Mars, Mois de la femme ; le 8 mars, Journée de la femme. Occasion pour Le Quotidien d’aller à la rencontre d’une dame qui a fait des personnes ayant une déficience intellectuelle son credo à travers l’organisation Special olympics Sénégal dont elle est la directrice nationale depuis 2011. Portait.
Les femmes sont à l’honneur à chaque 8 mars. Pour cette année, la gent féminine a été célébrée comme il se doit malgré la psychose du coronavirus ou Covid-19. Les femmes s’activent dans plusieurs domaines d’intervention, mais notre regard est jeté sur Rajah Sy. Le nom vous dit certainement quelque chose. Quand on l’évoque, on pense à Special olympics Sénégal. Une organisation dont elle est la directrice nationale.
Son sport favori est de s’occuper des enfants ayant une déficience intellectuelle dont elle est très sensible à la cause. C’est quelqu’une qui maîtrise la situation qu’ils vivent. Et il n’y a pas mieux placé qu’elle pour en parler pour la simple raison que sa fille aînée, Khadija, est porteuse d’une trisomie 21.
D’ailleurs, c’est cette dernière qui a fait la connexion entre elle et Special olympics. Et Mme Sy s’en souvient comme si c’était hier. A cette époque, elle n’avait pas encore intégré les instances de cette structure en charge des enfants qui sont dans cette catégorie sociale.
Tout est parti des Jeux de 2006
Cela remonte aux Jeux de 2006 en Catalogne au cours desquels le Sénégal avait pris part en tant qu’invité. Rajah Sy décide alors d’accompagner sa fille, qui allait voyager pour la première fois sans ses parents, pour prendre part à cette compétition en tant qu’athlète de Special olympics.
«Je suis venue à Special olympics avec ma fille en 2004. En 2006, le Sénégal a été convié à participer aux Jeux de la Catalogne. Et comme c’était la première fois que ma fille voyageait sans nous, mon mari et moi, nous sommes dit qu’il fallait qu’on l’accompagne. C’était une délégation composée seulement de quatre athlètes dont ma fille avec le coach Mademba Mbacké et la présidente de Special olympics à l’époque, Lala Aïcha Diop», a soutenu Mme Sy qui a commencé à titiller la structure en tant que parent d’élève. Depuis, sa fille n’a plus quitté Special olympics.
«On l’amenait aux séances d’entraînement. C’était le samedi matin. C’était mon mari qui avait commencé à l’amener. Mais lorsqu’il n’a plus eu le temps, j’ai pris le relais», se souvient Rajah Sy qui dit avoir connu Special olympics grâce à Mademba Mbacké qui était à l’époque directeur technique à Special olympics Sénégal. Aujourd’hui, il est instructeur Fifa et par ailleurs membre du Conseil d’administration de Special olympics.
C’est à partir de ce voyage en Catalogne, à ses frais, que Mme Sy a commencé à s’intégrer dans cette structure qui n’hésitait pas de solliciter son avis pour mieux structurer l’organisation. Charmée par le modèle organisationnel de Special olympics lors de son voyage en Catalogne, elle Sy est tombée sous le charme de ladite organisation.
«Ma fille se débrouille toute seule. Aujourd’hui, elle est dans une école de coiffure»
C’est ainsi qu’elle s’en est ouverte aux dirigeants de l’époque. «Arrivés en Catalogne, nous voyons que Special olympics et une organisation grandiose, avec une cérémonie d’ouverture magnifique et des milliers d’enfants qui ont une déficience intellectuelle. Nous avons été impressionnés. Et quand nous sommes rentrés au Sénégal, avec Madame Lala Aïcha Diop et Mademba Mbacké, nous nous sommes dit que nous devions organiser Special olympics Sénégal à l’image de ce que nous avons vu», renseigne-t-elle. «C’est ainsi que nous avons posé les bases de ce Special olympics Sénégal tel qu’il est connu aujourd’hui», s’enorgueillit Mme Sy non sans manquer de confondre dans cette réussite les dirigeants de l’époque.
Et aujourd’hui, elle dit n’avoir pas du tout regretté de confier sa fille à Special olympics, à l’image d’autres parents qui ont émis un écho favorable à l’endroit de la structure.
«Ma fille se débrouille toute seule. Agée de 29 ans aujourd’hui, elle est dans une école de coiffure. Et je mesure combien cette structure lui a été utile.»
