Au-delà d’un taux de libéralisation de 65%, le Sénégal et le Nigeria pourraient subir des impacts extrêmement négatifs de la mise en œuvre des Accords de partenariat pour le développement (Ape). C’est la conclusion d’une recherche menée par Fatou Cissé et présentée lors de la Conférence internationale du Cres.
Le Sénégal et le Nigeria sont les grands perdants dans la perspective d’une signature des Accords de partenariat économique (Ape) entre les pays de la Cedeao et l’Union européenne. Au-delà d’un taux de 65%, les impacts seront négatifs, estime Fatou Cissé du Consortium pour la recherche économique et sociale (Cres). Et selon la chercheuse, ces deux pays vont perdre entre 0 et 3% de croissance. Au Nigeria, où les industries locales vont subir la concurrence des produits européens, l’économiste constate des impacts sur le Pib, mais aussi sur les revenus des ménages et une baisse des revenus qui entraîne une augmentation de la pauvreté. La chercheuse, qui a présenté les résultats de cette étude menée avec Ismaël Fofana de l’Ifpri à l’occasion de la conférence internationale organisée par le Cres, s’est penchée sur la question des impacts des Ape sur les économies africaines. Elle livre une conclusion sans complaisance. Elle estime en effet qu’«à 70%, les impacts deviennent négatifs avec une détérioration de la balance de paiement, des pertes de revenus du gouvernement». La recherche s’est faite sur la base de trois scénarios d’ouverture à 70% avec 45% les 15 premières années et 64% les 15 premières années ou une ouverture à 65% avec 45% les 15 premières années. «Globalement pour les 3 scénarios, on remarque que ce sont les importations de l’Ue qui augmentent et en terme d’impact, on voit que ça n’a pas du tout bougé. Ce qui veut dire que ça n’a pas été favorable au commerce Sud-Sud», constate Mme Cissé. Même scenario pour les exportations ou les effets sont encore faibles. Les effets de croissance sont positifs et décroissent dans le temps. Cela veut dire, souligne Mme Cissé, que «plus on libéralise les produits qui sont compétitifs avec la production locale, plus l’effet est négatif». Si dans les premières années on assiste à une baisse de la pauvreté, celle-ci augmente dans la dernière phase de libéralisation où la compétition est plus forte. «Globalement, on peut dire qu’à partir de ce modèle, les résultats indiquent que la libéralisation des échanges à 65% est plus favorable parce que ça contribue à accroître la croissance et à réduire la pauvreté. Mais lorsque l’on passe à un volume de 70%, que ça soit par un rythme de libéralisation accélérée ou lent, l’impact devient négatif. Et cela s’explique par la détérioration de la balance des paiements, les pertes des recettes du gouvernement et il y a trop d’effets sur les échanges entre pays de la Cedeao.»
Mesures préventives
L’ampleur des effets que la libéralisation a sur les économies des pays varie en fonction du niveau initial d’ouverture de l’économie, du taux d’ouverture aux produits de l’Ue, des pertes de recettes fiscales provenant des importations de l’Ue, mais aussi du taux des droits douaniers et de la structure du Produit intérieur brut (Pib). Au Sénégal, les droits de douane représentent 17% des revenus fiscaux. Et selon les conclusions de Mme Cissé, si le Sénégal et le Nigeria sont les plus affectés par l’application de ces accords, c’est aussi en partie parce que ces deux pays n’appliquaient pas de taxe à l’exportation. «Le Nigeria, le Sénégal, la Guinée et le Bénin n’ont pas de taxes sur les importations et cela a une implication parce que s’il y a une suppression des tarifs des importations de produits en provenance de l’Ue, la marge de manœuvre que les autres pays ont pour se rattraper sur les recettes qui proviennent de l’exportation, ces pays ne l’ont pas et vont donc plus ressentir les effets de la libéralisation», souligne Mme Cissé. Elle souligne en outre que la forte disparité entre les impacts par pays alourdit et rend plus difficile la signature de ces accords et suggère des implantations d’industries avant la libéralisation.
Aujourd’hui, l’Union européenne est le principal partenaire de plusieurs pays de la sous-région. Et le volume des importations en provenance de l’Ue atteint 22,8% contre 23,5% pour les exportations. Des chiffres qui tombent à 0,5% quand il s’agit des flux en direction de l’Europe.