Le chef de l’Etat veut prendre des mesures sévères, face à l’évolution du coronavirus, notamment avec la multiplication des cas communautaires. Sur le plateau de France24, hier, il s’est également désolé de la polémique qui entoure le transport des produits alimentaires.
Situation de la pandémie au Sénégal
‘’Au moment où nous parlons, nous sommes à 341 personnes infectées. On vient d’enregistrer le 3e cas de décès et plus de 192 personnes sont sorties de l’hôpital. C’est un chiffre assez positif, si l’on considère le rythme de la propagation de la maladie et surtout le taux de décès dans la plupart des pays. Une combinaison de facteurs pourrait expliquer cela. Il y a d’abord la prise en charge précoce dans le milieu hospitalier ; nous avons un dispositif d’alerte, de coordination et d’identification de contacts et de malades. Et tous les contacts sont en confinement total dans des établissements hôteliers. Tous les malades sont à l’hôpital, bien entendu en confinement.
Le traitement a certainement impacté sur ce taux. Je sais que nos professionnels de la santé ont décidé assez rapidement de mettre en place un certain nombre de protocoles qui fait débat ailleurs, en particulier l’utilisation de l’hydroxychloroquine qui est combiné à l’Azithromycine. Je pense que cela a certainement joué. Ensuite, nous avons une population relativement jeune ; c’est le propre de l’Afrique. Peut-être que la précocité des mesures d’endiguement ainsi que la prise en charge dans les établissements hospitaliers, combinée avec tous cela peut expliquer ces résultats.’’
Utilisation de la chloroquine et ses risques
‘’Il faut dire que l’utilisation de la chloroquine se fait en milieu médical. Il ne s’agit pas d’automédication et les professionnels ont décidé d’appliquer cette molécule, dès l’apparition des premiers symptômes, avant que l’on ne soit dans les cas critiques. Aujourd’hui, on parle d’urgence sanitaire, il y a la pandémie qui fait des ravages. Je crois que pour les personnels qui ont des malades entre les mains et doivent les soigner, alors que la chloroquine a fait des résultats importants, le débat peut se poursuivre.
Le plus important est de guérir les malades. Si l’on considère le bienfait de cette molécule par rapport au risque, en tout cas en Afrique, la balance pèserait plutôt du côté des bienfaits. En Afrique, on connait bien la chloroquine, à travers sa version nivaquine que nous avons tous consommée en grande quantité dans notre jeunesse, dans les écoles. C’était des moyens de prophylaxie contre le paludisme. On peut toujours parler des effets, mais pour le moment, nous avons un taux de guérison remarquable. Le nombre de guéris a dépassé le nombre de malades dans les hôpitaux. La courbe progresse. Il nous faut arriver à maitriser l’autre problème majeur que nous avons, qui est la contamination communautaire qui ne relie pas le malade à des cas connus. C’est le plus grand risque pour nous. Et nous allons prendre des mesures pour contenir cette propagation communautaire.
‘’Je dois saluer le travail du professeur Didier Raoult et je suis d’autant plus heureux qu’il soit un natif du Sénégal. Et je pense d’ailleurs qu’il continue de travailler avec nos scientifiques à travers nos laboratoires. Pour une crise comme celle-là, nous pouvons d’abord voir ce qui soigne les malades et après, la polémique pourra se poursuivre. On peut se passer de certains protocoles en période d’urgence.’’
Stratégie des préventions du Sénégal
‘’Le Sénégal a fait, dès le départ, le choix de prendre des mesures graduelles, de suivre l’évolution de la maladie et d’adapter ses réponses aux résultats obtenus. Ce qui fait que la première mesure a été la fermeture des frontières, alors que nous étions à moins de 20 cas. Ce qui fait qu’aujourd’hui, nous n’avons aucun cas importé. Ensuite, nous sommes passés à l’Etat d’urgence et au couvre-feu de 20 h à 6 h du matin. Certainement avec les nouveaux cas communautaires, nous allons réajuster les horaires du couvre-feu, peut-être remonter un peu plus, démarrer vers 18 h et finir un peu plus tard vers 7 h du matin. Ensuite, la communication au niveau des communautés est très importante. Si tous cela ne suffit pas en fonction de l’évolution, nous n’excluons pas de prendre des mesures plus fortes. En attendant, j’avais souhaité d’abord confiner totalement tous les contacts et que tous les malades soient confinés, dès lors qu’ils sont en milieu hospitalier plutôt que de confiner toute la population. Si demain on devrait y arriver, on le fera. Considérant ce qui est en cours, je pense que nous pourrons y arriver sans le confinement total.’’
