PolitiqueModification de la loi N*69-29 relative à l’état d’urgence et l’état de siège: Moustapha Diakhaté dénonce à la fois un «recul démocratique» et «un coup d’Etat»
Publié le mercredi 23 decembre 2020 | Sud Quotidien
Au titre des textes législatifs et réglementaires, le Conseil des ministres a adopté, le mercredi 16 décembre 2020, un projet de loi portant modification de la loi n°69-29 du 29 avril 1969 relative à l’état d’urgence et à l’état de siège. Alors que l’Assemblée nationale va être saisie pour le vote de ce texte dont le contenu est encore méconnu des citoyens, même à la presse qui en parle, des voix s’élèvent déjà pour dénoncer une loi «liberticide», un «recul démocratique» et, à la limite, «un coup d’Etat», selon Moustapha Diakhaté, ancien député APR. En ce sens qu’elle devrait permettre au président de la République de se passer de l’Assemblée nationale pour décréter et l’état d’urgence et l’état de siège dans certaines circonstances.
«Pour moi, donner au président de la République une loi qui réhabilite sa substitution à l’Assemblée nationale pour agir, c’est anti-démocratique. C’est un point de vue qui doit être combattu. Le Sénégal a des pouvoirs séparés, donc chaque institution doit remplir sa mission. Et s’en limiter là. Donc si le président de la République, devant une difficulté, élabore un projet de loi, cultive une loi comme bon lui semble, pour moi, c’est un recul démocratique, à la limite, on peut considérer ça comme un coup d’Etat à ce niveau-là». C’est Moustapha Diakhaté, ancien président du Groupe parlementaire Bennoo Bokk Yaakaar (BBY – la majorité présidentielle) qui rejette ainsi le projet de loi portant modification de la loi n°69- 29 du 29 avril 1969 relative à l’état d’urgence et à l’état de siège adopté en Conseil des ministres, le mercredi 16 décembre 2020, et actuellement dans le circuit pour son vote par l’Assemblée nationale.
Pour l’ancien parlementaire du parti au pouvoir (APR), qui prenait part, à côté de Guy Marius Sagna et Cie, à la conférence de presse du mouvement Frapp/France dégage, hier mercredi, le président de la République n’a pas besoin de «confiner» l’Assemblée nationale pour prétexte de lutter contre la Covid-19. Mieux, interpellé sur ce projet de loi qui, s’il est voté, va donner la possibilité au chef de l’Etat de valider une nouvelle loi d’habilitation dans les jours à venir, il lancera : «la première loi d’habilitation, pour moi c’était excessif. Il y avait des domaines qui étaient inclus sur cette loi. Ma position d’hier reste celle d’aujourd’hui. À mon avis, le président de la République n’a pas besoin de confiner l’Assemblée nationale pour prétexter lutter contre la Covid-19. On connaît des pays autre que le Sénégal qui rencontrent le même problème ; malgré tout, les institutions continuent à fonctionner. D’autant plus que le président de la République dispose d’une majorité écrasante à l’Assemblée nationale. Il ne rencontrera aucune difficulté à faire passer ses lois», a indiqué Moustapha Diakhaté, dans Pressafrik.
CONSOLIDER LA DEMOCRATIE ET L’ETAT DE DROIT, A LA PLACE D’UN NOUVEAU COUVRE-FEU QUI SERAIT UNE PERTE DE TEMPS
Poursuivant son propos, Moustapha Diakhaté, a soutenu : «instaurer un couvre-feu, serait une perte de temps. Car, tant qu’il y aura des colères, il y aura des manifestations de colère. Ce qui est plus dangereux, il y a des risques qu’un préfet décrète un état d’urgence dans son département. Ce sera inacceptable. D’ailleurs, quel est le risque que nous allons courir, que le préfet de Dakar décrète l’état de siège ? Par exemple, les journalistes ne vont plus travailler, parce que nous serons pratiquement dans un régime militaire». C’est pourquoi, en lieu et place, M. Diakhaté engage le président Sall à consolider la démocratie et l’Etat de droit. «Ce que moi, j’attends de lui, c’est qu’il consolide la démocratie sénégalaise, consolide l’Etat de droit démocratique du Sénégal. Ce qui permet à l’Assemblée nationale de jouer pleinement son rôle, au pouvoir judiciaire et à l’exécutif de faire sa partition. Permettre aussi aux populations, dans les collectivités territoriales, de pouvoir être impliquées pour s’autogouverner. Je crois que c’est vers ces réformes-là qu’il doit aller. Mais malheureusement, le président de la République est dans la politique politicienne, dans la ruse et dans la manœuvre», a-t-il déploré