Décidément le Système LMD (Licence-Master-Doctorant) fondé sur une organisation des enseignements en semestres et unités d’enseignement et la mise en œuvre des crédits, est devenu un casse-tête pour les étudiants non seulement dans son application mais aussi sa compréhension. Introduit depuis un bon bout de temps dans les universités publiques sénégalaises, ce système ferme la porte à certains étudiants, notamment ceux de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar désireux de faire le second cycle. Ils sont nombreux à se voir refuser de faire le Master à la faculté des Lettres et Sciences humaines. Réunis en collectif, les victimes du système LMD ont entamé un arrêt des cours total depuis deux semaines dans cette faculté en dépit d’une rencontre avec les autorités rectorales.
Le collectif des étudiants « Master pour tous » continue toujours de faire observer un arrêt total des cours à la Faculté des Lettres et Sciences humaines (Flsh) de l’Université Cheikh Anta Diop. Ils ont décrété hier, lundi 12 mai 2014, une grève de 48 heures renouvelables pour exiger leur passage au deuxième cycle (master). La cause : ces étudiants en troisième année de licence ont vu leur rêve de s’inscrire en master sombrer dans le néant.
En attendant les éclairages des autorités académiques de l’Université de Dakar, les étudiants jugent, après avoir validé leurs crédits et semestres, inacceptable cette mesure prise par les responsables de leur faculté. Selon le porte-parole du collectif, « aucun texte ne précise que le master doit être sélectif et la licence est professionnelle ». Ibrahima Sané ajoute : « comme vous le savez nous avons donc des Licences académiques, non pas professionnelles qui ne nous permettent pas de travailler au terme du premier cycle ».
C’est d’ailleurs à cet effet qu’une rencontre a été initiée entre le Rectorat et les étudiants réunis autour du collectif pour trouver une issue à ce problème qui commence à perdurer. Elle s’est soldée par un échec dans la mesure où les étudiants soutiennent que « le Recteur nous a signifiés que les professeurs sont indépendants et il essayera d’y trouver une solution sans rien nous promettre ».
Le collectif a relevé que le problème résulte non pas du nombre de crédits demandés parce que tout simplement certains ont validé les semestres mais du nombre limité de professeurs ». L’année académique 2012-2013, rappelons-le, a démarré tardivement à la faculté des Sciences juridiques et Politiques pour les étudiants admis en Master.
L’encadrement a été la principale source de cette grève qui a failli hypothéquer l’année à cause du surnombre d’étudiants en master alors que celui de l’encadrement est limité. L’encadrement a toujours a été un goulot d’étranglement à l’Université de Dakar à la cause du nombre de professeurs habilités à le faire. La section du Syndicat autonome de l’Enseignement supérieur (Saes) a sorti un document qui en dit long sur cette situation.
Le document intitulé « Asphyxie de l’Ucad » mentionne que les enseignants et chercheurs de la catégorie A, autorisés à faire des cours magistraux, ne font que 34,7% du personnel. Pour illustrer leur argumentaire, le Saes de Dakar a indiqué que la Flsh compte 197 enseignants permanents pour environ 27 000 étudiants. Pour 96 enseignants, la faculté de Droit a un effectif de 14 446 étudiants ». Des chiffres qui ne respectent pas de loi, ni de normes fixées par l’Unesco (1 encadreur pour 25 à 30 étudiants), inquiétent si l’on sait que la qualité de l’Enseignement supérieur occupe une place importante dans les grandes réformes engagées par les autorités lors des CNAES.
« Nous sommes amenés à dire que non. Nous jugeons que l’Etat, les doyens des facultés, les professeurs doivent prendre ses responsabilités. Si les autorités sont dans l’incapacité de régler nos problèmes, nous allons continuer le plan d’actions entamé depuis trois semaines », a précisé Ibrahima Sané, tout en ajoutant que l’augmentation des frais d’inscription devrait permettre aux facultés de recruter d’autres professeurs.
Selon lui, « ils sont nombreux les étudiants qui ont leurs doctorats et qui ne parviennent pas à trouver un emploi. Qu’ils ne nous parlent pas de difficultés financières ».
Le problème des orientations se pose avec acuité à l’université de Dakar, notamment à la Flsh. On se rappelle pour dit : deux étudiants du département de la Géographie se sont immolés par le feu dans l’enceinte de ladite Faculté pour réclamer une inscription en master. Auparavant ils avaient durci en s’engageant dans une grève de la faim dans le hall de la même faculté. Il a fallu une médiation des organisations de la société civile pour voir le problème trouver une issue.
Le paradoxe ?
Malgré les conférences initiées par les autorités, le système suscite toujours une incompréhension de la part des étudiants. Censé apporter une conformité à la demande du Conseil Africain et Malgache pour l’Enseignement supérieur (Cames) de moderniser l’enseignement supérieur, le système se heurte à d’énormes difficultés dans son application, notamment dans les universités publiques. Tous les paramètres ne se sont pas réunis pour voir sa réussite. Il suppose un nombre suffisant de disponibilités d’infrastructures universitaires.
Selon le Saes de Dakar, les infrastructures disponibles (amphithéâtres, salles de cours, de travaux pratiques et dirigés) sont au nombre de 217 pour une capacité totale en nombre de places physiques de 23 423. Ce qui n’atteint pas le tiers des effectifs d’étudiants si l’on sait que l’Ucad compte 80 500 étudiants. La Flsh compte 26 993 étudiants, mais avec une capacité d’accueil de 6 780 seulement. La Fsjp avec un effectif de 14 446, compte 3 486 places disponibles alors que la Faseg qui a une capacité d’accueil de 2820, enregistre 8 870 étudiants.
Une situation qui est loin de donner une chance à la réussite du système LMD, occasionnant par ailleurs le non-respect du calendrier universitaire, le recours aux emprunts et locations de salles ou d’organisation de cohortes.
Système LMD
Pour s’adapter aux standards internationaux, les universités publiques et privés se sont engagées dans une série de mesures modifiant le système d’enseignement supérieur. Ce système est composé de trois cycles communément appelés LMD (Licence-Master-Doctorant) et s’organise par des enseignements en semestres et unités et la mise en œuvre des crédits. Il est prévu une évaluation finale pour chaque unité d’enseignement, en plus des contrôles continus, des travaux dirigés et pratiques. Le niveau de la licence correspond à 180 crédits alors que celui du master nécessite 300 crédits. Toujours est-il que le mode d’accès, la durée des études, les modes d’évaluation peuvent être très différents d’un établissement à l’autre. L’introduction du système s’est faite de façon timide dans les universités du Sénégal, notamment celle de Dakar. Il est indiqué que le LMD s’articule autour d’un accompagnement pédagogique de l’étudiant sur son parcours de formation, son projet professionnel.