Le ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation espère sauver ce qui peut encore l’être à l’université Assane Seck de Ziguinchor (UASZ). Mais pour la chargée de communication du Bureau national du Syndicat autonome de l’enseignement supérieur (SAES) le retard accumulé est abyssal et difficile à combler. Entretien…
Le ministre de l’Enseignement supérieur a annoncé la poursuite de l’enseignement en ligne dans le supérieur. Etes-vous en phase avec cette décision ?
Le Saes avait donné son avis par rapport à une reprise des cours en ligne, en rappelant qu’il ne fallait pas perdre de vue que les universités fonctionnent à des vitesses différentes. Il avait bien demandé au ministère de faire en sorte que les décisions sur les cours à distance et l’enseignement en ligne émanent des instances délibérantes. Si beaucoup de facultés à l’Ucad et d’UFR à l’UGB avaient pratiquement bouclé leur premier semestre, c’est logique qu’elles cherchent à sauver leur année. D’autant plus que dans le système LMD, l’on raisonne en termes de semestre plutôt que d’année. Donc, pourquoi reprendre les enseignements et évaluations qui ont été déjà effectués ?
Après la communication du ministère de l’Enseignement supérieur, j’ai compris que les instances de la majorité des universités ont décidé de la poursuite des enseignements en ligne suivant les plateformes qui ont été installées. C’est une décision qui peut être salutaire pour certains. Cependant, l’université Assane Seck de Ziguinchor n’est pas encore à ce niveau. Et je pense que le ministre en a bien conscience.
Comment cela s’est passé pour l’Assemblée de l’université Assane Seck ?
La proposition du ministère était de reprendre les cours entre le 2 et le 14 juin. Les conseils d’administration et assemblées des universités se sont réunis pour trancher. A Ziguinchor, nous avons un conseil d’administration qui n’a même pas pu se réunir. Le conseil d’administration n’existe plus. Les mandats de conseillers sont arrivés à terme et n’ont pas été renouvelés. Mais les départements et UFR ont donné leurs avis en disant qu’il est impossible de faire cours dans la région, entre juillet et septembre, puisque la pluviométrie ne le permet pas. La situation de cette université est particulière. Les difficultés de fonctionnement y sont antérieures à la pandémie de Covid-19.
Y a-t-il encore des possibilités de sauver l’année, lorsqu’on connait le retard accusé par l’université de Ziguinchor ?
Cela va être très difficile, parce qu’un semestre est dispensé sur 12 semaines. L’université Assane Seck n’a fait que deux semaines de cours. Une année académique commence en octobre et se termine en juillet. Même si l’on cherche à faire des efforts pour continuer les enseignements, à Ziguinchor, au meilleur des cas, la rentrée aura lieu au mois d’octobre. Et je ne vois pas comment, entre octobre et janvier, on va pouvoir faire 24 semaines de cours. Je ne dis pas que s’est impossible, car je ne maitrise pas toutes les options du ministère. Maintenant, quels enseignements on va reprendre ? Si on revient en octobre, c’est pour commencer l’année 2019-2020 ou bien l’année 2020-2021 ? C’est là la discussion qu’il faut poser. Mais, en tant que coordonnatrice du Saes de Ziguinchor, je propose une large concertation regroupant tous les acteurs de l’université. Je veux dire les enseignants-chercheurs, les étudiants, les partenaires sociaux, l’administration rectorale et celle du ministère, etc. Que tous ce beau monde puisse se retrouver autour d’une table pour trouver une solution aux problèmes que traverse l’université Assane Seck de Ziguinchor. Mettons la période actuelle à profit pour régler les problèmes qui étaient là avant la Covid-19.
Quels sont ces problèmes auxquels vous faites allusion ?
Des chantiers qui devraient être livrés depuis 2016 ne le sont toujours pas. On n’a pas de salle de cours, tout en ayant des surcharges de travail. Par exemple, on m’a donné un emploi du temps contenant 36 heures de cours, alors que normalement, je dois en avoir 6. Et je ne suis pas un cas isolé. Même si j’arrive à trouver des enseignés pour dispenser des travaux dirigés (TD) où pourront-ils le faire ? Les autorités ont changé le top management de l’université en remplaçant le recteur et le directeur du Crous. Peut-être qu’avec ce sang neuf, l’espoir est permis.
Même les cours en ligne ne peuvent pas être assurés ?
Cela risque d’être compliqué. On avait une direction de la formation directe et à distance. Au moment où les autres universités en faisaient un institut, l’ancien recteur de l’université Assane Seck en a fait un service. Les enseignants n’étaient pas formés, ni outillés pour dispenser ces cours à distance. Ce n’est pas comme Dakar où les départements ont de blogs où ils mettent des cours que les étudiants peuvent consulter. Même si la volonté est là, ce n’est pas encore possible de commencer des cours à distance.
Dans sa communication, le ministre a annoncé sa disponibilité à accompagner l’université Assane Seck pour éviter l’année blanche…
C’est rassurant de l’entendre parler ainsi. Mais cela nécessite d’abord la concertation dont j’ai parlé. Je reste convaincue qu’on peut trouver des solutions, car nous sommes tous des patriotes qui voulons œuvrer pour le bien de leur pays.