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HOMMAGE A BT – Latif Coulibaly : «La couverture par Sud Fm des élections de 93 a abouti à l’annulation d’une partie du scrutin à Dakar»
Publié le mercredi 29 juillet 2020  |  Le Quotidien
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© aDakar.com par DF
Nécrologie - Décès de Ameth Amar : La levée du corps a eu lieu à la mosquée du Point E
Dakar, le 26 juillet 2019 - La levée du corps de feu Ameth Amar a eu lieu, ce vendredi 26 juillet 2019, à la Grande mosquée du Point E. Plusieurs personnalités politiques et du milieu des affaires y ont assisté. Photo: Abdoul Latif Coulibaly, ministre, porte-parole du président de la République
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Le journaliste Abdou Latif Coulibaly fait partie des hommes qui ont vécu aux côtés de Babacar Touré, partagé ses combats et réalisé avec lui ses rêves. Dans cet entretien, il revient sur leur première rencontre, la création du groupe Sud et rend hommage à un mentor dont la vie a été utile à la Nation sénégalaise.

Vous vous rappelez votre première rencontre avec Babacar Touré ?
Babacar Touré, si je peux dire, d’abord c’est une rencontre intellectuelle. Je m’explique : J’avais lu un article qu’il avait publié sur l’anthropologue Jean Roux. Quand j’ai lu l’article, j’ai été profondément séduit par le style d’écriture et également par la culture générale du journaliste qui avait fait l’entretien. Et comme je n’avais pas l’habitude de lire son nom dans Le Soleil, je me suis mis à chercher c’était qui ce journaliste-là. Parce que quand vous êtes à l’école de journalisme, vous aimez lire les journaux et retenir des noms de journalistes. J’avais retenu Ndiaga Sylla que j’avais retrouvé comme professeur au Cesti. Mais Babacar Touré parce que quand je suis entré à l’école de journalisme (Cesti), il n’était plus au Soleil, il avait déjà rejoint Enda Tiers-Monde et il avait fait ce travail qu’il avait proposé au Soleil et je l’ai lu. Il se trouve qu’à la même période, j’avais publié une tribune dans le Soleil sur le conflit qui avait opposé à l’époque Thomas Sankara et le staff de la Cao (Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest). Lui-même avait lu cette tribune-là et trouvé pertinent l’article et en avait parlé avec son épouse qui se trouvait être une étudiante à l’époque. J’ai trouvé que sa femme avait fait la Fac de droit avec mon grand frère (Cheikh T. Coulibaly), qui lui a dit ce jeune journaliste, je connais son grand frère avec qui j’ai fait la faculté, mais lui je le connais à peine. Comme ça de fil en aiguille, un jour je suis parti avec des copains au club de la presse, nous étions de jeunes journalistes, donc on aimait bien fréquenter ces lieux où il y avait de grands journalistes. Quand je suis arrivé, je les ai trouvés attablés. Alors Saliou Traoré, paix à son âme, lui a dit : «Vous ne vous connaissez pas ? Latif, c’est Babacar Touré et Babacar, c’est Latif, c’est un jeune journaliste.» Babacar me dit : «Vous êtes le jeune qui a publié récemment dans le Soleil une tribune sur Thomas Sankara ?» J’ai dit : «Oui.» J’ai dit : «Mais c’est vous qui avez réalisé l’interview avec Jean Roux.» Voilà comment notre relation est partie. Et quand je l’ai vu, on a échangé, c’était très agréable. On avait beaucoup parlé de politique, de tout. J’étais curieux d’apprendre auprès de lui beaucoup de choses dans le métier d’abord et comme il se trouve que j’avais également quelques connaissances générales, parce que c’était la base. On a échangé longuement et sur le coup il me dit : «Tu viens me voir dans mon bureau lundi, on va discuter.» Nous étions le vendredi. Aussitôt, le rendez-vous est pris. Moi, je vais le voir lundi, nous étions à deux semaines de l’ouverture des classes. J’arrive, il me dit : «Je prépare un numéro spécial de la revue Vivre autrement (qu’Enda publiait à l’époque). Je souhaiterais que tu me fasses une enquête sur la préparation de l’ouverture des classes de l’année scolaire par les parents, la vente des livres etc.» C’est une enquête que j’ai passé une quinzaine de jours à faire, j’ai rédigé l’enquête, je suis parti lui amener le document. Quand je suis arrivé, il m’a reçu et a pris le document. Il a commencé à le lire. Je savais qu’il approuvait ce que j’avais écrit dans le texte et il en était content. Ensuite il me dit : «Ecoute, nous sommes en train de préparer pour mettre en place un projet important. Je souhaiterais que tu fasses partie de ce projet là quand il va démarrer.» Il m’a expliqué le projet de Sud communication. J’étais enthousiaste, parce qu’à l’époque je faisais des piges au Soleil et à la Pana. Donc sur ces faits, l’engagement est pris, on coordonne et puis comme ça je deviens un de ses jeunes frères. J’étais assidu dans son bureau, je venais, on partait ensemble déjeuner, c’était très agréable avec lui. J’étais à un an de mon départ pour le Canada pour aller faire ma thèse de doctorat. On crée le groupe, mais avant mon départ, j’ai eu le temps de le présenter à mon grand frère qui est à peu près de son âge et ils sont devenus des amis très proches, l’actuel président de la Cour suprême, Cheikh Tidiane Coulibaly. C’est son ami personnel. Donc quand je suis revenu évidemment, j’ai repris mes relations avec lui et j’étais à Sud, mais il me disait : «Ecoute, tu es mon petit frère. C’est ton grand frère qui est mon ami. Il faut bien que tu comprennes les choses.» Donc je suis devenu son petit frère et mon grand frère, c’est son ami. Ils peuvent se parler pendant des jours, ou des semaines. Moi je ne suis pas même pas au courant. Il me dit : «Tu restes à la place du petit frère et moi j’ai mes relations avec mon ami.» J’ai dit : «Je n’ai jamais de problème par rapport à ça.» Et il m’a pris sous son aile. J’ai été le plus jeune membre fondateur de Sud communication. Voilà comment nos relations ont cheminé. J’ai fini ma thèse de doctorat et je suis revenu. J’étais recruté à l’Université, mais j’étais en temps plein à Sud en tant que journaliste.

