Alors que le paludisme se manifeste plus dans les zones rurales du continent, une nouvelle espèce de moustique, en expansion, colonise les aires urbaines.
Des dizaines de millions d’habitants de villes africaines sont menacés par un moustique vecteur du paludisme originaire d’Asie et particulièrement adapté à l’environnement urbain. C’est l’entomologiste médicale Marianne Sinka, dans une étude publiée hier par la revue scientifique américaine ‘’PNAS’’ qui alerte ainsi.
Dans son étude, la chercheuse à l’université d’Oxford, cartographie l’expansion d’une autre espèce, l’anophèle stephensi, originaire d’Asie. Cette espèce a appris à exploiter les réservoirs d’eau des villes (surtout ceux en ciment et en briques), où elle se faufile par le moindre trou pour y déposer ses larves. ‘’C’est la seule espèce à avoir bien réussi à pénétrer les zones urbaines centrales‘’, soutient-t-elle.
Selon la scientifique, Stephensi a provoqué un premier foyer à Djibouti, en 2012, une ville où le paludisme n’existait quasiment plus, et a depuis été observé en Ethiopie, au Soudan et ailleurs.
A son avis, sur le continent, l’un des moustiques principaux est l’Anopheles gambiae, considéré comme l’animal le plus dangereux de la terre. Mais, précise-t-elle, elle n’aime pas les flaques d’eau polluées des villes. En plus, elle n’a pas appris à pondre ses larves dans les réservoirs urbains d’eau propre. En Afrique, le paludisme se concentre aujourd’hui dans les zones rurales. Le paludisme est une maladie déclenchée par un parasite (Plasmodium falciparum ou vivax) transmis principalement par une quarantaine d’espèces de moustiques. Environ 400 000 personnes en sont mortes en 2018, surtout des enfants, particulièrement en Afrique.
Marianne Sinka a utilisé un modèle pour prédire les endroits d’Afrique où l’environnement était le plus adapté à l’introduction de ce moustique importé. Il s’agit, entre autres, d’endroits à forte densité, où il fait chaud, avec des précipitations suffisantes. L’étude conclut que 44 villes sont hautement adaptées à l’insecte et que 126 millions d’Africains qui sont aujourd’hui épargnés sont à risque, principalement dans la région équatoriale. ‘’Les 40 % de gens qui vivent dans des zones urbaines pourraient soudainement être vulnérables et infectés par le paludisme. Ce serait très grave‘’, avertit la chercheuse.
Cependant, elle a donné des stratégies pour se protéger de ce moustique. Car, à son avis, contrairement aux moustiques africains qui aiment piquer les humains quand il fait plus frais, donc pendant la nuit, stephensi aime piquer dès la soirée, quand il fait encore chaud. Mieux vaut, précise la chercheure, installer des moustiquaires aux fenêtres, imprégner les murs de produits insecticides et se couvrir le corps. Mais la mesure la plus essentielle est de viser les larves. C’est-à-dire de supprimer toute eau stagnante, ainsi que de bien fermer tout réservoir d’eau. ‘’C’est ce qui a fonctionné en Inde’’, rappelle Mme Sinka.