçon.
Quand j’ai vu hier le corrompu Macky SALL vous féliciter dans un tweet (en y commettant une autre faute lourde massacrant Molière), je me suis dis que nous risquons de retomber dans ces salamalecs méprisables qui retardent nos sociétés.
Si vous n’êtes pas capable de suivre le chemin de la rigueur, alors forget it, vous faillirez !
N’oubliez surtout pas que lorsque vous avez voulu être président de la Bad, c’est le même Macky SALL aidé du conseil assassin de Boun Dionne, votre soit disant ami de Van Vo, qui vous avait bloqué par peur de votre ascension.
De grâce, on veut autre chose que le verbiage Bretton-Woods.
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