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Campagne de levée de fonds de Pastef: L’Etat panique face aux millions d’Ousmane Sonko
Publié le mardi 5 janvier 2021  |  Enquête Plus
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© aDakar.com par DF
Rentrée politique du parti “Pastef, les patriotes“
Dakar, le 5 janvier 2020 - Le Parti Pastef a effectué, ce dimanche 5 janvier 2020, à DaKar, sa rentrée politique. La manifestation s`est tenue en présence de son leader Ousmane Sonko.
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Entre samedi et dimanche, une levée de fonds organisée par le parti Pastef/Les Patriotes a collecté plus d’une centaine de millions de francs CFA. Suffisant pour attirer l’attention du ministre de l’intérieur qui brandit la menace d’une dissolution du parti d’Ousmane Sonko.

‘’Retentissant !’’. L’adjectif colle bien à la campagne de levée de fonds lancée ce weekend par Pastef/Les Patriotes. Dans le cadre de l’opération ‘’Nemmeeku Tour’’, les responsables du parti politique poursuivent l’objectif de récolter et de mettre à la disposition du parti et de son président Ousmane Sonko les moyens d'aller à la rencontre des Sénégalais.

Mais le succès apparent de la campagne est mal vu à la place Washington. Au point que le ministre de l’Intérieur, Antoine Félix Abdoulaye Diome, a publié un communiqué par lequel il menace pratiquement Pastef/Les patriotes de dissolution, se fondant sur les dispositions de la loi sur les partis politiques.

Loin des remous et de la polémique qui suivront la note du ministre, Ousmane Sonko et ses militants avaient expliqué, le samedi, sur les réseaux sociaux, le concept de la levée de fonds qui doit financer l’opération ‘’Nemmeeku Tour’’, une campagne de visite de proximité décidée par le parti et qui doit voir son président se rendre dans les 45 départements et dans les villages les plus reculés. ‘’Avec nos maigres moyens, nous sommes arrivés à de grands résultats. Mais pour faire le tour du Sénégal, nous avons besoin d’argent’’, reconnait Ousmane Sonko. La levée de fonds devra également permettre au parti de construire son siège, d’étoffer ses moyens logistiques et encore d’obtenir des financements nécessaires, en vue des campagnes électorales à venir.

La méthode utilisée n’est pas très usitée dans le paysage politique sénégalais. Elle est même quelque peu inédite, contrairement à ce qui se voit dans les pays anglo-saxons. Et pour le leader de Pastef, il est important de ‘’décomplexer les questions relatives à l’argent dans les partis politiques et ne plus en faire un sujet tabou. Des milliards sont investis dans les campagnes électorales par les partis au pouvoir et ceux qui ont déjà goûté au pouvoir, sans que l’on ne sache la provenance de ces financements. Là-bas, on organise des campagnes de levée de fonds auxquelles tous les citoyens peuvent participer et contribuer. C’est cela qui fait la transparence au sein du financement des partis politiques’’.

Décidé à suivre cette logique, le Pastef appelle alors toute personne qui croit aux valeurs incarnées par ce parti à contribuer de sa poche pour que celles-ci s’appliquent au pays. Une façon, estime-t-il, de rester ‘’indépendant et autonome, par rapport aux sources de financement, aux alliés politiques, aux groupes de pression, etc.’’. Et dans cette entreprise, Ousmane Sonko a reconnu l’importance de l’apport de la diaspora sénégalaise dans la massification du parti et dans la contribution au financement.

125 millions de francs CFA mobilisés en moins de deux jours

Sans donner de chiffres, le leader du Pastef a tout de même laissé entendre qu’au rythme où allaient les choses, dès le lancement de la levée de fonds, la campagne devrait être un franc succès.

Dans un communiqué du Pastef, le parti s’est félicité de ‘’la première édition du ‘Nemmeeku Tour’, lancée hier 2 janvier 2021 (qui) a été un succès retentissant, surpassant même nos attentes. Elle a permis, en seulement quelques heures, de lever 125 millions de francs CFA en donations effectives et plus 81 autres de promesses de donations’’.

Mais l’évocation de la diaspora a ouvert une brèche dans laquelle s’est très vite engouffré le ministre de l’Intérieur. Dans son communiqué, Antoine Félix Diome met en garde, se basant sur ‘’un message audiovisuel récemment diffusé sur les réseaux sociaux’’ informant d’une ‘’campagne de levée de fonds internationale au profit du parti politique dénommé Pastef, afin de financer ses activités’’.

En effet, selon l’ex agent judiciaire de l’Etat, ‘’tout parti politique qui reçoit des subsides de l'étranger ou d'étrangers établis au Sénégal s'expose à la dissolution, conformément à l’article 4 alinéa 2 de la loi de 1981’’.

Habilité à dissoudre les partis qui enfreignent les règles, le ministre de l’Intérieur a rappelé, plus haut sur le communiqué, qu’en ‘’vertu de l’article 3 de la loi n°81-17 du 6 mai 1981 relative aux partis politiques, modifiée par la loi n°89-36 du 12 octobre 1989, les partis politiques ne peuvent bénéficier d’autres ressources que celles provenant des cotisations, dons et legs de leurs adhérents et sympathisants nationaux et des bénéfices réalisés à l’occasion de manifestations’’.

