« Ne laissons au virus ni la vie, ni nos vies. Il y va de notre salut. Il y va du salut de la Nation ». Telle était l’invitation solennelle qu’avait lancée le président Sall à l’ensemble de la communauté, lors de son adresse du 23 mars dernier. Mais depuis 5 mois que le virus s’est invité dans notre quotidien, il apparaît de plus en plus difficile de le contenir, encore plus de renversersa progression. Tout laisse croire que le covid-19 n’est pas prêt de foutre le camp de chez nous. Pour cause, les gestes qui devaient faire office de barrières ont complètement disparu du décor et les mesures préventives recommandées ne sont plus d’actualité. A découvert, les populations toisent le virus et se font atteindre au point que les hôpitaux sont devenus assez étroits pour contenir ceux qui passent à la trappe du Covid-19.
Comme un hôte qui abuse de l’hospitalité de son hôte, le coronavirus n’est pas prêt de foutre le camp du pays de la Téranga. Envers l’étranger, le Sénégalais sait bien adopter, s’adapter, et vivre même avec les plus fous caprices. Depuis le 2 mars passé, date de la confirmation du premier cas positif au Sénégal, les populations vivent dans une peur bleue, avec le covid-19 qui leur rode autour comme une épée de Damoclès. Après cinq mois de résistance, à l’image de tous les autres combats longs et périlleux, l’homo sénégalensis est visiblement atteint par l’usure. Pourtant au début de la pandémie, sans avoir besoin même qu’on leur rappelât les consignes, les populations se tenaient très à carreaux pour ne pas choper l’infinitésimale bête. Aujourd’hui, force est de constater que ce que les uns et les autres prenaient pour une course de vitesse était en réalité un marathon qui allait demander de la résilience et de l’abnégation. Hélas, deux éléments dont nous avons perdu la notion au fil de notre resistance face au covid-19.
Malgré les énormes efforts que le personnel de santé continue de déployer, et les multiples appels à la prudence lancés par l’autorité étatique, un pan important de la population ne suit pas la cadence de la lutte contre le coronavirus. Si pour une partie, il s’agit au mieux de négligence au pire d’entêtement et de défiance, pour l’autre partie cependant, le problème demeure un déni total de la réalité. En vérité, ce qui rend particulièrement difficile l’offensive contre le covid-19, nonobstant les moyens fournis par l’Etat du Sénégal à travers les services du ministère de la santé, c’est l’entêtement des uns et des autres qui restent insensibles à toute campagne de sensibilisation. Il suffit de juste jeter un coup d’œil sur le bilan du jour pour se rendre compte de l’énormité des dégâts que peuvent engendrer une telle légèreté dans les comportements.
Le bilan de ce lundi 3 août fait état de 10386 cas positifs, 211 décès pour 3273 sous traitement. Ces chiffres qui font froid dans le dos des professionnels de la santé et des observateurs ne font plus peur à la population dont une importante partie oppose un désintérêt total aux différentes sorties du ministère. A côté de l’usure, cette fatigue de se battre sans voir le bout du tunnel, les Sénégalais sont surtout démotivés par la gestion à tout le moins cahoteuse de la pandémie par l’Etat. En effet, ceux qui nient l’existence de la maladie le font pour la plupart en se basant sur l’incohérence de la stratégie des décideurs. Comment peut-on fermer les frontières avec moins de cas et les rouvrir au moment où l’on assiste à une explosion des cas en sus d’un nombre de décès effarant ? Tant qu’à dire, il faut reconnaitre que la levée des mesures restrictives par le président Sall a introduit le loup dans la bergerie, et les conséquences sont aujourd’hui difficilement gérables.
