Ils disposent d’un sous-sol riche, hébergeant d’immenses ressources minérales, mais leurs secteurs miniers ne contribuent encore que faiblement (ou pas du tout) à l’économie. Nombreux sont ces pays africains qui n’arrivent toujours pas à valoriser leur important potentiel minier. Les raisons varient entre un manque de volonté politique et l’absence de mesures efficaces pour attirer les investisseurs. Zoom sur le Sénégal, un pays avec une longue tradition d’exploitation minière, mais où des efforts sont encore nécessaires afin de faire du secteur un véritable levier de développement.
La contribution du secteur minier à l’économie sénégalaise
Selon le dernier rapport ITIE (Initiative pour la transparence dans les industries extractives) publié en décembre dernier, le secteur minier sénégalais a généré des revenus de 111,9 milliards FCFA, soit 93% des revenus du secteur extractif. Cela représente une légère hausse par rapport aux 105,2 milliards FCFA de 2017 et 105,9 milliards de 2016. Le secteur minier reste, apprend-on, le premier contributeur au revenu extractif, entrant dans le budget de l’Etat avec un total de 104,3 milliards FCFA soit 94,7% des recettes provenant du secteur extractif, suivi du secteur pétrolier avec une contribution totale de 5,8 milliards FCFA représentant 5,3%.
L’analyse réalisée par ITIE Sénégal montre que le poids du secteur extractif est surtout perceptible à travers son effet positif sur la balance des paiements tandis que sa contribution au PIB ou à l’emploi reste marginale (voir figure). Le Sénégal a exporté plus de 671 milliards FCFA de produits miniers en 2018, chiffre principalement porté par l’or, le zircon, les phosphates et produits dérivés des phosphates.
Les principaux projets miniers évoqués dans le rapport comprennent, entre autres, les phosphates d’alumine de Pallo et Lam-Lam, les phosphates de Matam, le projet Baobab (géré par Avenira), l’or de Sabodala (opéré par Teranga Gold) et Mako (opéré par Resolute Mining). Il faut également citer l’exploitation de zircon de Grande Côte, ou des minéraux lourds à Grandiol.
En plus des mines industrielles, il faut noter également l’exploitation artisanale de l’or qui se fait essentiellement dans les régions de Kédougou et de Tambacounda. L’activité d’orpaillage a produit en 2017, 4,3 tonnes d’or, dont 4 tonnes pour l’orpaillage pratiqué dans l’activité d’extraction du minerai d’or et 341 kilogrammes d’or pour l’orpaillage alluvionnaire. La production en valeur de l’or est de 86,6 milliards FCFA.
Un secteur minier vieux, mais largement sous-exploité
Le sous-sol sénégalais recèle d’importantes ressources naturelles encore sous-exploitées. Quand on évoque les Mines et Carrières du Sénégal, l’on pense d’abord aux phosphates puis au calcaire. En effet, le développement de l’industrie minière sénégalaise remonte à la période coloniale (années 1940-1950) avec les mines de phosphate de Taiba et à Lam-Lam dans la région de Thiès.
En effet, le développement de l’industrie minière sénégalaise remonte à la période coloniale (années 1940-1950) avec les mines de phosphate de Taiba et à Lam-Lam dans la région de Thiès.
Devenu indépendant, le pays a pu compter sur ces deux gisements afin d’asseoir son économie et faire rentrer des devises. Fleuron de l’industrie minière, la production totale de phosphates se situait entre 1 et 2 millions de tonnes, des années 1970 aux années 2000. Le phosphate extrait est transformé sur place en produit fini, notamment acide phosphorique et engrais destinés ensuite à l’exportation. Aujourd’hui, le Sénégal produit un peu moins de 2 millions de tonnes de phosphates. Avec l’explosion de la demande de fertilisants dans le secteur agricole africain et la découverte de nouveaux gisements, dont celle de Piré Goureye (19 millions de tonnes de ressources), le secteur a encore de beaux jours devant lui.
