Pour inverser la tendance du commerce interafricain, les pays doivent dialoguer ensemble, négocier pour voir quels sont les meilleurs qu’il faut donner à la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf), selon l’économiste Malick Sané, enseignant-chercheur à la faculté des Sciences économiques et de gestion (Faseg) de l’Ucad.
Booster le commerce entre les pays africains, c’est ce que cherchent les initiateurs de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) opérationnelle depuis le 1 janvier dernier. Mais pour que cet accord commercial puisse profiter au privé africain et aux consommateurs, de nombreux défis restent encore à relever.
‘’Pour inverser la tendance du commerce interafricain, cela nécessite que les pays puissent dialoguer ensemble, négocier pour voir quels sont les meilleurs qu’il faut donner à cette zone de libre-échange continentale. Faudrait-il accroître le commerce à l’intérieur du continent, mais aussi il faut prendre les positions nécessaires, avoir des instruments de protection pour que ce commerce africain puisse beaucoup profiter aux Africains’’, affirme l’économiste Malick Sané.
L’enseignant-chercheur à la faculté des Sciences économiques et de Gestion (Faseg) de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), par ailleurs directeur du Laboratoire de politiques commerciales (Lapocom) était l’invité de l’émission en ligne ‘’Comprendre l’économie’’, ce samedi. A la question de savoir si les Etats africains sont assez outillés pour se lancer dans cet accord, en cette période de crise sanitaire mondiale et d’incertitudes, le Pr. Sané note qu’on n’est ‘’jamais suffisamment prêt’’, que l’économie fonctionne sur la basse des réformes.
‘’Nous sommes des pays pauvres où il manque un peu de tout. Or, les infrastructures sont indispensables pour le développement du commerce. Il faut des chemins de fer, des routes, des corridors, des capacités de stockage, toute une infrastructure de supports pour que cela puisse fonctionner. Et tout cela manque. Le transport coûte cher en Afrique ; que ce soit maritime, aérien. Tout cela, c’est des véhicules pour développer le commerce et qui font défaut’’, souligne l’économiste.
D’après le directeur du Lapocom, il faut spécialement améliorer le commerce international par la diversification à travers l’industrialisation du continent. ‘’Quand on parle d’industrialisation, on parle aussi d’énergies. En Afrique, l’énergie coûte cher. Alors que ce sont des instruments nécessaires pour diversifier nos économies. On doit se lancer dans la dynamique des réformes pour aller de l’avant. La zone, ce qu’elle permet aux entreprises, c’est de leur offrir des opportunités. Mais l’économie, c’est toujours le risque et l’incertitude. L’entreprise vit toujours en permanence dans un environnement à risque’’, soutient-il.
Face à la puissance de certaines économies africaines, le Pr. Sané pense que le Sénégal doit faire des efforts et aller vers des investissements productifs. ‘’On a des atouts, la possibilité de pouvoir nous adapter et il y a des structures d’appui institutionnel. C’est à nous également de faire valoir nos forces pour ne pas être un peu traumatisés par la puissance de certaines économies. A défaut de pouvoir compétir dans tous les secteurs, on a des avantages comparatifs. Il y a des niches dans lesquelles on est suffisamment fort. Donc, on doit développer ces secteurs en travaillant en interne sur nos faiblesses’’, dit-il.
Ouvrir le marché africain ne signifie pas l’absence de contrôle
Toutefois, pour l’équation des multinationales, Malick Sané relève qu’il y a des dispositions prévues par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour éviter que cette ouverture commerciale au sien de l’Afrique puisse profiter aux entités hors du continent africain, à la place des Africains. ‘’C’est cela l’idée générale de la création de cette zone de libre-échange. La Zlecaf a fait l’objet d’un cadre réglementaire à partir des négociations que les différents pays ont pu tenir.
Il y a des dispositifs qui ont été mis en place. Maintenant, tout dépend des conditions dans lesquelles ces multinationales se sont installées dans ces pays. Mais ouvrir le marché africain aux entreprises africaines ou à celles qui sont implantées sur le continent ne signifie pas l’absence de mesures pour contrecarrer la possibilité que des entreprises qui ne sont pas établies sur le continent africain puissent en tirer profit. C’est vrai qu’il y a des risques, mais c’est dans la négociation qu’on peut trouver les meilleures réponses’’, ajoute-t-il.
L’économiste souligne que les entreprises auront, ici, la possibilité d’investir et plus globalement pour pouvoir satisfaire cette demande continentale. Or, c’est l’investissement qui est le moteur de la croissance économique. En investissant, en augmentant leurs capacités productives, M. Sané explique que les entreprises pourront effectivement créer de la valeur.
‘’La production va augmenter et à partir ce moment, elles pourront aller vers la réalisation de leurs performances. Du point de vue des consommateurs, il y a des économies d’échelle. On va aller vers une production en masse, les prix vont baisser et si les prix baissent, la demande augmente au profit des consommateurs d’Afrique. La première conséquence est déjà d’avoir une gamme plus élargie de biens à consommer. Et c’est aussi avoir des prix en baisse. Si on élimine les droits de douane, on produit en masse, les prix de vente auront tendance à baisser’’, estime-t-il.