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Tiémoko Meyliet Koné, Gouverneur de la BCEAO - “Des études montrent que les économies de l’Uemoa seront significativement affectées par l’impact du Covid-19“
Publié le jeudi 9 avril 2020  |  L'Observateur
Réunion
© aDakar.com par MC
Réunion du Comité de politique monétaire de la BCEAO
Dakar, le 4 décembre 2019 - Le Comité de politique monétaire de la Banque Centrale des États de l`Afrique de l`Ouest (BCEAO) s`est réuni, ce mercredi 4 décembre, à Dakar, au siège de l`institution, en présence du Gouverneur de la BCEAO.
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Dans cet entretien accordé à L’Observateur, le Gouverneur de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao), Tiémoko Meyliet Koné, jauge l’impact économique de la pandémie du Covid-19 dans la zone ouest-africaine. Et explicite les mesures immédiates et anticipatoires prises par l’organe qu’il dirige.

La zone Uemoa et plus globalement le monde vit aujourd’hui les répercussions du Coronavirus. Quelle a été l’action de la Bceao pour soutenir les économies de l’Union?

La pandémie du Covid-19 est à la fois une grave crise sanitaire mondiale et une crise économique et financière de grande ampleur. La Banque Centrale suit avec la plus grande attention son évolution et son impact sur les économies de l’Union (Uemoa-Union économique et monétaire ouest-africaine, Ndlr). Dans le cadre de son mandat, la Banque Centrale a rapidement pris des mesures fortes pour aider à limiter l’impact de la crise sur le secteur bancaire, afin de lui permettre de jouer plus efficacement son rôle d’intermédiation financière. Ainsi, la Bceao a décidé d’augmenter substantiellement les liquidités mises à la disposition des banques et de réduire le taux d’intérêt auquel elle leur accorde ses ressources. A la date d’aujourd’hui, 5 037 milliards FCfa ont été mis à la disposition du système bancaire, au taux préférentiel de 2,50%, soit une hausse de plus de 600 milliards depuis le début de la crise. Par cette mesure, la Bceao veut permettre aux banques de maintenir et d’accroître le financement des activités économiques dans l’Union. Les banques sont dès lors invitées à répercuter cette baisse du coût de leurs ressources sur les taux d’intérêt des crédits à la clientèle et, en particulier, aux Pme/Pmi. De plus, la Bceao a demandé aux banques d’accorder des réaménagements de crédits aux entreprises de l’Union affectées par la pandémie et qui rencontrent des difficultés à assurer le paiement de leurs échéances.

La Bceao a également décidé d’affecter 25 milliards FCfa au fonds de bonification de la Banque ouest africaine de développement (Boad) pour permettre à celle-ci d’accorder une bonification de taux d’intérêt et d’augmenter le montant des prêts concessionnels aux Etats. Le but est de les aider à financer les dépenses urgentes d’investissement et d’équipement dans le cadre de la lutte contre la pandémie. Les Etats ont ainsi pu bénéficier d’un montant immédiat de 120 milliards FCfa. Par ailleurs, en concertation avec la communauté bancaire et les établissements de monnaie électronique, la Bceao a pris des mesures pour réduire les coûts d’utilisation des moyens de paiement digitaux en vue d’encourager les usagers à les utiliser davantage durant cette période où les populations sont invitées à limiter les déplacements et les contacts physiques. Enfin, la Bceao a rassuré les banques qu’elle mettra à leur disposition des billets de banque en quantité et en qualité suffisante pour alimenter les guichets automatiques de billets de banque (Gab). En effet, dans les périodes de crise, les populations ont traditionnellement une préférence marquée pour la liquidité et utilisent beaucoup les guichets automatiques de billets de banque.


Depuis quelques jours, vos services travaillent pour évaluer l’impact du Covid-19 sur les économies des pays de l’Union. Quels sont les résultats de vos travaux ?

