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Situation des travailleurs dans certains secteurs: Au bord de l’effondrement social
Publié le vendredi 10 avril 2020  |  Enquête Plus
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© aDakar.com par SB
Des lignes de bus Tata observent un mot d`ordre de grève
Dakar, le 21 octobre 2019 - Des lignes de bus de transport urbain (Bus Tata) ont démarré, ce lundi un mot d`ordre de grève. Chauffeurs et receveurs dénoncent leurs mauvaises conditions de travail.
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En plus des 138 patients cloués sur leur lit d’hôpital, des centaines de suspects mis en quarantaine, des milliers de personnes obligées de se terrer chez eux, la pandémie de Covid-19, en 1 mois seulement, a envoyé près de 100 000 personnes du secteur touristique au chômage technique ou en congé. Les pouvoirs publics, qui s’inquiètent de la situation des travailleurs, tentent de sauver ce qui peut encore l’être.

Une bombe sociale. À tout moment, elle peut exploser. Et les dégâts, craignent certains experts, risquent d’être plus dévastateurs que ceux causés par la Covid-19 au plan strictement sanitaire. Et comme d’habitude, les travailleurs risquent d’être les principaux perdants de cette crise exceptionnelle. L’Etat semble en être bien conscient.

En Conseil des ministres, mercredi dernier, le gouvernement évoquait des études déjà en cours pour évaluer l’impact de la pandémie sur le monde du travail. À en croire les services du ministère en charge du Travail, la crise aura forcément un grand impact sur plusieurs secteurs de l’économie nationale et sur l’emploi. ‘’Cette pandémie va manifestement affecter le monde du travail. C’est déjà le cas pour certains secteurs tels que le transport, l’hôtellerie ou la restauration. Il va y avoir un effet de chaîne… ‘’, prévient le ministre Samba Sy.

D’ores et déjà, les cellules de crise se multiplient dans les différents départements ministériels. Au ministère du Tourisme et des Transports aériens, on semble déjà se préparer au pire. Mouhamadou Faouzou Dème, Président du comité de crise dans ledit ministère, déclare : ‘’Le constat est que les entreprises, dans le secteur touristique, sont totalement à l’arrêt. Ce qui aura forcément des répercussions sur l’emploi. Vous savez, le tourisme est un secteur transversal. Qui parle de tourisme parle de bâtiment, d’hébergement, de nourriture, de déplacement, de visite, d’artisanat… S’il n’y a pas d’activité, tous ces secteurs en pâtissent. C’est pourquoi l’Etat est totalement mobilisé pour mettre en place une stratégie pour faire face.’’

Chez les transporteurs, le constat est presque identique. Selon le président d’Aftu, Mbaye Amar, aujourd’hui, leur activité fonctionne à seulement 20 %, même pas suffisamment pour permettre d’acheter du gasoil, constate-t-il pour s’en désoler. ‘’Imaginez, d’habitude, rien que les places assises étaient au nombre de 29 ; les places debout entre 30 et 50 personnes. Avec la crise, nous sommes obligés de nous limiter de 12 à 14 places. Vous imaginez le manque à gagner ? C’est énorme. Jusque-là, nous essayons de payer nos employés. Mais nous allons inéluctablement vers des chômages techniques, si la crise perdure’’.

A en croire Djibril Ndiaye, membre du Conseil d’administration d’Aftu, le préjudice est inestimable. Mais le comité de crise mis en place par la tutelle est en train de procéder aux évaluations.

Pour le gouvernement, l’objectif de ces comités de crise montés par les ministères, est double. D’une part, il s’agira de préserver l’outil de production, d’autre part, de sauvegarder les intérêts des travailleurs.

En effet, rien que le secteur touristique compte plus de 100 000 emplois permanents et 21 000 emplois temporaires, pour un chiffre d’affaires de 400 milliards de F CFA par an, selon les statistiques de 2011 rapportées par Faouzou Dème, également conseiller du ministre Aliou Sarr. Par rapport au produit intérieur brut, c’est un poids non négligeable de 7,5 à 8 %. En ce qui concerne le transport, c’est plus de 7 000 emplois, rien que pour Aftu, souligne Mbaye Amar, sans compter les autres branches du transport en commun (taxi jaune-noir, ‘’Ndiaga Ndiaye’’, ‘’car rapide’’, ‘’clando’’…). Soit des milliers et des milliers de pères de famille qui, d’un jour à l’autre, risquent de se retrouver sans revenus et qui lancent des appels de détresse.

Solution médiane pour amortir le choc

Pour amortir le choc, la plupart des acteurs, dans le tourisme et les transports, ont jusque-là opté pour une solution médiane. Le président du Comité de crise au ministère du Tourisme revient sur le schéma pour limiter les dégâts dans ledit secteur. ‘’Pour le moment, il n’y a pas encore de licenciements, à ma connaissance. Certains employeurs ont opté pour le chômage technique des personnels ; d’autres ont décidé d’envoyer leurs personnels en congé chômé et payé. Parmi ceux qui ont envoyé leurs employés au chômage technique, il y en a qui vont les payer totalement ; d’autres vont payer 50 % des salaires, selon les accords trouvés avec les délégués. L’Etat va accompagner le secteur, qui est très résilient, à faire face à cette situation exceptionnelle’’, promet M. Dème.

En tout cas, chez les patrons du secteur touristique, l’heure est plus à l’évaluation des dégâts. Et les projections n’augurent rien de bon. Plus de 1 300 entreprises dont 915 réceptifs hôteliers menacent de mettre la clé sous le paillasson ; des milliers et des milliers d’emplois menacés… Déjà, c’est un préjudice de 230 milliards qui a été enregistré.