Parallèlement, l’exploitation du calcaire, utilisé pour produire du ciment, dure depuis plusieurs décennies. Il existe au Sénégal d’importants gisements de calcaires paléocènes situés entre Mbour au Sud et Pout au Nord, mais également dans la région de Thiès. La première cimenterie d’Afrique de l’Ouest est en activité dans le pays depuis 1948, selon la Chambre des Mines. Cette production est destinée à l’industrie du BTP sénégalais, mais aussi ouest-africain. Sont présents dans le pays de grandes compagnies comme la Société ouest-africaine des ciments (SOCOCIM), filiale du groupe français VICAT, les Cimenteries du Sahel (CDS) et le groupe du milliardaire nigérian Aliko Dangote.
S’il convient d’ajouter des produits comme l’or et le zircon, pour lesquels les exploitations sont plus récentes, il est à noter que le potentiel du sous-sol sénégalais va au-delà de tous ces éléments. Le pays dispose d’une grande diversité de substances minérales allant des métaux précieux aux métaux de base.
Le pays dispose d’une grande diversité de substances minérales allant des métaux précieux aux métaux de base.
Dans le secteur des métaux de base par exemple, outre le cuivre, le chrome et le nickel, le pays possède de grands gisements de minerai de fer, dont celui de Falémé hébergeant une ressource totale estimée à 750 millions de tonnes, restée inexploitée depuis des décennies. Par ailleurs, les minéraux lourds sont également l’une des grandes richesses du pays qui abrite l’une des plus grandes mines de zircon au monde.
Sur la bonne voie pour concrétiser le potentiel du secteur
En dehors des phosphates et du calcaire, les grandes richesses minérales du Sénégal ont longtemps été négligées jusqu’à l’élection de Macky Sall. Ce géologue de formation, ministre des Mines entre 2002 et 2003, prend certainement conscience de la sous-exploitation du secteur, qui devrait pourtant être un levier de développement pour le pays.
Le programme gouvernemental intitulé « Plan Sénégal Emergent » (PSE) qu’il lance quelque temps après son élection promeut divers aspects de l’économie sénégalaise, dont les mines. Ce secteur figure parmi les six secteurs prioritaires retenus pour améliorer le taux de croissance du produit intérieur brut. Le Sénégal entend produire dès 2020, et ceci annuellement, 15 millions à 20 millions de tonnes de minerai de fer, environ 2,5 millions de tonnes de phosphates, 3 millions de tonnes d’acide phosphorique, 17 tonnes d’or et 90 000 tonnes de zircon.
Le Sénégal entend produire dès 2020, et ceci annuellement, 15 millions à 20 millions de tonnes de minerai de fer, environ 2,5 millions de tonnes de phosphates, 3 millions de tonnes d’acide phosphorique, 17 tonnes d’or et 90 000 tonnes de zircon.
Pour atteindre cet objectif, diverses initiatives ont été prises notamment dans le cadre de la réglementation minière. Alors que les codes miniers africains sont régulièrement pointés du doigt pour leur rigidité et l’entrave qu’ils constituent à l’investissement dans le secteur, le Sénégal a révisé le sien en 2016.
« Le nouveau code minier vise à renforcer le partenariat gagnant-gagnant, de manière à créer un environnement minier favorable au développement économique durable. Ce code crée un environnement qui assure un équilibre entre la nécessité de mettre en place des mesures incitatives pour attirer, sécuriser et rentabiliser les investissements et la nécessité de prendre davantage en compte les intérêts de l’Etat et des populations », déclarait le Premier ministre Mahammed Dionne, à l’ouverture du 4e Salon International des Mines (SIM) en 2016.
Toutes les actions menées par l’Etat sénégalais, tant pour la transparence que pour la bonne gouvernance du secteur minier, si elles peuvent encore être améliorées, commencent par porter des fruits. L’industrie minière sénégalaise s’anime ces dernières années avec l’arrivée ou le démarrage des activités de plusieurs nouvelles compagnies. A titre d’illustration, la société Grandes Côte Opérations a démarré l’exploitation du zircon au Sénégal avec la mine de Diogo dans la région de Thiès. Il s’agit, en importance, de la 3e mine de zircon et d’ilménite au monde et elle devrait représenter 7% de la production mondiale, selon les estimations. Teranga Gold, qui a longtemps été la seule compagnie active sur l’or au Sénégal, a récemment acquis auprès de Barrick le projet Massawa, dans lequel il voit des opportunités de synergies avec sa mine Sabodala. Citons encore d’autres grandes compagnies étrangères comme le canadien Iamgold ou l’australien Resolute Mining, actives sur des projets aurifères à divers niveaux d’avancement.