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« Au Sénégal, le littoral est soumis à des politiques de gestion, parfois contradictoires », dénonce Cheikh Tidiane Wade
Publié le lundi 15 juin 2020  |  vivafrik.com
Erosion
© Autre presse par DR
Erosion côtière : le littoral sénégalais
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« Le littoral est soumis, au Sénégal, à des politiques de gestion, parfois contradictoires, oscillant entre, d’une part, sa colonisation, les diverses possibilités de mise en valeur de ses ressources, et d’autre part, la préservation de sa biodiversité et la protection de ses sites naturels. Le littoral est ainsi source d’enjeux animés par son peuplement, les spéculations foncières, ses multiples fonctions industrielles, portuaires, agricoles, touristiques, etc. Toutes ces activités menacent les espaces littoraux », c’est ainsi que l’Enseignant-chercheur au Département de Géographie ; U.F.R. Sciences et Technologies de l’Université Assane Seck de Ziguinchor a déploré la pression exercé sur le littoral Sénégalais.

A en croire Cheikh Tidiane Wade qui cite (Unesco, 1997), le littoral doit être considéré comme un ensemble, un éco-socio- système. La nécessité d’aborder le littoral comme un tout naît de deux constats s’impose à ses yeux. « Le premier concerne la nature complexe des systèmes générés par l’utilisation humaine des ressources et des espaces naturels. La pêche, l’agriculture, l’élevage, le tourisme, l’urbanisation, génèrent des systèmes d’interfaces qui rendent interdépendantes les dynamiques naturelles et les dynamiques sociales. Les ressources naturelles ne peuvent donc se gérer uniquement à partir de leurs caractéristiques bio-écologiques. Leur usage durable nécessite une large prise en compte des aspects sociaux qui les sous-tendent », a relevé M. Wade qui s’est confié à VivAfrik.

L’expert environnementaliste ajoute que « le deuxième constat est que ces systèmes d’interface s’interagissent à travers les environnements sociaux et naturels qu’ils partagent. Les besoins sectoriels en espaces, en main-d’œuvre, en accessibilité à des ressources particulières se combinent ou s’affrontent et influent nécessairement sur la dynamique de chacun des usages. Ces ajustements et co-évolutions conduisent à l’émergence d’une dynamique globale où aucun secteur ne peut être analysé de façon pertinente indépendamment des autres secteurs qui constituent son environnement ».

Depuis plusieurs semaines au Sénégal, des habitants, des collectifs citoyens et des associations se mobilisent contre la multiplication des constructions sur le littoral de Dakar, la capitale. Nos Observateurs dénoncent un accaparement de la corniche au détriment des habitants et alertent sur les conséquences environnementales de ces projets immobiliers. A cette menace humaine, s’ajoutent d’autres naturelles.

En effet, l’Enseignant-chercheur qui est d’avis que les mesures de lutte contre les effets de l’érosion côtière nécessitent des investissements urgents, précise que « les mouvements du trait de côte et les inondations qui frappent les littoraux mettent gravement en péril les moyens de subsistance et la sécurité des populations, ainsi que l’habitat, le capital naturel et les infrastructures côtières. Des tempêtes de plus en plus fortes et l’élévation du niveau de la mer emportent des habitations dans des localités comme saint Louis et les iles du Saloum et certains coins de la ville de Dakar sont menacés. Des plages sont fragilisées par l’exploitation du sable, la ville de Guediawaye est menacée pour les coupes de la bande de filao, les forêts de mangroves du sud et du delta du saloum sont affectées et les populations sont de plus en plus vulnérables aux conséquences du changement climatique ».

Les parties prenantes impliquées dans la gestion du littoral s’efforcent d’enrayer ces désastres à l’aide d’un ensemble de solutions éprouvées. Il faut retenir que beaucoup d’initiatives ont été mises en œuvre pour gérer l’évolution du trait de côte.

Parmi ces initiatives, le Pr Wade retient la Mission d’Observation du Littoral Ouest Africain (MOLOA), financée par l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et mise en œuvre par le Centre de Suivi Ecologique de Dakar. Se lui, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) MACO a apporté un appui technique, en lien avec le groupe Expert Côtier de la Commission sur la gestion des Ecosystèmes. C’est un mécanisme de coopération régionale pour le suivi du trait de côte et la réduction des risques littoraux en Afrique de l’Ouest qui permettra de diffuser une information de qualité auprès des instances consultatives et décisionnelles existantes (Territoires et Collectivités, Gouvernements, Commission de l’UEMOA, CEDEAO, Convention d’Abidjan, Partenaires au développement, Secrétariats des projets grands écosystèmes marins du Courant de Guinée et du Courant des Canaries).

La Banque mondiale a approuvé une enveloppe de 210 millions de dollars pour sauver le littoral

Au cours de la période 2009 – 2011, l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature à la demande de l’UEMOA, a piloté l’étude de suivi du trait de côte et élaboré le schéma directeur du littoral de l’Afrique de l’ouest (SDLAO). Les résultats du schéma directeur du littoral de l’Afrique de l’ouest ont été présentés lors de la conférence des ministres de l’environnement des onze pays impliqués, qui s’est tenue à Dakar en 2011, a rappelé M. Wade.

Pour qui, « pour sauver le littoral qui supporte une bonne partie de nos économies, le Groupe de la Banque mondiale a approuvé, en 2018, une enveloppe de 210 millions de dollars pour le financement d’un projet régional destiné à renforcer la résilience des habitants du littoral de six pays d’Afrique de l’Ouest : Bénin, Côte d’Ivoire, Mauritanie, Sao Tomé-et-Principe, Sénégal et Togo.

« Ce Projet d’investissement dans la résilience est mené dans le cadre du Programme de gestion du littoral ouest-africain (WACA) et piloté par les pays qui en bénéficient. Au Sénégal, le projet est géré par le centre de suivi écologique. Il a pour objectif de promouvoir diverses mesures de lutte contre l’érosion côtière : fixation des dunes, restauration de zones humides et de mangroves, rechargement des plages et construction d’ouvrages de protection et de digues. C’est une réponse collective au besoin urgent de lutter contre la dégradation du littoral selon une approche régionale et intégrée », a-t-il noté.

Afin d’attirer davantage d’investisseurs et d’assurer un financement durable, le projet apportera une assistance technique pour la mise en place de processus d’aménagement du territoire intégrés au niveau régional, a encore renchérit Cheikh Tidiane Wade.

« Malgré ces nombreuses initiatives, il est urgent que les partenaires mobilisent davantage des financements par le biais d’une action régionale coordonnée. En collaborant et en coordonnant leur action sur le plan politique et technique, les pays seront mieux armés pour atténuer les effets des changements climatiques et de l’occupation illégale du littoral », a poursuivi M. Wade. Qui invite à « bien utiliser des instruments juridiques solides et revisiter la loi sur le littoral ».

Pour l’Enseignant-chercheur, les collectivités territoriales doivent intégrer le changement climatique comme une dimension transversale dans leur stratégie de lutte pour la préservation du littoral.



Moctar FCOU
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