La vente du pain uniquement dans les boulangeries, décidée par le gouvernement, risque d’être un vecteur de propagation du coronavirus. Hier, certains lieux de fabrication du pain étaient inondés de monde.
Le voile couvrant pratiquement tout son visage, Mame Thiaba, la mine empruntée, patiente depuis près d’une demi-heure devant la boulangerie en face de la grande mosquée de Yoff. La gérante d’une gargote a deux préoccupations : éviter tout risque de contamination liée au Covid-19 et remplir son sac de pain pour ses clients. «Je perds énormément en chiffres d’affaires. Je suis en train de perdre beaucoup de mes clients qui ne peuvent pas attendre. A quoi ça sert de vendre du thon, mayonnaise, nambé et des omelettes sans avoir du pain ?», pleurniche la dame d’une trentaine d’années. Devant elle, c’est une foule composée de dizaines de personnes qui décorent la façade du portail de la boulangerie. Toutes les discussions tournent autour du coronavirus. Dans les boulangeries visitées hier, tous décrient la mesure du gouvernement qui a conduit à cette situation.
En ce temps de lutte contre le coronavirus, le ministre du Commerce avait interdit la semaine dernière la vente du pain dans les boutiques. Désormais, quiconque voudrait s’approprier cette denrée de première nécessité au Sénégal devra aller chez les professionnels du pain. A l’heure où tout rassemblement est interdit, cette décision en crée d’autres et interroge sur son efficacité à l’heure où l’on parle de confinement. Dans cette boulangerie du quartier de Dagoudane, un gros bras surveille les entrées et sorties des acheteurs. Seul celui qui doit acheter franchit la porte. Au même moment, les autres attendent à travers une longue queue sous un soleil qui annonce une canicule. Il est presque 11h. Pour se procurer une baguette de pain, certains ont décidé de ne pas suivre la queue. Des personnes du 3ème âge se réfugient derrière leur vieillesse pour contourner le rang. D’autres prétextent vouloir aller au travail.
Boulangerie Jaune prise d’assaut
Le même décor est constaté au niveau de la Brioche Dorée de Diamalaye. Il est 12 h. Dans ce quartier huppé de la commune de Yoff, un bonhomme en masque et installé devant les vitres de la pâtisserie distribue du gel alcoolisé aux entrants. A l’intérieur, les vendeuses de pain portent aussi des masques de protection et des gants. «Maintenant, on va devoir prendre nos petit-déjeuner à 12h ou 13h. Avec cette forte densité humaine, on risque même de piquer le virus. Il fallait renforcer les conditions sanitaires dans les boutiques. Cette mesure est plus qu’un vecteur de propagation de l’épidémie», craint Ousmane, tenant sa fille dans ses bras. Mais ces dizaines de personnes ne signifient pas grand-chose face aux centaines d’individus debout devant la Boulangerie Jaune à Sacré-Cœur. Serrés les uns aux autres, ils sont pour la plupart en masque. D’autres se bouchent le nez avec un mouchoir à jeter. Mais l’attente est longue. Très longue même. Devant le magasin Auchan, sis à côté du rond-point Jvc, la queue s’étale sur près d’un kilomètre. Et ça risque de se produire au quotidien ; d’où l’urgence pour le gouvernement d’agir à travers des mesures d’accompagnement.