Apa a rencontré un jeune sénégalais qui a survécu au nouveau coronavirus. Récit.
Au Sénégal, les cas positifs au nouveau coronavirus se multiplient. Dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, cité comme un des plus outillés sur le plan médical, ils étaient, lundi 28 décembre, 18.728 individus à avoir contracté le virus dont 17.031 guéris et 390 décédés.
Matar (prénom d'emprunt), fait parti de ces Sénégalais dont le destin à croisé la nouvelle maladie de Covid-19 ou coronavirus. Sans doute sur son « lieu de travail », selon ses propres mots. Mais ce jeune homme dégourdi a été chanceux: « J’ai passé une semaine à l’hôpital de Guédiawaye, dans la banlieue dakaroise », raconte t-il.
« Un de mes collègues a été testé positif. On ne savait pas s’il était le patient zéro de l’entreprise. J’ai alors décidé de ne plus aller au boulot. J’ai préféré rester chez moi jusqu’à ce que les employeurs déclinent son identité. Ce n’était plus sûr parce que les employés interagissent », se souvient-t-il.
Quelques jours plus tard, Matar perçoit une première alerte. « Je me suis senti subitement mal à l’aise au point de m’en ouvrir à une personne qui était à côté de moi », avoue t-il. Les craintes du jeune homme étaient fondées, le virus circulait dans son organisme.
« J’avais des frissons, perdu le goût et ressentais une fatigue générale. Je pensais que c’était le paludisme. J’ai ainsi acheté un antipaludéen. Après avoir pris ce médicament, je me suis senti mieux. Mais 48 heures après, j’ai perdu l’odorat », relate le survivant.
Pour lui, quelque chose ne tournait donc pas rond. Pour en avoir le cœur net, il a contacté les services du ministère de la Santé et de l’Action sociale, mais ils croyaient à une simple « psychose ».
Grâce à l’intervention de sa mère, des agents d’une structure sanitaire de la capitale sont finalement venus chez lui pour procéder au test. « C’était le 22 avril. Je suis resté zen quand on m’a dit le lendemain que j’étais positif. Le plus important pour moi, c’était de ne pas avoir contaminé les membres de ma famille. J’ai été évacué le 24 avril à l’hôpital », raconte Matar.
Ce jour-là, le Service d’assistance médicale d’urgence (Samu), chargé du transport des cas confirmés, l’a appelé durant le couvre-feu, alors en vigueur dans le pays, en lui demandant « de préparer (ses) affaires et de porter un masque ».
Matar met la contagiosité de la Covid-19 sur le compte de la « ruse » d'un virus insaisissable. « Notre société a pris des mesures afin de protéger ses employés. Il y avait des thermoflashs et du gel hydroalcoolique. La distanciation sociale était respectée avec plusieurs postes de travail mis hors service. Mais dans tout système, il peut y avoir une faille », admet-il.
Pour protéger à tout prix les siens avant son évacuation à l’hôpital, il a dû adopter une méthode radicale. « Je me suis automatiquement isolé. J’étais enfermé dans ma chambre et je portais un masque. J’éternuais rarement et quand cela m’arrivait, je le faisais sur le creux du coude. Avec moi, il y avait peu de risque que le virus se propage », assure-t-il.
Contrairement aux premiers enseignements de la pandémie, la Covid-19 ne se manifeste pas toujours de la même façon. « Je n’ai jamais eu de fièvre. Ma toux n’était pas persistante. Je pouvais continuer de travailler sans que personne ne le sache. Dans ce pays, plusieurs personnes marchent avec le virus sans le savoir. C’est pourquoi, il faut toujours respecter les gestes barrières », conseille ce rescapé.
Pendant les six jours d’hospitalisation, Matar prenait « trois fois quotidiennement l’hydroxychloroquine et l’azythromycine tous les trois jours ». Etant donné que « le traitement devait durer dix jours, à ma sortie de l’hôpital, on m’a remis le restant des médicaments que je devais prendre à la maison », précise-t-il.
Ce protocole de traitement a été mis au point par le Professeur Didier Raoult de l’Institut Hospitalo-Universitaire de Marseille (France). Son homologue sénégalais, Moussa Seydi du service des maladies infectieuses de l’hôpital Fann de Dakar, l’a reproduit avec des « résultats encourageants ».
Débarrassé rapidement du virus, Matar qui ne souffre d’aucune pathologie chronique à risque, attribue une palme au personnel soignant de l’hôpital Dalal Jamm de Guédiawaye où il a été soigné. « Ils ont bien fait leur travail. L’assistante sociale, les médecins et les infirmiers prenaient soin de nous. On nous demandait si on avait mal, si on voulait manger quelque chose. Un traiteur livrait les repas et on pouvait commander les plats de nos choix. Nous étions vraiment des privilégiés », apprécie-t-il.
Alité dans « une chambre pour deux malades », Matar trouve normal que « les gens aient peur » du nouveau coronavirus. Pour autant, ce n’est pas « une maladie de la honte ». Selon lui, tout le monde peut la contracter.