Annulation de la dette africaine
‘’Je dois me réjouir de cet effort préliminaire du G20. Depuis le 25 mars, j’ai lancé un appel, depuis Dakar, pour une annulation de la dette publique et un rééchelonnement de la dette africaine. En créant mon plan de riposte, j’ai constaté que si le paiement des intérêts était différé, cela me donnait la moitié du montant nécessaire à ce plan qui est à 1 000 milliards de francs CFA. Rien que le paiement des intérêts de la dette sur l’année représentait, pour le Sénégal, prêt de 500 à 580 milliards de francs ; c’est un peu moins d’un milliard de dollars.
Nous avons considéré que, d’une manière générale, une pandémie comme la Covid-19 appelle à une mobilisation générale. Nous sommes dans un monde où la solidarité doit jouer. Ceux qui ont déjà réagi positivement comme le président Macron, comme Sa Sainteté le Pape François, nous ont réconfortés. Même les institutions multilatérales comme le Fonds monétaire et la Banque mondiale ont été cette fois à la pointe du combat. Le rééchelonnement est une chose. Il faut aller au-delà et être courageux. J’appelle les collègues chefs d’Etat à aller vers de véritables réformes. Je suis convaincu qu’après la Covid-19, il faudra un nouvel ordre mondial qui pourra renforcer la résilience de tous les pays. Si cette maladie reste quelque part dans un village quelconque du Sénégal ou d’ailleurs, c’est toute la communauté mondiale qui est menacée. La résilience de notre système de santé mérite cette première opération afin de faire face à la lutte. Il y a les conséquences dramatiques de la Covid-19 sur l’emploi et c’est cela qui doit amener tout le monde à agir dans ce sens.’’
La faisabilité de cette annulation
‘’C’est plus que réaliste ; 365 milliards de dollars, c’est certes important, mais qu’est-ce que cela représente par rapport aux milliers de dollars qui font l’objet de transaction par jour ? Je pense que le moment de s’arrêter un peu est venu. Est-ce que nous sommes là à courir derrière des gains astronomiques ? Où nous devons être capables lorsque la maladie frappe… On a besoin de solidarité pour l’humanité ; 365 milliards de dollars n’est pas, en mon sens, quelque chose d’insurmontable pour des pays donateurs comme ceux du G20. Ils peuvent, à mon avis, avec des mécanismes, travailler sur des modalités qui ne handicaperont pas les pays donateurs et qui permettraient à l’Afrique de faire face honorablement et dignement et d’être un membre entier de la communauté mondiale.’’
Polémique sur le transport de l’aide alimentaire
‘’Ce qui est regrettable, c’est que, lorsque nous nous attaquons des sujets d’importance, qu’on veuille nous ramener à des querelles de bas étage. Au moment où nous parlons de l’annulation de la dette, où nos pays on fait l’effort de mettre sur pied des plans de riposte, de préserver les emplois face à la crise pour soutenir les entreprises, qu’on nous ramène vers un débat de transport de vivres et que cela puisse être relayé à ce niveau. J’en suis très désolé. De plus en plus, au Sénégal, nous avons des appuis budgétaires qui sont des interventions directement sur la commande publique, que les règles de gestion sont connues, mais également toutes les mesures de contrôle, que ce soit de la Cour des comptes ou de l’Inspection générale d’Etat sont à pied d’œuvre.
Maintenant, le débat politicien veut nous faire perdre du temps. Je ne veux pas descendre à ce niveau. Je peux simplement dire que tous sera mis en œuvre, d’autant plus que le comité de pilotage sera dirigé par une personnalité indépendante, avec le Parlement dans ses différentes composantes, la société civile, l’opposition… tout le monde sera représenté. Donc, je pense que tout sera extrêmement clair et transparent au Sénégal, notamment dans l’aide qui n’est qu’une portion. C’est juste 69 milliards sur les 1 000 milliards, mais sur toute la panoplie de l’appui à la diaspora, l’accompagnement de la résilience économique des entreprises et toutes les mesures qui seront faites le seront dans l’absolue transparence.’’