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Le Soleil N° 13188 du 13/5/2014

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Me Moussa Diop, leader du mouvement Alternance générationnelle : « Wade est comptable de tout ce qui est arrivé à son fils »
Publié le mardi 13 mai 2014   |  Le Soleil




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Me Moussa Diop est l’un des premiers leaders politiques à avoir misé sur Macky Sall. Il explique, dans cet entretien, son mutisme volontaire depuis 2 ans et donne un avis sur le bilan à mi-parcours du président Sall. Spécialiste du droit pénal, il se prononce sur la traque des biens supposés mal acquis.
Propos recueillis par notre Correspondant permanent à Paris

Me Moussa Diop, vous étiez un des premiers alliés de Macky Sall à la présidentielle de 2012, pouvez-vous expliquer les raisons de votre choix ?
L’année 2012 était une charnière importante dans la démocratie sénégalaise. Le constat était fait que, depuis l’indépendance jusqu’en 2012, c’était toujours les mêmes personnes qui dirigeaient le Sénégal. Nous avons voulu rompre avec cette manière de faire et entrer de plein-pied dans le changement auquel le peuple aspirait. Notre crédo était de provoquer une alternance générationnelle invitant à une totale rupture par rapport au passé. Bien entendu, lorsque les élections se sont présentées, il fallait quelqu’un pour incarner cette rupture. Dans un premier temps, j’avais déposé ma candidature au nom du mouvement Alternance générationnelle, la caution était alors de 25 millions de FCfa. Par la suite, le président Wade a changé les règles du jeu, en plein match, pour porter la caution à 65 millions de FCfa. De fait, considérant que le Sénégal ne fait pas naître 10 chefs d’Etat potentiels par année, j’ai retiré ma candidature pour m’allier avec le candidat qui épousait nos convictions et qui avait un programme similaire au nôtre. Macky Sall était le mieux placé, selon nos critères, d’abord en alternance générationnelle et ensuite par son aptitude à diriger le Sénégal. Nous avons donc conclu un accord (Ag et Apr) pour nous battre ensemble, gagner et gouverner ensemble. Vous savez, la tare la plus importante des Sénégalais, c’est l’amnésie ! N’oublions quand même pas qu’en 2012, il y avait une volonté manifeste de « monarchiser » notre pays en voulant faire passer le pouvoir du père au fils. Nous nous sommes d’abord opposés juridiquement à cette tentative de monarchisation flagrante, avant de la combattre politiquement sur le terrain. Aujourd’hui, comme nombre de Sénégalais, je suis fier d’avoir participé à mettre Abdoulaye Wade hors d’état de nuire.

Vous parlez d’amnésie des Sénégalais mais vous semblez également oublier que Macky Sall est sortie de l’école de Wade ?
Je considère et je reconnais que Macky Sall est sorti de l’école de Wade mais cela ne veut pas dire qu’il est mauvais. Force est de reconnaître également que Wade n’est pas mauvais en tout. Si l’on se basait uniquement sur son bilan, il serait réélu sans grandes difficultés. Mais, il a été battu à plate couture en raison de la mal gouvernance. Abdoulaye Wade a mis son fils aux affaires et ne voulait pas que celui-ci réponde de sa gestion. Aujourd’hui, tout ce qui arrive à Karim Wade, c’est le père qui en est comptable. Abdou Diouf n’a pas osé faire de tels dérapages. Macky Sall est certes sorti de l’école de Wade mais, il ne traine pas les mêmes casseroles que son prédécesseur. Dans bien des domaines, l’élève peut être meilleur que le maître car, Macky Sall a eu un passé politique où l’on ne peut pas lui reprocher grand chose. Je fais partie de ceux qui, en 2012, ont encouragé Macky Sall à battre campagne à l’intérieur du pays en lui rappelant que le Sénégal ne se limite pas à Dakar. J’ai considéré, à l’époque, que ce serait un mépris politique de ne pas se rendre dans les régions pour parler aux Sénégalais. Le fait de rester à Dakar était une mauvaise stratégie parce que cela cloisonnerait le débat. Je ne regrette pas mon choix et si c’était à refaire je n’hésiterais pas. D’ailleurs, 65 % des Sénégalais m’ont donné raison. Même sans la coalition « Bennoo Bokk Yaakaar », Macky Sall serait légitimement élu président de la République parce que le peuple ne voulait plus de Wade.

Qu’est-ce qu’il y avait de similaire dans vos programmes respectifs, vous avez certainement dû accorder vos pensées pour aboutir à une vision en symbiose pour la gestion de l’Etat ?
Effectivement, au départ déjà, Alternance générationnelle avait un programme très clair et même radical. Je pèse bien mes mots car je considère que les maux dont souffre le Sénégal méritent une thérapie de cheval. Avant de faire équipe avec Macky Sall, nous avons beaucoup échangé pour nous mettre d’accord sur la manière. Malheureusement, et au grand regret d’Alternative générationnelle, Macky Sall semble abandonner le programme «Yonou Yokouté» dont la priorité était la jeunesse, donc l’emploi des jeunes, les femmes et la santé. Est-ce une manière de dénoncer le programme «Yonou Yokouté» ? J’avoue que je ne m’y retrouve pas. Je considère simplement qu’on ne change pas ce qui est bon et qu’on a conçu soi-même avec une certaine conviction.

