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Le journalisme au Sénégal : les professionnels se regardent dans le miroir et s’interrogent
Publié le lundi 28 decembre 2020  |  senenews.com
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© Autre presse par DR
Le journalisme au Sénégal : les professionnels se regardent dans le miroir et s’interrogent
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La Convention des jeunes reporters du Sénégal (CJRS) a tenu, ce samedi 26 décembre, son deuxième numéro de «L’École de la Convention» animée par le trio constitué de Tidiane Kassé, Mamadou Oumar Ndiaye (panélistes) et Diatou Cissé Coulibaly (modératrice). Le thème discuté est «Le journalisme aujourd’hui». A travers ce thème, ces professionnels expérimentés ont échangé avec la jeune génération sur les différents défis qui se posent à la presse sénégalaise : dérives dans les réseaux sociaux, défiance par rapport à l’éthique et la déontologie, manque de rigueur professionnelle, racket de la racaille, concurrence des nouveaux médias. Il a aussi été question de la qualité des contenus, la question de la formation, la lenteur de la mise en application du nouveau code de la presse, l’utilisation de l’aide à la presse. etc. Toutes ces questions ont été passées au peigne alors que la presse sénégalaise a perdu son lustre d’antan.

Ce n’est un secret pour personne. Le journalisme professionnel est aujourd’hui bousculé et fortement concurrencé par les des réseaux et médias sociaux. Les journalistes n’ont plus le monopole de l’information. Toute personne munie de son smartphone, d’un appareil photo peut s’improviser journaliste et n’importe qui peut annoncer une information grâce aux réseaux sociaux. Dans ce contexte, les journalistes professionnels ont le devoir de se «réinventer» afin de résister à cette concurrence et mériter le respect du public. Cette réinvention passe par le retour aux fondamentaux de l’exercice du métrer dans un contexte où l’on assiste à des pratiques qui n’honorent nullement la profession. Sauf le retour aux normes permettra aux professionnels de se démarquer et avoir encore la confiance du public. Les devanciers sont presque perdus face à ce quoi ils assistent sur le terrain.

Les contenus posent question. Tidiane Kassé a déploré la tyrannie et la prééminence du «commentaire» et «l’avis d’expert » en lieu et place des faits qui devraient être mis en avant dans la production de l’information. Dans les normes, ce n’est que sur la base de faits que le commentateur ou l’expert posent son regard. Mais l’on assiste à une inversion de l’ordre. Toutefois, il n’est pas encore trop tard pour remonter la pente. Il faut juste décider et le vouloir.

Pour Kassé, le journaliste doit «se respecter et respecter le métier» à travers son «savoir-faire» et son «savoir-être». Cela suppose la maitrise et l’observance des différentes étapes de la pratique professionnelle d’une part, et l’attachement à l’éthique et la déontologie, d’autre part. In fine, le journaliste doit s’employer à «tendre vers l’excellence » en étant ambitieux dans tout le processus de production de l’information. Aujourd’hui, le journaliste professionnel ne doit pas se contenter d’annoncer une info car il n’en n’a plus monopole comme des années auparavant. Autrement à quoi servirait l’école de journalisme ?

Le professionnel doit, a contrario, aller au-delà de l’annonce, à travers la «mise en perspective, l’interprétation des faits» . C’est là où il «doit faire la différence». Le temps de l’information brute est révolu. «Le journalisme est condamné à se réinventer», souligne Tidiane Kassé, qui s’inscrit dans une « vision futuriste du métier » en vue de sa restauration. La presse sénégalaise peut retrouver le modèle qu’elle a été il y quelques décennies jusqu’à la fin des années 90. Pour redonner ce prestige, il faut revenir rigoureusement aux normes basiques à savoir la collecte, le recoupement, le traitement et la diffusion de l’information.

Mamadou Oumar Ndiaye, le patron de GMC pour sa part, a d’abord fait un bref rappel de l’évolution de la presse depuis les années 70, exposé des bonnes pratiques. A cette époque, comme il y a avait peu de médias et de journalistes, certains professionnels avaient le monopole de l’info et pouvaient même la garder quelques jours avant de la diffuser. Mais aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Les journalistes professionnels sont concurrencés par les non journaliste qui se font appeler journalistes citoyens. Et MON de s’interroger sur cette appellation. Y aurait-il un médecin citoyen ? un menuisier citoyen ? En tout cas, s’inscrivant dans la perspective préconisé par Kassé, pour lui c’est cette concurrence qui doit pousser le professionnel à se démarquer sur tous les plans. Connu pour sa liberté de ton, Mamadou Oumar est resté fidèles aux vielles pratiques semble même moins emballé par les nouvelle technologie.