Dans la précision des textes, la loi n°89-36 du 12 octobre 1989 modifiant la loi n°81-17 du 6 mai 1981 relative aux partis politiques dispose, en son alinéa 2 : la dissolution intervient également ‘’dans le cas où un parti a reçu directement ou indirectement des subsides de l’étranger ou d’étrangers établis au Sénégal’’. Les subsides sont définis comme des aides, secours ou subventions.

Me Assane Dioma Ndiaye : ‘’Le texte ne fait pas de distinction de nationaux résidant au Sénégal ou à l’étranger’’

Ce que la loi ne précise pas, c’est la possibilité des Sénégalais établis à l’étranger à participer ou non à une campagne de levée de fonds pour un parti politique. Cette équivoque a également été soulignée par le président de la Ligue sénégalaise des droits humains, Me Assane Dioma Ndiaye.

Selon l’avocat, dans le cadre de cotisations et dons provenant d’adhérents et sympathisants nationaux, ‘’le texte ne fait pas de distinction de nationaux résidant au Sénégal ou à étranger. Tant qu’il s’agit de cela, il n’y a aucun souci’’.

Toutefois, la classe politique n’a pas tardé à réagir au communiqué du ministre de l’Intérieur. Thierno Bocoum ne comprend pas la nécessité, pour Antoine Félix Diome, de rappeler à un parti politique ce qu’il sait déjà. Ce qui intrigue, laisse-t-il entendre, est le lien de causalité entre ce qui est écrit dans les textes et la campagne de levée de fonds organisée par le parti Pastef et financée par ses membres et sympathisants. Un procédé somme toute légal, estime le président du mouvement Agir, prêt à remplacer l’adage ‘’nul n’est censé ignorer la loi’’ par le concept ‘’le ministre de l’Intérieur vous lira la loi’’.

Le député Cheikh Bamba Dièye s’indigne encore plus. Dans un post, il dénonce le fait que ‘’l'APR et Benno Bokk Yaakaar usent des ressources publiques à des fins politiciennes et jamais ils n'ont été inquiétés. Des Sénégalais soutiennent librement un parti de l'opposition Pastef, pour ne pas le nommer ; on le menace de dissolution. ‘Rewmi neex na torop. Fan lañu jëm ak ñii’ (ce pays est amusant. Où allons-nous avec ces dirigeants ?)’’.

Dans un communiqué conjoint, le Mouvement de la réforme pour le développement social (MRDS), le Rassemblement national démocratique (RND) et Yoonu Askan Wi appellent à l’arrêt des menaces contre Pastef : ‘’Non au piétinement des droits et libertés démocratiques acquis de haute lutte par le peuple sénégalais !’’ Pour ces derniers, la panique a commencé à s’installer dans le camp du pouvoir, au point de lui faire perdre la lucidité. En atteste, estiment-ils, ‘’par ses meilleurs vœux de recul démocratique, le ministre Antoine Diome inaugure bien mal et son magistère et la nouvelle année !’’. ‘’Depuis quand les Sénégalais de l’extérieur seraient des étrangers au Sénégal ?’’.

Les ‘’millions de citoyens’’ font peur aux ‘’Sall fric’’

Cette perte de lucidité a même inspiré l’activiste Guy Marius Sagna un petit poème par lequel il rime : ‘’La panique’’ au palais avec les millions de citoyens qui font peur aux ‘’Sall fric’’. Jamais tendre avec les méthodes du pouvoir, le leader de Frapp/France dégage rappelle à Macky Sall son parcours d’opposant et les libertés que lui avaient laissé son prédécesseur et qu’il n’accorde point à ses adversaires. Les affaires Khalifa Sall, Karim Wade et Aminata Touré, aux trousses de qui l’Inspection générale d’Etat serait lancée, ont été citées, entre autres exemples. Mais surtout des financements de la campagne du candidat Macky Sall en 2012.

Sur les réseaux sociaux, beaucoup d’articles relatant un financement de Macky Sall, face au président Abdoulaye Wade, par des Sénégalais de la diaspora, ont ressurgi. Allant même jusqu’à la publication d’une lettre portant la signature de Macky Sall, alors président de l’Assemblée nationale, sollicitant les ‘’conseils éclairés, orientations et appui à tout point de vue’’ du président gabonais Oumar Bongo.

Si cette nouvelle polémique remet au centre du débat le financement des partis politiques, c’est peut-être la première fois que la question débouche sur une menace de dissolution d’un parti.

Après le projet de loi sur les fonctionnaires radiés, une nouvelle menace pèse sur Ousmane Sonko et son parti. Joint pour réagir au communiqué du ministre de l’Intérieur, le président du Mouvement national des cadres patriotes, Bassirou Diomaye Faye, promet que son parti ‘’communiquera incessamment’’.
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