Macky Sall a fait dire pourtant aux cadres de l’Apr, que le Pse n’est autres que le programme «Yonou Yokouté»…
Je pense sincèrement que le programme «Yonou Yokouté» a été travesti. Si l’on prend les grands axes de celui-ci, par exemple la priorité pour la jeunesse, qu’est-ce qui a été réellement fait ou prévu depuis deux ans pour l’emploi des jeunes ? A part l’Agence de sécurité de proximité qualifiée, par certains, de police politique. Qu’en est-il également de l’agriculture qui occupait une part importante du programme ? Pourquoi ça ne bouge pas encore depuis deux ans ? Je pense qu’il faut que le président Macky Sall reprenne les choses en main. Je reste convaincu que s’il applique le programme sur lequel il a été élu, les Sénégalais ressentiront très vite le changement dans leur vie quotidienne.

Vous avez combattu avec Macky Sall, vous avez gagné ensemble, mais alors pourquoi vous n’êtes pas dans le dispositif pour gouverner ensemble ?
Il y a une institution qui est en face de nous, c’est le chef de l’Etat et c’est lui qui a été élu même si c’est nous tous qui avons gagné. Quand je dis, nous tous, je parle de la coalition de première génération. Moi, je ne reconnais pas «Bennoo Bokk Yaakaar» et d’ailleurs on ne m’a jamais vu dans une de ses réunions. Si je ne suis pas encore dans le dispositif, je considère simplement que le président n’a pas encore besoin de moi. Le moment venu, Macky Sall sait évidemment qu’il pourra compter sur ma loyauté. Vous n’êtes pas sans savoir que le palais de la République est le mur des lamentations au Sénégal. Si le président de la République veut que je sois à ses côtés, personne ne pourra s’y opposer. On s’est vu à deux reprises depuis sa prise de fonctions, nous avons parlé de beaucoup de choses mais je n’irai jamais le voir pour demander un poste quelconque. Il connait mes compétences et ma passion pour notre pays, c’est à lui, chef suprême de l’Etat de décider qui doit travailler avec lui, dans l’intérêt général du Sénégal.

Quelle appréciation faites-vous de son parcours à mi-mandat ?
A titre principal, je suis un peu déçu des résultats de ses deux premières années de pouvoir. Je pars de la règle de la rupture parce que je ne suis pas pour le changement des hommes uniquement. Si je fais de la politique, c’est pour rompre radicalement avec les mauvaises habitudes et les politiques politiciennes. Qu’est-ce que c’est que cette manière de faire de la politique en promouvant la transhumance ? Des gens qui ont des affaires pendantes devant la justice pour mal gouvernance et des activistes qui changent d’habits politiques comme bon leur semble… Ce n’est pas noble et encore moins des exemples à encourager. Si la communication de la présidence ne passe pas, c’est qu’il y a beaucoup de contradictions entre le discours et la pratique. Les objectifs sont souvent nobles mais entre les déclarations et les agissements, il y a souvent un grand écart. Il ne faut pas se précipiter, certes, car Macky est un homme d’Etat et il est capable de redresser la barre s’il prend les bonnes décisions. Toutefois, je considère qu’il reste encore beaucoup d’efforts à faire pour ce qui est de la cadence. J’adore la critique parce que je suis patriote et je souhaite vivement qu’il réussisse pour honorer notre génération. Depuis son élection, c’est la première fois que je parle à la presse parce que je considère qu’il faut le laisser travailler et dérouler son programme dans sa libre pensée. Seulement, après deux ans, je pense qu’on ne va pas au rythme souhaité. C’est mon avis et je ne manquerai pas de le dire au président si l’on se revoit car je le connais très attentif et patient.

En tant qu’avocat et spécialiste du droit pénal, quel est votre avis sur la gestion des dossiers de traque de biens mal acquis ?
Le président de la République a quand même mis à une position importante dans ses objectifs : la traque et la restitution à l’Etat des biens supposés mal-acquis. Les Sénégalais considéraient le régime de Wade comme un pouvoir qui s’est enrichi de façon arrogante et c’est vrai. C’est la triste réalité. On en a pris quelques-uns qui sont en prison mais la majorité des suspects vaquent librement à leurs occupations. Pour échapper à la justice, ils disent tous que c’est des fonds politiques offerts par Abdoulaye Wade. Quand on veut mener un si noble combat au nom du peuple et de la justice, il faut y mettre les formes. Je le dis comme je le pense, je crois que jusqu’ici, ce dossier est mal géré. Laissons néanmoins la justice faire son travail en toute souveraineté. Mais, je veux être très clair sur cette question, je pense qu’il y a bien deux poids deux mesures et, bien entendu, ça ne se fait pas dans les règles de l’art. Car, ça débouche sur des choses extraordinaires et, attention, je dis bien attention aux retombées. Le Sénégal est un pays pathétique qui joue beaucoup sur l’émotion et la passion. En France, on a fait mettre en examen un ministre de la République (Jérôme Cahuzac) pour avoir simplement ouvert un compte à l’étranger pour y déposer son argent à l’insu des services fiscaux. Au Sénégal, les enquêtes de Monaco ont débouché sur plus de 2 milliards dans des comptes bancaires, et nous avons un ancien président de la République qui dit : «j’ai fait ouvrir ce compte à mon fils pour y déposer cet argent». Mais c’était pour le cacher à qui ? Il y a lieu de se poser des questions sur cet ombre de pailles. Je le redis, tous les déboires du fils lui ont été causés par son père. Il ne fallait pas le mettre aux affaires. Maintenant que c’est fait, il faut qu’il rende compte de sa gestion.

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