Les populations de Ndingler veulent récupérer leurs terres. Elles dénoncent, en outre, une tentative de manipulation enclenchée à l’endroit de leurs voisins de Djilakh.
Le litige foncier de Ndingler (commune de Ndiaganiao) n’est toujours pas résolu et les paysans n’ont plus accès à ces terres censées les nourrir. En conférence de presse ce weekend, le Collectif de suivi foncier et d’assistance aux populations de Ndingler a tenu à rappeler à l’opinion publique que ces terres, estimées à 300 hectares, sont cultivées, depuis plus de 50 ans, par les communautés de Ndingler et de Djilakh (commune de Sindia). Deux villages aujourd’hui séparés à cause d’un découpage administratif.
"Djilakh, originellement, faisait partie de la commune de Ndiaganiao avec nous. Mais on nous a séparés. Donc, Djilakh fait maintenant partie de Sindia. On est un même peuple; c’est Dieu qui l’a voulu ainsi. Aujourd’hui, la propagande est passée par là et quelqu’un qui veut avoir raison est capable d’user de tous les moyens pour faire accepter sa vérité. C’est ce qu’a voulu faire Babacar Ngom. Ce qu’il ne sait pas, c’est qu’on a grandi ensemble. On a tout fait ensemble. Cela il ne pourra pas le changer. Nous sommes unis dans cette lutte. Le collectif de Djilakh nous soutient, parce qu’il n’y a jamais eu de problème entre Ndingler et Djilakh. C’est quelqu’un qui veut créer un problème pour légitimer ce qu’il veut faire et cela, on ne va pas l’accepter’’, a martelé l’adjoint au président du Conseil rural de Ndingler, Mamadou Ndiaye.
Aujourd’hui donc, le président fondateur du groupe Sedima serait dans une démarche visant à opposer les deux communautés pour arriver à ses fins. Si ces deux zones rurales sont clairement délimitées, c’est tout le contraire au niveau de leurs terres, car le découpage administratif n’a pas attribué à chaque village une quantité de terres précise. Ces 300 hectares faisaient partie du domaine national (loi de 1964) et ne devaient donc pas faire l’objet de titre foncier. Il va de soi que c’est un revirement de situation difficile à digérer pour des Sénégalais ne vivant que de l’agriculture.
"Il ne faut pas piétiner l’agriculture familiale. C’est une question de survie. Ceux qui restent dans leurs bureaux ici à Dakar pour en parler, devraient venir avec nous visiter Ndingler. Ils se rendraient compte que contrairement à ce qui est dit, il n’y a pas 6 km entre les terres dont nous parlons et le village. Elles se trouvent à peine à 100 mètres. Ces personnes se rendront également compte à quel point nous tenons à ces terres. Babacar Ngom peut aller faire cette activité ailleurs au lieu de venir réclamer des terres dont on connait véritablement l’histoire’’, tranche pour sa part le président du collectif Robane Faye.
Qui poursuit: "Il y a un lien de parenté, des alliances de mariageentre nos deux peuples. Le même esprit, le même combat, la même situation. On travaille en parfaite cohésion. Il n’y a aucune division. Babacar a reconnu qu’il a empiété sur nos terres. Il a même proposé aux paysans 20 millions en échange. Cela ne nous intéresse pas, parce que nous vivons de ces terres. C’est grâce à ces terres que des familles mangent’’.
Pour ces agriculteurs, l’agro-business c’est bien, mais l’agriculture familiale est plus qu’importante. Ils ne comprennent pas le fait qu’on veuille donner la priorité à une seule personne et laisser en rade la population de tout un village. D’autant plus que l’Etat du Sénégal a refusé de leur octroyer des titres fonciers sur des terres qu’ils ont valorisées, en raison de la loi sur le domaine national. De l’avis de Bassirou Ngom, fils de Ndingler, "Babacar Ngom veut transformer tous ces paysans en ouvriers agricoles. Comment comprendre qu’à cause d’une seule personne, on chasse tout un village pour venir faire la même chose, à savoir l’agriculturé Fort de sa position et de sa richesse, il veut tout nous prendre. C’est injuste et inacceptable. Les paysans occupaient ces terres bien avant la loi de 1964 et le problème de délimitation ne saurait déteindre sur les rapports entre les communautés. Un homme d’affaire véreux est en train de manipuler les villageois. Cela ne va pas prospérer. Au pire des cas, il peut se passer une belle jonction entre les deux communautés, mais pas de division sur laquelle Babacar Ngom va surfer pour obtenir l’exploitation de ces terres’’.
"Les populations comptent sur ces terres pour vivre’’
Par ailleurs, le Forum civil s’est engagé aux côtés des déguerpis, pour favoriser un cadre de discussion. "Notre rôle est de faire en sorte que ceux qui sont faibles dans un certain sens puisse s’exprimer et discuter avec les forts. On est à la recherche de solution. Pour ce problème, il y a 300 hectares de terre et 224 hectares en termes de titre foncier. Le contentieux ne porte pas seulement sur les 224 hectares, parce qu’aujourd’hui, aucune autorité ne peut vous dire exactement combien d’hectares dispose telle ou telle partie. Il n’y a pas une délimitation officielle. On a creusé des tranchées pour empêcher la population de Ndingler d’accéder à ces terres et d’accéder à l’autre village. On a montré un plan du site, mais on ne vous dira jamais où se trouve exactement les coordonnées de ce plan. Si on le fait, on verra clairement que là où ils veulent cultiver, les terres appartiennent majoritairement aux populations de Ndingler’’, a expliqué son coordonnateur Birahime Seck.
A l’en croire, les deux collectifs (de Ndingler et Djilakh) réclament les 224 hectares dont dispose Babacar Ngom. "Les objectifs étant les mêmes, il se trouve qu’il y a une volonté de vouloir opposer les populations. Il faut descendre sur le terrain pour voir que les terres que demandent ces populations, c’est leur survie, leur usine de travail, c’est leur micro, leur caméra, c’est leur bus. Elles comptent sur ces terres pour vivre. Si on les prive de cela où est-ce qu’elles vont trouver de quoi se nourrir? Il ne s’agit pas d’une opposition entre l’agro-business et l’agriculture familiale, car les populations de Ndingler sont ouvertes à la discussion. Elles ont répondu à toutes les sollicitations’’, poursuit-il.