Secrétaire permanent du Syndicat patronal de l’industrie hôtelière, Moustapha Kane constate, avec impuissance : ‘’La situation est désastreuse. Le secteur est presque à terre et on ne verra pas le bout du tunnel, d’ici trois à quatre mois. Encore qu’à la fin, ce sera déjà la fin de la saison touristique dans beaucoup de zones. Naturellement, c’est les couches vulnérables qui vont en souffrir le plus. Sans activité, nous ne pouvons payer des salaires.’’

Et le pire n’est pas à écarter, si l’on en croit Medoune Gaye des Agences de voyages. Il déclare : ‘’Tous les emplois sont menacés. Tout dépendra de ce qui va se passer. Espérons que ça soit résolu, dans les plus brefs délais. Nous n’avons presque aucune recette. Nous sommes tous dans la même barque’’.

En ce qui concerne les syndicalistes, on ne parle pas le même langage. Tandis que certains bénissent le ‘’plan Marshall’’ noué entre le patronat et l’Etat, d’autres ruent dans les brancards et dénoncent tout accord qui débaucherait sur le non-paiement, total ou partiel, des salaires. Pape Beranger Ngome, Président de l’Association des professionnels de l’hôtellerie et de la restauration du Sénégal, dénonce : ‘’On ne veut surtout pas entendre parler de chômage technique. Nous sommes foncièrement contre. Pour nous, le patronat est allé trop vite en besogne, en disant qu’il paie 50 % des salaires d’avril et de mai. Il y a des hôtels qui font 12 milliards de chiffre d’affaires. Ils ont dû faire des économies. Ils n’ont qu’à faire des sacrifices et supporter le manque à gagner. Nous sommes contre tout chômage technique.’’

Selon lui, il n’y a pas péril en la demeure ; le secteur va se relever de cette crise. Le syndicaliste demande, en outre, à l’Etat d’être regardant sur l’aide financière à apporter au secteur.

Il faut souligner que ce mal-être, qui frappe de plein fouet les secteurs touristiques et du transport, n’écarte presque aucun domaine d’activité. Partout dans le monde, les gouvernements sont confrontés à un dilemme cornélien. D’une part, confiner toute ou grande partie de la population pour limiter la propagation de la maladie ; d’autre part, privilégier le fonctionnement de l’économie pour sauver notamment des emplois. Au Sénégal, malgré les recommandations de certains spécialistes, l’Etat a opté pour une solution hybride.

Le coup de massue infligé par les banques

En plus de devoir faire face à un gouffre sans fin, l’industrie touristique est aussi confrontée à l’intransigeance des banques. Sans foi ni loi, certaines n’ont trouvé rien de mieux que de ruer vers leurs débitrices en cessation de paiement. Pour les acteurs touristiques, l’Etat doit tout faire pour un report des échéances au niveau des établissements de crédit. ‘’Il ne faut pas laisser les entreprises à la merci des banques. Ces dernières devraient savoir que la situation actuelle est difficile pour tout le monde. Moralement, c’est intolérable de bloquer les comptes d’une entreprise, en ces temps de crise. Nous demandons à l’Etat et à la Banque centrale de prendre leurs responsabilités’’.

Très en colère, il estime qu’il est temps que l’Etat crée une banque dédiée, car les banques commerciales ne sont pas appropriées.

Par ailleurs, pour sauver l’entreprise, pas mal de mesures ont été prises par les autorités. Ces dernières vont de l’allégement fiscal, au report des intérêts bancaires et de la prise en charge de certaines charges. Aussi, il ressort des témoignages de Faouzou Dème que, même en ces temps de pandémie, l’Etat n’a pas abandonné les réceptifs hôteliers. Ceux qui sont réquisitionnés vont recevoir 50 000 F CFA par patient confiné. Pour Medoune Gaye des Agences de voyages, cet accompagnement est indispensable. Sinon, c’est la catastrophe et tout le monde en pâtirait, y compris l’Etat qui ne perçoit plus de taxes des entreprises.

MENACE SUR LA CONTINUITÉ DU SERVICE DU TRANSPORT

Le DG du Cetud rassure les usagers et les transports

Un des secteurs les plus affectés par la pandémie, le transport, aussi, s’organise pour survivre à la crise. Pour le Cetud (Conseil exécutif des transports urbains), une task force a également été mise en place pour sauver les meubles. D’après le directeur général de l’institution, pour limiter l’impact économique et social de la pandémie, la tutelle a mis en place un comité de veille et de suivi des impacts du coronavirus dans le sous-secteur des transports terrestres. ‘’Ce comité de veille et de suivi des impacts du coronavirus a un rôle de veille, d’alerte, d’orientation et de supervision des actions de riposte contre la propagation du coronavirus, avec les missions suivantes’’.

Conscient que les mesures prises dans le cadre de ce combat vont négativement impacter l’activité, les autorités ont déployé tous les moyens requis pour aider les acteurs à se relever. ‘’Pour les transports publics urbains en particulier fortement impactés par les mesures de restrictions nécessaires’’, le Cetud ‘’travaille en étroite collaboration avec l’ensemble des opérateurs (Dakar Dem Dikk, Aftu, taxis, gares urbaines, entre autres) pour assurer la continuité du service public’’.

Selon le directeur du Cetud, l’autorité organisatrice de la mobilité à Dakar ‘’mène, dans ce cadre, le suivi des contraintes qui s’imposent à la rentabilité de l’exploitation, évalue régulièrement l’impact financier et social de la pandémie et sensibilise les opérateurs sur la nécessité de respecter les mesures d’hygiène et de sécurité qui font l’objet de plusieurs dispositions réglementaires’’.

Le directeur général promet ainsi que le comité de veille va procéder, régulièrement, à l’évaluation des impacts de l’épidémie dans le secteur et proposer des mesures de mitigation…
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