Quel héritage laisse-t-il au monde médiatique ?
Pour résumer, la pratique, la liberté de pratique du journalisme tel qu’on la connaît aujourd’hui, les gens sont libres de pratiquer, les journalistes ont plus de devoir qu’ils en avaient avant, c’est l’héritage de Babacar Touré. Le paysage médiatique assez fourni en radios et en télévisions, c’est également lui quelque part. Il ne faut pas oublier que la première radio privée du Sénégal, c’est Sud Fm. C’est au prix d’une bataille, vraie bataille qu’il a menée et à ses côtés nous-mêmes. Quand on a installé la radio Sud Fm, il a fallu deux ans pour que Dunya s’en sorte, plus de trois ans pour Walfadjri parce qu’elle est arrivé en 98. La seule radio qui était là, c’était Sud Fm. C’est une bataille épique à l’époque. On avait constitué d’ailleurs sous sa responsabilité une batterie d’avocats pour attaquer le gouvernement à l’époque pour avoir donné une fréquence à Rfi, discriminant ainsi les Sénégalais qui avaient fait la demande depuis des années. Et à la suite d’une audience qu’il a eue avec le Président Diouf, ce dernier a accédé à sa demande. Aujourd’hui, c’est l’un des héritages. Le journalisme tel que nous le connaissons aujourd’hui, nous le pratiquons, c’est grâce à l’œuvre de ce qu’on a appelé les quatre mousquetaires au sein desquels Babacar jouait un rôle très important. C’est une vérité absolue. Mais c’est également aujourd’hui tout ce que Babacar a contribué du point de vue de la formation des jeunes journalistes, de la lutte pour la promotion démocratique au Sénégal et l’apport que les médias ont aujourd’hui par rapport au développement de la presse et de la démocratie. Babacar a été le pionnier quelque part. Parce que les premières élections surveillées au Sénégal et sous contrôle des médias ce sont celles de 1996. Il n’y avait que Sud qui existait comme radio privée et qui faisait la relation des faits au point que son travail avait culminé et abouti à l’annulation d’une partie du scrutin à Dakar, dans au moins quelques quartiers, et la reconnaissance par le gouvernement du Sénégal des fraudes qui ont été engagées à Dakar et crée la mise en place de l’Onel (Observatoire national des élections) qui procède de ce travail à l’époque. Parce que le soir des élections, le lendemain Abdou Diouf a mis en place une commission dirigée par l’administrateur civil Pierre Babacar Kaba. Là également, c’était l’œuvre de la radio privée Sud Fm et c’est une vérité historique. Il est là, le gouverneur de l’époque de Dakar, qui s’est présenté dans les locaux de Sud à 12 h pour nous supplier de lui donner des résultats que nous avons publiés sur nos antennes pour lui permettre d’aller en discuter avec le Premier ministre. Tout cela, c’est des faits d’armes que nous avons par rapport à la lutte démocratique. C’est incontestable.

