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La place Faidherbe de la ville de Saint-Louis devient Baya Ndar
Publié le samedi 3 octobre 2020  |  lepoint.fr
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© aDakar.com par DR
La Statue de Louis Faidherbe
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La ville de Saint-Louis a décidé de rebaptiser la place Faidherbe, « Baya-Ndar ». Au-delà du symbole, c'est la question des vestiges du colonialisme qui refait surface.

À Saint-Louis, au Sénégal, la place Faidherbe n'est plus d'actualité, elle a été débaptisée pour être renommée « Baya Ndar » c'est-à-dire la place Saint-Louis. Explication : Baya, un mot dérivé du wolof « bayaal » veut dire place, carrefour, et Ndar est le nom local de la ville, qui fut le premier établissement fondé au sud du Sahara par la France au XVIIe siècle et plus tard, la capitale de l'Afrique occidentale française. Le débat sur la persistance des références à l'époque coloniale a été dernièrement ravivé dans le pays de Léopold Sédar Senghor, comme dans d'autres, par la mort de l'Afro-Américain George Floyd et les manifestations qu'elle a provoquées à travers le monde.

Louis Léon César Faidherbe est honoré en France comme une figure militaire qui a préservé le nord du pays de l'invasion prussienne lors de la guerre de 1870-1871. Au Sénégal, il est connu comme celui qui mena l'entreprise coloniale française en tant que gouverneur de 1854 à 1861 puis de 1863 à 1865. Sa gouvernance a été marquée par de nombreuses campagnes militaires menées dans les anciens royaumes du Fouta Toro (Sénégal, Mauritanie), du Khasso (Sénégal, Mali) et du Kayor (Sénégal).

Le mythe de Faidherbe battu en brèche depuis toujours
À Saint-Louis du Sénégal, on trouve une statue à son effigie, la place en question bien sûr, mais aussi un pont baptisé en son hommage, l'avenue Faidherbe, l'hôtel Faidherbe, la pharmacie Faidherbe, etc. Autrefois, le lycée de la ville portait son nom, mais celui-ci est devenu le lycée Cheikh-Omar-Foutiyou-Tall en 1984. Une décision plus que symbolique, car il faut souligner que cet établissement fut le tout premier lycée érigé par la France en 1886 en dehors de son territoire, donc le premier en Afrique. C'est dire que depuis de nombreuses années les Sénégalais tentent de battre en brèche l'héritage et tout le mythe qui a été bâti autour de Louis Faidherbe.

Déjà en 1978, l'écrivain et cinéaste sénégalais Ousmane Sembène s'était offusqué de cet hommage visible non seulement à Saint-Louis, mais également dans d'autres villes du pays. Il s'était directement adressé au président Léopold Sédar Senghor : « N'est-ce pas une provocation, un délit, une atteinte à la dignité morale de notre histoire nationale que de chanter l'hymne de Lat Joor sous le socle de la statue de Faidherbe ? Pourquoi, depuis des années que nous sommes indépendants, à Saint-Louis, Kaolack, Thiès, Ziguinchor, Rufisque, Dakar, etc., nos rues, nos artères, nos boulevards, nos avenues, nos places portent-ils encore des noms de colonialistes anciens et nouveaux ? Notre pays n'a-t-il pas donné des femmes et des hommes qui méritent l'honneur d'occuper les frontons de nos lycées, collèges, théâtres, universités, rues et avenues, etc. ? » avait-il écrit dans une lettre ouverte en 1978.

Depuis, des associations et des militants ont repris le relais. Dans leur viseur : la statue en bronze qui trône sur la place en plein centre-ville, avec notamment la plaque apposée en dessous où il est inscrit : « À son gouverneur Louis Faidherbe, le Sénégal reconnaissant. » En septembre 2017, la statue tombait à terre lors de pluies violentes qui se sont abattues sur la région. Tout un symbole pour beaucoup de jeunes Sénégalais. Des appels à la retirer définitivement et à la remplacer par des figures historiques locales sont depuis relayés sur les réseaux sociaux. Mais entre-temps, les autorités sénégalaises avaient décidé de le remettre jusqu'aux travaux actuels sur la place. Abdou Aziz Guissé, directeur du patrimoine culturel du Sénégal avait précisé que « la statue fait partie de l'héritage architectural et historique de la ville de Saint-Louis, classée au patrimoine mondial par l'Unesco. Elle a été maintenue, non pour célébrer la colonisation, mais par devoir de mémoire ».

Tout un symbole
Le Collectif sénégalais contre la célébration de Faidherbe qui fédère des centaines de sympathisants au Sénégal et au sein de la diaspora s'est formé en réaction au statu quo des autorités. Il demande le déboulonnage définitif de la statue, mais a également entrepris d'aller au-delà de ce seul combat en entreprenant un vaste travail de recherche pour mieux faire connaître la biographie et l'ensemble de l'œuvre de Faidherbe et d'autres figures historiques, ou héros à travers des actions auprès des populations, mais aussi de différentes prises de parole, comme ce fut le cas lors de la visite du président français Emmanuel Macron en février 2018. « On m'a raconté qu'ici, à Saint-Louis, autour des années 1850, les Français s'inquiétaient de la montée du djihadisme. Parfois, l'histoire bégaie », avait dit le chef de l'État français.

Entre-temps, le débat s'est ravivé à la lumière des manifestations de Charlottesville aux États-Unis, où s'est posée la question du retrait de la statue du général confédéré, Robert Lee. Le sujet est devenu une préoccupation mondiale, avec des pétitions en ligne, des manifestations, des déboulonnages, des statues de Gandhi en Afrique du Sud, de Cecil Rhodes, de Léopold II en Belgique, entre autres.

Preuve que la contestation commence à prendre forme, les dirigeants se sont emparés du débat. « La débaptisation de la place Faidherbe » aura une « portée historique », a estimé Mansour Faye, le maire de Saint-Louis, ville classée au patrimoine de l'humanité par l'Unesco. « La place avait auparavant porté les noms suivants : place Savane, ensuite place de la Monarchie-de-Juillet, place d'Orléans et place du Gouverneur-Faidherbe en 1887. Et depuis cette date, elle abrite la statue du gouverneur Faidherbe (...) », rappelle le document transmis à la presse et portant sur le projet discuté par le conseil municipal. « Nos grands-pères, nos grands-mères disaient : On va à la place Baya », a-t-il souligné.

Selon le maire de Saint-Louis, le sort de la statue Faidherbe érigée en 1886 et déplacée début janvier pour rénover la place sera évoqué « ultérieurement », a-t-il précisé. « La statue restera toujours à sa place, car la décision finale de la déplacer ou pas,restera l'affaire exclusive des fils de Saint-Louis et sans aucune influence d'où qu'elle vienne. Ce sont les fils de Saint-Louis qui en décideront », a-t-il dit.

Si, après concertation, « le conseil décide du déplacement de cette statue, on le fera. Si les populations décident que la statue va rester, naturellement, elle restera », a-t-il dit.
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