Effectivement, la Bceao a entrepris, dès le début de la crise, des études pour évaluer son impact sur les économies de l’Union. Dans ce cadre, nous avons développé des modèles de simulation d’impact de la crise sur les économies de l’Union et réalisé des enquêtes auprès de plus de 500 entreprises dans tous les pays de l’Union. D’ores et déjà, les études montrent que les économies de l’Union seront significativement affectées par l’impact du Covid-19. Les canaux de transmission sont aussi bien externes qu’internes. Au plan externe, les économies vont se ressentir de la baisse de la demande mondiale liée à la crise du Covid-19, ainsi que d’un net recul des investissements directs étrangers et des transferts de migrants. Au plan interne, les mesures de restrictions des mouvements de personnes et de confinement, prises pour limiter la propagation du virus, vont entraîner une baisse de l’activité dans tous les secteurs, notamment les secteurs de l’industrie, du bâtiment et des travaux publics, du commerce, du tourisme, de la restauration et de l’hôtellerie, des transports aériens, ainsi que du secteur bancaire et financier. Les premières évaluations de la Bceao montrent une perte de croissance, une tension sur les prix à la consommation et une dégradation de la situation des finances publiques.

Quels sont les pays, d’après vos études, qui seront les plus touchés ?

Après étude des canaux de transmission identifiés à ce stade, tous les pays de l’Union sont déjà touchés par la pandémie. Les études montrent effectivement des impacts différents selon les structures des économies de ces pays. Mais nous ne sommes qu’au début de la crise. C’est la capacité globale des pays à limiter la propagation du virus dans le temps qui reste importante. A cet égard, il faut saluer la réactivité des Etats membres de l’Uemoa, qui ont pris des mesures fortes pour limiter l’impact de la crise.

On voit que des pays comme le Sénégal et la Côte d’Ivoire, qui sont les locomotives de l’Union, enregistrent de plus en plus de cas. Que va faire la Bceao en termes d’aide à ses pays ?

D’abord, il faut tout de suite préciser que les mesures que la Bceao peut prendre doivent s’inscrire uniquement dans le cadre des missions fondamentales qui lui sont confiées. Ensuite, la plupart des mesures prises par la Bceao, et que j’ai décrites plus haut, sont de portée régionale. Toutefois, certaines d’entre elles auront parfois une portée nationale plus marquée, en fonction de la situation spécifique de chaque Etat membre. Dans ce registre, on peut évoquer le cas du traitement réservé aux entreprises affectées par la crise. Les discussions que nous allons engager avec les banques dans chaque pays dépendront de la spécificité des entreprises concernées, de leur taille dans l’économie, etc. Il en est de même des discussions qui concernent les Pme/Pmi visées par le dispositif de soutien mis en place par la Bceao. Là également, la mise en œuvre des décisions va dépendre de la capacité des acteurs concernés de chaque pays à accélérer les diligences nécessaires pour rendre pleinement opérationnel le dispositif. Dans ce cadre, j’exhorte à nouveau les banques et tous les acteurs concernés à mettre en œuvre les actions nécessaires à rendre véritablement opérationnel le dispositif de soutien aux Pme/Pmi dans leur Etat.

Pouvez-vous, à l’état actuel de vos études, chiffrer les pertes qui seront occasionnées par le Coronavirus ?

Les études préliminaires montrent que cette crise sanitaire aura un impact significatif sur les économies de l’Union. Toutefois, ces études sont en train d’être affinées et le résultat final dépendra de l’évolution de la situation au plan international et en interne, de la nature, ainsi que de l’étendue des dispositifs de soutien mis en place par les Gouvernements eux-mêmes dans chaque pays de l’Union. La réactivité des Etats pour la mobilisation des aides et soutiens internationaux (Fmi, Banque mondiale, Bad, etc.), sera particulièrement importante pour renforcer les budgets de ces Etats. Les résultats préliminaires des travaux en cours à la Bceao montrent que le taux de croissance économique de l’Union, qui se situe actuellement à 6,6%, pourrait replier de 3 points de pourcentage ou plus, en fonction de la gravité de la crise.

