Le Sénégal, figurant parmi les quinze pays africains qui dénombrent le plus de cas du nouveau coronavirus, s’efforce de stopper les cas communautaires en constante hausse.
C’est un rituel depuis l’irruption du virus le 2 mars dernier. Chaque matin, une autorité sanitaire se charge de lire un communiqué sur l’évolution de l’épidémie. Ces derniers jours, la recrudescence de la transmission communautaire saute aux yeux.
Durant cette semaine, 580 personnes ont contracté la Covid-19 sans qu’on puisse déterminer la source de leur contagion. C’est une moyenne de 82 infections par jour contre 17 contaminations quotidiennes du même genre pendant la semaine précédente. Et presque toutes les régions du pays sont concernées par cette augmentation des cas communautaires que certains imputent au déplacement massif de populations à la veille de la célébration de l’Aid al-adha, communément appelé Tabaski en Afrique de l’ouest.
Pourtant, Abdoulaye Diouf Sarr, le ministre de la Santé et de l’Action sociale, a prévenu ses concitoyens contre le risque de dissémination du virus dans des zones jusque-là épargnées : « La Tabaski de cette année intervient dans un contexte délicat faisant appel à la responsabilité de tout un chacun contre la propagation du coronavirus ».
Son exhortation n’a pas produit l’effet escompté puisque des milliers de Sénégalais ont quitté Dakar, l’épicentre de l’épidémie, pour se rendre dans l’intérieur du pays afin d’y passer la fête en famille. Deux mois plus tôt, c’était mission impossible. L’état d’urgence était en vigueur et le transport interurbain interdit. De ce fait, de nombreux habitants de Dakar ont dû faire une croix sur leur retour au village natal pour la Korité marquant la fin du mois de Ramadan.
A ce jour, le Sénégal a officiellement enregistré 244 décès pour 11.740 cas. Depuis le 31 mars dernier, date à laquelle le pays a déploré son tout premier mort lié au coronavirus, en l’occurrence l’ancien président de l’Olympique de Marseille Pape Diouf, moult patients développent des formes graves de la maladie, et meurent à la suite de complications.
Lors d’un Conseil présidentiel sur la situation sanitaire tenu ces derniers jours, Abdoulaye Bousso, le Directeur du Centre des opérations d’urgence sanitaire (Cous), a informé que le personnel soignant se heurte à « un refus de personnalités » qui présentent des comorbités et ne souhaitent pas être hospitalisées. « Il y en a qui ont malheureusement perdu la vie. C’est la conséquence du délai très tardif de recours aux structures de santé », ajoute Mamadou Diarra Bèye, le Directeur du Samu national.
Le chef de l’Etat, Macky Sall n’a pas tardé à fixer un nouveau cap et n’exclut pas la possibilité « de recourir à des états d'urgence localisés si cette situation doit perdurer ». Dans son intervention, ce jour-là, Mame Thierno Dieng, le Directeur de l’Hôpital Principal de Dakar (HPD) a expliqué que « la plupart des malades sont décédés (dans cette structure de santé). Nous avons pu effectuer la traçabilité. Ils sont infectés dans des cérémonies funéraires, principalement les levées du corps et les enterrements ».
Avec la levée des principales mesures de l’état d’urgence, notamment le couvre-feu, un relâchement dans l’observance des gestes barrières a été noté un peu partout au Sénégal. En pleine canicule, les plages sont à nouveau bondées, les cérémonies familiales ont repris de plus belle et la surchage a recommencé dans les transports en commun où le port du masque n’est pas général.
Ce qui a un brin irrité le gouvernement qui, à travers le ministère de l’Intérieur, a corsé les mesures de prévention. Le jour de la Tabaski, le président de la République s’est adressé à certains jeunes désinvoltes : « Le nombre de victimes a sensiblement augmenté. Les personnes âgées sont les plus touchées. Par conséquent, la jeunesse a un rôle déterminant dans cela. Parce qu’elle peut penser qu’elle est tout à fait protégée contre la maladie. Ce qui n’est pas d’ailleurs prouvé. Elle doit protéger les parents et les personnes âgées qui sont à la maison. Il faut absolument le respect des gestes barrières surtout le port correct du masque qui peut aider à freiner la propagation de la maladie ».
Dorénavant, le non port du masque chirurgical ou alternatif est passible d’une amende. Pour jouer sa partition, le Gouverneur de la capitale, Al Hassan Sall, a entériné « la fermeture des bars, discothèques et autres salles de spectacles pour une durée de trois mois, la suspension des autorisations de faire de la musique, des chants et danses dans les débits de boissons jusqu’à nouvel ordre ». En plus, les forces de l’ordre sont déployées « au niveau des plages et autres espaces publics en vue d’une application rigoureuse des mesures d’interdiction de rassemblement », a souligné ce représentant de l’Etat.
De nouvelles restrictions injustes selon des intermittents du spectacle. Sur sa page Facebook, l’artiste Lady Maah Keïta ne cache pas sa colère. « Vous êtes en train de détruire toute une génération de travailleurs. La musique, ce n’est pas un jeu. On a sacrifié nos vies, de brillantes études… pour exercer ce métier qui mérite autant de (respect) que bien d’autres », soutient-elle.
Dans les réseaux sociaux, mais aussi dans les médias, Marie Teuw Niane, l’ancien ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, a alimenté le débat en émettant l’hypothèse d’une annulation des évènements religieux qui se profilent. La commémoration, le 5 octobre, du retour d’exil de Cheikh Ahmadou Bamba, le fondateur de la confrérie mouride et de la naissance du Prophète de l’Islam prévue le 29 octobre dans de nombreux foyers religieux du pays fait craindre le pire.