Quel lien entreteniez-vous avec Babacar Touré ?
Babacar Touré, c’est un frère. Je ne vais pas parler de nos relations personnelles. J’ai parlé de la relation professionnelle, c’est le plus utile pour les Sénégalais. Babacar Touré a 3 qualités essentielles. C’est un homme de vertu, un amoureux de la vérité. C’est un homme déterminé, de courage et très compétent, honnête.

Qu’est-ce qui explique cette unanimité autour de sa personne ?
Ces qualités que je viens de citer. Ce sont elles qui font qu’il y a unanimité autour de la personne, c’est la vérité. Vous chercherez difficilement et dans le corps de la presse et à l’extérieur quelqu’un qui médira de Babacar. S’il le fait, c’est gratuit. Si vous n’êtes pas un homme de vertu, de courage, de détermination, si vous n’êtes pas compétent, ce n’est pas sûr que votre cheminement soit un long chemin. Il a beaucoup apporté à la presse dans ce pays et la presse panafricaine d’ailleurs pas qu’au Sénégal.

Comment les projets Sud Fm et Issic ont-ils vu le jour ?
Il faut savoir que ce qu’on a appelé Sud communication, c’est un projet, mais surtout une vision. Quand je dis vision, Babacar n’a jamais pensé qu’il y avait possibilité de faire une démocratie réelle et authentique dans un pays sans qu’à la base qu’il y ait une presse libre, compétente et engagée. Pendant que le débat international battait son plein pour l’instauration d’un nouvel ordre mondial de la communication engagé par l’Unesco sur la base d’un rapport qui avait été produit par les Britanniques, en Afrique, Babacar Touré et ses amis pensaient qu’il était sans aucun doute juste de poser la problématique de la lutte de la promotion de la démocratie, mais il était tout aussi important qu’il y ait dans nos pays un ordre national de la communication. Donc le mot «Sud» procède de la volonté d’installer dans le Sud, partout dans chaque pays du Sud, un ordre national de la communication. Il s’est battu à ses fins avec son groupe d’abord en le nommant Sud communication et ensuite tous les corps de journalisme : la presse écrite, la radio, la télévision à un moment donné et la mise en place d’une école. Donc c’est à l’origine du projet Sud que tout ça est né. Il faut être très clair par rapport à ça. Il n’y a pas possibilité de détacher l’Issic, la radio, le journal. L’objectif était de produire une information juste à la hauteur des ambitions des Séné­galais.

Avec le recul, auriez-vous pu faire d’autres projets ?
Mais bien sûr, on aurait pu faire d’autres projets, mais nous nous sommes concentrés sur 4 projets qu’on a faits.

Quelles épreuves vous ont marqués dans la marche de Sud ?
Il n’y a pas d’épreuves particulières qui nous ont marqués. C’était un travail qu’on a fait ensemble. Nous aurions pu faire encore davantage. Nous n’avons pas totalement réussi dans le cas de la télévision. Nous n’avons jamais eu la fréquence. Nous en avons demandé, le gouvernement de l’époque pensait qu’on ne devait pas en avoir. On n’en a pas eu. Ça a été pour nous quelque chose d’inacceptable, d’injuste. Je l’ai trouvé très injuste et inacceptable d’ailleurs. Je ne vois pas pourquoi on l’avait fait. Pour moi, ce n’était pas un échec à nous, mais c’était un concours de circonstances particulier, une injustice qui nous a été infligée par un Etat.
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