Pourrait-on comparer la crise financière qui s’annonce à celle de 2008?

La crise de 2008 était essentiellement financière. Elle était liée au développement d’actifs toxiques dans le système financier des pays développés. Les pays de l’Uemoa, qui n’avaient pas ces actifs toxiques, n’ont donc pas été directement affectés par cette crise. Par contre, la crise sanitaire actuelle du Covid-19 affecte directement les pays de l’Union, au même titre que les pays industrialisés. Dans tous les pays du monde, cette crise se traduit par une perturbation du système de production, une forte réduction de la demande (avec des pertes de revenus) et une crise financière, avec la chute des marchés financiers.

M. Gouverneur, pouvez-vous nous faire le point des discussions du dernier Conseil extraordinaire des Ministres ? Quelles sont les mesures fortes qui ont été prises ?

Effectivement, le Conseil des ministres extraordinaire s’est réuni deux fois déjà par visioconférence (les 20 et 30 mars 2020). Au cours de ses travaux, le Conseil a examiné les répercussions économiques et financières de la pandémie mondiale due au Covid-19 sur les pays de l’Uemoa.

Sur la base des premières évaluations faites par la Bceao, le Conseil a relevé que cette situation se traduira par une baisse de la croissance économique, une hausse du chômage et des impacts négatifs sur plusieurs secteurs d’activité, notamment le tourisme, le transport, le Btp, le commerce, l’industrie et le secteur financier. Les ministres ont échangé sur les mesures à prendre au niveau communautaire et au niveau des pays pour soutenir les économies et leur permettre de surmonter les effets de ce choc.

Le Conseil a pris acte des mesures proposées par les Organes et Institutions communautaires, pour accompagner les efforts en cours dans les Etats membres. Les ministres se sont félicités de l’ampleur des mesures envisagées, notamment pour soutenir les entreprises en difficulté et appuyer les Etats dans la gestion de la pandémie. Ils ont encouragé les Organes et Institutions communautaires à mettre en œuvre au plus vite les mesures proposées et à en informer les agents économiques et le public par les voies habituelles.

Comment la Bceao compte-t-elle aider les banques nationales à alléger les moratoires de paiement des Sénégalais ou du secteur privé sénégalais dans ce contexte de pandémie ?

Le 21 mars dernier, la Bceao a annoncé un certain nombre de mesures à mettre en œuvre, en relation avec le système bancaire, afin d’accompagner les entreprises qui rencontrent des difficultés pour rembourser leurs crédits, en raison de la crise sanitaire.

Dans ce cadre, la Banque Centrale a pris des mesures incitatives afin d’encourager les établissements de crédit à accorder aux entreprises affectées par les effets de la pandémie et qui le sollicitent, un report d’échéances sur leurs prêts, pour une période de 3 mois renouvelable une fois, sans charge d’intérêt ni frais ni pénalités de retard.

Par ailleurs, pour les entreprises affectées et qui n’auront pas obtenu un accord de report d’échéances avec leurs banques partenaires, il a été mis en place un dispositif de suivi et de facilitation dénommé «Dispositif Covid-19». Ce mécanisme vise à conforter le dialogue entre les entreprises et leurs partenaires bancaires, et à rétablir, le cas échéant, une relation de confiance à partir d’une démarche commune de recherche de solutions.

Est-ce qu’il y a des besoins en appui financier déjà exprimés par les banques installées dans l’espace Uemoa ?

Les demandes de ressources des banques sont traitées dans le cadre de la fourniture de liquidités que la Bceao accorde chaque semaine aux banques. Et, conformément à ce qu’elle avait annoncé, la Bceao a déjà fourni aux banques 5 037 milliards FCfa la semaine dernière. Elle a aussi rappelé sa disponibilité à accroître le volume de ressources qu’elle leur apporte habituellement, en fonction des difficultés avérées qu’elles viendraient à rencontrer.
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