Vivre pour le virus au lieu de vivre avec le virus
Pourtant, tous opinaient du bonnet qu’il fallait trouver les moyens d’assurer la survie économique des populations en même temps que leur sécurité médicale. Placé devant ce dilemme, le président Sall ne pouvait pas s’imaginer mille et une solutions : il fallait désormais rétablir la situation et « vivre avec le virus ». Adossée à des recommandations fortes dont la distanciation sociale et le port de masques, la levée des mesures restrictives aurait pu réussir si les conditions y afférentes étaient strictement réglées. Il arguait d’ailleurs, lors de la levée de l’état d’urgence, le 29 juin dernier: « de la même manière que nous ne pouvons pas laisser au virus nos vies et notre santé, nous ne pouvons, non plus, lui laisser la vie et la santé de notre économie ».
Malheureusement, le port de masques n’est plus respecté dans les rues et ruelles, les rassemblements continuent de se passer comme avant le covid-19 avec des cérémonies familiales organisées en grande pompe au vu et au su des autorités, pendant que la distanciation sociale n’est plus de mise même pas au sein des transports en commun. Pis encore, dans certains moyens de locomotion, les surcharges commencent à faire leur retour notamment au niveau des bus tatas avec ce qu’ils appellent les « places debout ». C’est dans ce contexte qu’est célébrée la Tabaski, le vendredi dernier, une occasion pour des milliers de fidèles de quitter la capitale et d’autres foyers du virus pour regagner leurs familles dans les villages et autres régions. Le mouvement des personnes à cette occasion va sûrement avoir des conséquences graves dans 14 jours avec un risque d’explosion des cas avéré.
La nécessité de corser les mesures
L’ouverture des lieux de culte n’a pas arrangé les choses, de même que la reprise des activités économiques. Ceci est du fait de la démission collective qui caractérise les personnes de tous âges concernées par la lutte. Il faut donc admettre que le renoncement aux mesures restrictives a eu des effets néfastes parce que ce qui était censé sous-tendre cet état de fait ne suit pas en réalité. A quelques jours de la célébration de la Tabaski, le ministre de la Santé, conscient des dangers encourus, avait vainement invité les populations à ne pas voyager et à passer la fête sur place. L’auto-restriction privilégiée et qui consistait à laisser à la population le libre choix de définir soi-même les limites de sa responsabilité n’aura pas fonctionné. Ainsi faut-il nécessairement une décision de l’autorité suprême pour endiguer le mal qui devient de plus en plus inquiétant.
Or la récente déclaration de l’organisation mondiale de la Santé sur le coronavirus doit interpeler plus d’un. A en croire l’organisme onusien qui confirme une sortie antérieure, le covid-19 pourrait ne jamais disparaitre. En l’absence de vaccin, il n’y a pas de doute, pour Gabreyesus et ses collaborateurs, que la pandémie sera endémique et qu’en conséquence, aucun salut ne pourrait avoir lieu si ce n’est à travers les gestes barrières. Cette allégation doit simplement nous imposer des solutions radicales au moment où dans certains pays européens et asiatiques, on assiste à un reconfinement.
Criminaliser le non port de masque
Pour faire face à l’avancée de la pandémie, l’ancien président du groupe parlementaire Bennoo Bokk Yaakaar, Moustapha Diakhaté, invite l’Etat à corser les mesures notamment l’obligation du port de masques. Afin de faire face à la négligence d’une partie de la population, et de leur faire observer les règles de façon obligatoire, l’ancien parlementaire avance : « Le coronavirus a fait au Sénégal plus de morts, plus dégâts économiques et sociaux que le terrorisme. Face aux périls qu’engendre cette épidémie, la République doit se doter d’une puissante Loi pour enrayer le refus de porter le masque sur l’ensemble du territoire national ». M. Diakhaté est d’avis que « le mauvais ou le non-port du masque étant une mise en danger de soi et de la vie d’autrui, représente un grave risque sanitaire pour les individus et la communauté nationale ».
De même, le Khalife général des Tidianes, Serigne Babacar Sy Mansour, a invité de nouveau les autorités à dire la vérité aux Sénégalais par rapport à cette maladie de coivd-19. « Ce n’est pas le fait de donner un bilan quotidien et les discours qui permettront de trouver un remède contre cette pandémie. Il faut que l’Etat, ceux qui gèrent cette pandémie tiennent un langage de vérité aux populations qui ne comprennent toujours pas ».