Le Sénégal et le Gabon viennent tous deux, de la plus souveraine de manière, d’appliquer la réciprocité envers l’Union Européenne. «Pour la réouverture du ciel aux vols internationaux, le principe de réciprocité sera applicable à tous les Etats ayant pris des mesures à l’encontre du Sénégal», a déclaré Alioune Sarr, le ministre sénégalais du Tourisme et des Transports aériens. Lundi, le président sénégalais, Macky Sall, avait annoncé la réouverture des frontières aériennes de son pays, le 15 juillet prochain.
Le ministre gabonais du Tourisme et du Commerce,Hugues Mbadinga Madiya, estime de son côté que «bien que le gouvernement vient d’annoncer la réouverture du ciel aux vols internationaux, le principe de réciprocité sera applicable à tous les pays ayant pris des mesures à l’encontre du Gabon».
Toutes les compagnies aériennes internationales ont le droit de desservir le Gabon à raison de 2 vols par compagnie et par semaine. Seuls seront autorisés à embarquer aux aéroports du Gabon et à y débarquer, les passagers des vols commerciaux présentant des tests négatifs au COVID-19 effectués cinq jours au moins et dix jours au plus avant la date de débarquement par un centre agréé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
A ce jour, le Sénégal compte 6.925 cas confirmés, dont 116 décès et 4.545 guéris, depuis le 2 mars. Quant au Gabon, il a enregistré 5.513 cas positifs, dont 2.508 guérisons et 42 décès.
Si la réciprocité est un des premiers principes des relations internationales, il va de soi que cette décision, pour être efficace, doit être coordonnée. Pris individuellement, le Sénégal et le Gabon ne peuvent pas contraindre l’Union Européenne à réviser sa position de ne admettre que 4 pays africains (Tunisie, Maroc, Algérie et Rwanda) choisis selon des critères épidémiologiques d’après Bruxelles. Le moindre examen des taux de contamination, de la vitesse de propagation et de la mortalité entre les différents pays africains ne permet pas de confirmer la rationalité d’une telle décision.
Mais là n’est pas le débat. L’Union Européenne est un ensemble de 27 pays qui ne peut être contraint à un bras de fer que par un ensemble équivalent qui a pour nom la CEDEAO ou, mieux encore, l’Union Africaine. Or l’absence du leadership à ces deux niveaux a contraint Macky Sall et Ali Bongo de battre le fer pendant qu’il est chaud. Cela flatte l’égo des citoyens des deux pays mais il s’agit d’actes symboliques qui doivent conduire à une réflexion globale sur le refus du confinement de l’Afrique, contaminée au COVID-19 par cette même Europe et non par la Chine. Les acts de Dakar et de Libreville doivent, pour dépasser l’anecdote, être suivis de négociations à l’échelle régionale ou continentale sur le droit fondamental de la circulation des africains selon le principe de la réciprocité intégrale. Oublier ce droit fondamental, c’est accepter le principe ségrégationniste des visas et trahir la mémoire de Rosa Park. Le commerce international fondé sur l’assignation des africains à domicile ne peut prospérer que si on accepte implicitement que l’africain, du sud du Sahara, est inférieur aux autres. Pour que le Gabon et le Sénégal ne se retrouvent pas dans une impasse, ils doivent coûte que coûte porter leurs courageuses décisions à Addis Abeba.