Le fantasme de l’aide à la presse

Parlant de l’aide à la presse dont beaucoup fantasment sur son utilisation par les patrons de presse, Mamadou Oumar Ndiaye remet les choses à l’endroit. Selon lui, c’est une légende que de penser que l’aide à la presse «enrichit les patrons de presse». Prenant son cas, il a expliqué que depuis l’instauration de son fond il fut l’un des négociateurs, il y a des décennies, son orange de presse toujours reçu que 10 millions de francs. Et chaque fois, il l’a transmis le chèque à son comptable. Mais étant donné la précarité des entreprises de presse ces 10 millions ne sont qu’une goutte d’eau dans la mer au vu des charges de l’entreprise, informe-t-il. Occasion pour lui de dénoncer l’utilisation politicien de ce fonds.

En effet, des organes de presse créés dont les promoteurs ont des liens avec des politiciens peuvent recevoir jusqu’à 50 millions et plus sans pour autant être des organes connus pour leurs hauts faits sur le plan professionnel. Par conséquent, sans nul doute, une bonne partie de ce fonds est attribué à «des maitres chanteurs et des mercenaires» qui ont infiltré la profession et qui ont des accointances avec des autorités, dénonce Mamadou Oumar Ndiaye (MON). «L’aide à la presse profite à tout le monde sauf aux journaliste» parce qu’utilisé pour financer une clientèle politique à travers des médias politiciens dont certains responsable politiques eux-mêmes incitent à la création pour leur propagande.

Dans sa prise de parole, MON constate également l’affaissement du niveau des journalistes du fait du manque de lecture et de carence en culture générale. Les jeunes confrères préfèrent s’accrocher aux smartphones et aux tablettes plutôt que de lire des ouvrages et se cultiver. Il a ainsi invité instamment les jeunes non seulement à lire, à suivre les débats politiques et autres émissions télévisés du Sénégal mais aussi de l’étranger. Sur ce point, Diatou précise que la baisse du niveau est systémique. Il est noté dans tous les autres corporations certes, mais les journalistes sont plus exposés de par leur métier. Ce qui ne les dédouane nullement. Bien au contraire, c’est parce que les journalistes sont exposés qu’ils devraient travailler à relever leur niveau de langue et de culture générale pour être au top. Le nouveau code la presse n’a pas échappé à la discussion.

Le code la presse toujours en agonie

Le nouveau code de la presse devrait permettre de corriger une bonne partie des tares de la presse sénégalaises : notamment l’accès à la profession qui permettra d’éviter les brebis galeuse, la formation, le financement de l’entreprise de presse. D’ailleurs il ne sera plus question de l’aide à la presse, mais du fonds d’appui à l’entreprise de presse. Bref à la régulation du secteur.

Mais si les autorités trainent le pied à prendre les décrets d’application de ce nouveau code après son adoption depuis 3 ans. c’est parce que la situation actuelle de la presse les arrangent quelque part, croit savoir Diatou Cissé . La journaliste connaît bien ce nouveau code de la presse pour avoir participé à tous les processus de son élaboration alors qu’elle était Secrétaire Général du Synpics. A son avis, à part 3 à 4 décrets, toutes les autres dispositions de ce nouveau code sont immédiatement applicables. « Pourquoi ne le font-ils pas ? », s’interroge-t-elle ? Sur un autre plan, Diatou Cissé relève que le métier est fragilisé par la racaille, à savoir des groupes de jeunes qui investissent des hôtels pour réclamer des perdiems aux organisateurs d’événements.

La question des investissements des hommes d’affaire dans le domaine des médias a aussi été évoqué dans les débats. C’est la tendance même en France et ailleurs. Les hommes d’affaires rachètent ou créent des médias par ce qu’il cherchent l’influence ou la sanctuarisation de leurs business. Mais il revient aux journalistes de rester professionnel quoi qu’il arrive. Au pire des cas qu’il fasse valoir la clause de conscience. A travers cette rencontre des jeunes reporters qui étaient aussi déçus de ce métier semble avoir trouvé un brin d’espoir.
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