S’il a un sujet qui a été malicieusement été occulté par le dialogue politique, ce sont les fonds politiques.
Ni sur les points d’accord ni sur ceux de désaccord encore moins s’agissant des points en suspens, les acteurs politiques n’ont pas pensé, une seconde, que les fonds politiques devraient faire l’objet de davantage de rationalisation.
Pourtant, il n’y a pas sujet plus politique. Car, c’est l’enjeu de toutes les batailles pour la maitrise du fauteuil présidentiel qui ouvre ainsi le droit à l’acquisition de fonds spéciaux de l’ordre de 738 millions pour certains et à 10 milliards sur 8 mois pour d’autres.
En tout état de cause, dès son arrivée au pouvoir, le Président Sall a pris un décret dans ce sens que d’aucuns comme le député Thierno Bocoum jugent non-conforme à la loi.
Ces fonds sont appelés de diverses manières parce que logés dans la rubrique des transferts courants, des fonds de solidarité africaine, des fonds spéciaux, des fonds d’intervention sociales et autres transferts courants.
Des fonds que le Président de la République n’est pas le seul à en bénéficier. Le Président de l’Assemblée nationale, en a 50 millions par ans et d’autres hauts responsables d’institutions en bénéficient pour des montants moins importants : le président du Conseil économique, social et environnemental, du Haut conseil des collectivités territoriales, le ministre de l’Intérieur, le Premier Président de la Cour suprême.
La particularité de ces fonds, c’est que le bénéficiaire peut en user et en abuser comme il veut sans devoir rendre des comptes à qui que ce soit.
Mais, ça, ce n’est que sur le principe. Car, en réalité, les fonds politiques ou fonds spéciaux ont toute une histoire. Et si dans une République, autant d’argent est remis à une personne dans une discrétion totale, c’est qu’un objectif précis est poursuivi.
En effet, face à l’urgence d’une situation comme celle de guerre, de catastrophe naturelle, d’espionnage, de menace à la sécurité de l’Etat, etc., le Président de la République peut user de ces fonds sans passer par des procédures spéciales longues et compliquées. Et surtout dans une parfaite discrétion. Et vous comprenez alors aisément pourquoi nous en parlons aujourd’hui.
Car, ni pour la lutte contre la Covid-19 ni contre les inondations, deux fléaux auxquels le Sénégal fait face aujourd’hui, nous n’avons vu le Président lever des sommes substantielles des fonds politiques pour permettre à y faire face. A moins que les 10 milliards annoncés dans la gestion des opérations de secours contre les sinistrés des inondations ne proviennent des fonds politiques, la lutte contre la pandémie à coronavirus n’a pas été l’occasion d’une très grande participation financière du Palais.
La réalité est que ses fonds servent souvent comme butin de guerre électorale et sont réinvestis dans des opérations politiques de ce genre.
C’est pourquoi, aucun dialogue politique n’a de sens que si des débats de fonds de ce genre ne sont posés. Il faudra forcément rationnaliser l’octroi et l’utilisation des fonds politiques à l’endroit des toutes les institutions concernées.
Il était important que ce point soit porté à l’ordre du jour pour que l’argent du contribuable ne soit justement détourné à des fins politiques partisanes ou à des fins personnelles.
Les montants doivent être particulièrement revus et leur utilisation désormais connue ne serait-ce que par certains représentants parlementaires.
Il urge également de les supprimer pour certaines institutions doit l’instauration ne semble superflue.
En clair, les acteurs du dialogue politique ont raté une belle occasion de parler d’une institution ancienne mais dont l’utilité a été dévoyée.
Certes, il sera difficile d’aboutir à sa rationalisation, mais il fallait au moins essayer ne serait-ce que pour donner l’impression que de vraies questions ont été posées à des gouvernements successifs qui profitent des failles de notre système politique et institutionnel.
Malheureusement, grâce aux fonds politiques, ceux qui sont au pouvoir partent aux élections avec un avantage certain d’un budget de guerre conséquent. Allons-nous continuer à fermer les yeux sur cela ?