Le paiement des services de la dette est ajourné pour l’Afrique. Une mesure satisfaisante, selon l’économiste Tidiane Thiam, qui craint toutefois une facture salée en 2021.
Le G20 a approuvé le moratoire visant à suspendre le remboursement des services de la dette africaine, autrement dit les intérêts. Un moyen rapide, selon le Franco-ivoirien Tidiane Thiam, pour les Etats de disposer de liquidités en faveur de la lutte contre la pandémie. ‘’Les gouvernements auront immédiatement des ressources et pourront mettre de l’argent sur le terrain au profit des populations, plutôt que d’attendre des décaissements qui mettront des semaines à arriver. On parle de 44 milliards de dollars d’économie qui serviront à des dépenses dans le domaine de la santé. L’Afrique doit tout faire pour éviter un grand nombre de malades, tester, dépister, identifier les cas contacts, les isoler et les traiter’’, a-t-il hier déclaré sur les ondes de RFI.
L’ancien ministre ivoirien du Plan est, en effet, l’un des quatre envoyés spéciaux (avec Dr Ngozi Okonjo-Iweala, Dr Donald Kaberuka et Trevor Manuel) nommés par l’Union africaine pour mobiliser et coordonner l’aide internationale à destination de l’Afrique. S’il admet que ce moratoire est un ‘’ballon d’oxygène’’, l’annulation de la dette africaine, par contre, est, de son point de vue, peu probable.
‘’La dette en Afrique a beaucoup augmenté avec un ratio de dette sur PIB d’environ 108 % avant le coronavirus. Aujourd’hui, à cause de la pandémie, les recettes baissent, donc on va arriver rapidement à 150 %. Ainsi, nous sommes partis d’une situation qui n’est pas très favorable. Il est clair qu’il y a des pays qui seront sous pression et où il va falloir envisager des remises ou des annulations de dette. Je pense que ce problème est réel et doit être analysé au cas par cas, car la situation est différente dans chaque pays’’, a-t-il ajouté.
En outre, la dette, n’étant pas annulée, sera plus salée en 2021, en raison de l’accumulation des non remboursements. Pis, les intérêts seront majorés, l’an prochain, voire insoutenables.
Toutefois, l’économiste reste convaincu que cette suspension est une solution pragmatique, parce qu’il y a urgence. ‘’Nous sommes face à une crise urgente. Tous les jours, il y a des gens qui meurent de Covid-19. Deux jours d’attente équivalent à un doublement du nombre total de morts. Il y a un sentiment d’urgence, depuis qu’on a commencé ce travail. Donc, cette suspension nous laisse le temps de prendre des mesures permanentes pour traiter la question de la dette et avoir une restructuration nécessaire. Il y a eu une campagne intense dans ce sens. L’essentiel, dans la vie, est d’abord de ne point mourir’’, a-t-il précisé.
L’économiste a d’ailleurs bon espoir que la Chine va participer à cet effort de solidarité, en tant que partenaire principal économique et financier de l’Afrique. Par ailleurs, en plus de l’engagement des chefs d’Etat africains d’assurer la transparence dans la distribution de l’aide internationale, la technologie sera de mise pour éviter toute malversation. Selon Tidiane Thiam, au Kenya, les fonds destinés aux populations sont versés via le système mobile money et l’Etat a annulé tous les frais et taxes affiliés.