Justement, parlant de l’impact de Special olympics, la directrice de citer en exemple sa fille Khadija Sy qui a beaucoup progressé. «J’ai vu et senti le bienfait que Special olympics a eu sur ma fille. Par exemple, quand elle courait, elle lançait ses pieds à gauche et à droite. Mais aujourd’hui, elle a beaucoup changé. Elle est une des athlètes leaders de Special olympics Sénégal et a représenté le Sénégal à plusieurs Jeux mondiaux en 2011, 2015 et 2019. Par la grâce de Dieu, elle a remporté des médailles à chacune de ses sorties internationales. Vu les progrès qu’elle a faits grâce à Special olympics, je me suis dit que c’est une organisation que nous devons aider à se structurer afin que le maximum de personnes ayant une déficience intellectuelle puissent en bénéficier», souligne cette dame âgée de 54 ans, mariée et mère de trois enfants.
«Les parents nous appellent pour dire qu’ils ont constaté des changements…»
Même son de cloche chez les parents qui remarquent un changement d’attitude chez leur progéniture, selon notre interlocutrice qui reconnaît que Special olympics a les outils nécessaires pour prendre en charge les enfants supposés difficiles à gérer.
«Les enfants appliquent à la maison ce qu’on leur a appris. Leurs parents nous appellent pour dire qu’ils ont constaté des changements par rapport à leur comportement. Faut dire que les coaches ont la maîtrise de la chose, ils savent comment s’y prendre. Je ne dirai pas que les enfants sont difficiles, tout dépend de la façon dont on les aborde et dont on s’occupe d’eux. Un enfant ne va pas se libérer si celui qui s’occupe de lui est réticent. A partir du moment où ils ont confiance, les choses peuvent se faire facilement», indique Mme Sy, non sans signaler que Special olympics s’occupe d’enfants ayant une déficience intellectuelle à partir de 2 ans voire même 18 mois. Le tout, à partir du programme «Young athlete».
«La déficience intellectuelle n’est pas une maladie…»
Sur l’origine et la cause de la déficience intellectuelle, Mme Sy rappelle que cela serait dû à plusieurs facteurs dont, entre autres, «des dysfonctionnements génétiques, des souffrances fœtales et parfois les mariages consanguins». «La déficience intellectuelle n’est pas une maladie. On ne doit pas la confondre avec une maladie mentale.»
Ancienne directrice financière d’une boîte de la place, Rajah Sy a anticipé sa retraite en juin 2019 pour se donner davantage de temps à consacrer à Special olympics qu’elle dirige depuis 2011. C’est en gravitant les paliers qu’elle s’est retrouvée à ce niveau de responsabilité.
Tout est parti d’un Conseil d’administration en 2009 où Rajah Sy s’est retrouvée cooptée. Avant d’être nommée directrice nationale de Special olympics deux ans plus tard sur proposition de l’ancien directeur national, Mademba Mbacké, qui n’avait plus de temps à remplir à cette fonction.
De 6 athlètes en 2006, on est passé à 3 800 en 2020
Si en 2006, il n’y avait que 6 athlètes à Special olympics. Aujourd’hui, révèle Mme Sy, on en dénombre 3 800 dont 37% de filles. Ces 3 800 athlètes sont basés entre Dakar, Kaolack, Bignona, Mbour, Ziguinchor, Kolda, Thiès, Saint-Louis. «Nous envisageons de faire une extension», ambitionne Mme Sy qui se fait un point d’honneur de porter l’effectif «à plus de 4 500 athlètes».
Cette brave dame, courtoise, engagée, passionnée et dont l’affection envers les enfants ayant une déficience intellectuelle lui vaut des éloges du ministre des Sports Matar Ba, compte sur d’anciens athlètes dont Assane Thiam, directeur technique de Special olympics, tous déterminés à assurer l’encadrement des enfants.
Triés sur le volet, ces techniciens sont choisis sur la base d’une sélection rigoureuse même s’ils interviennent de manière bénévole. «Ce sont des coaches volontaires qui nous accompagnent dans toutes nos activités. On fait du sport, on a besoin de ces coaches pour les activités sportives. Ils manifestent leur volonté de nous aider. Ils viennent nous rejoindre et nous leur faisons une formation sur les orientations générales. Mais nous faisons d’abord une enquête de moralité pour s’assurer que ce sont des hommes et femmes de bonne moralité en qui nous pouvons avoir confiance pour leur confier nos enfants», indique Rajah Sy qui renseigne que Special olympics dispose de plus de 600 encadreurs.
En plus de l’athlétisme, du basket, du tennis de table, natation, équitation… Special olympics est en train de travailler pour permettre à ses athlètes de pouvoir pratiquer le badminton. Et d’ailleurs, informe Mme Sy, des discussions sont entamées avec le nouveau Comité national de promotion du badminton.
Augmenter les compétitions nationales, c’est l’autre cheval de bataille de Rajah Sy qui informe que Special olympics a lancé la 6ème édition du championnat national de football unifié la semaine dernière à Ziguinchor. Et parallèlement, l’organisation des consultations médicales se poursuit.
En ce qui concerne les compétitions internationales, Special olympics reçoit le soutien du ministère des Sports qui prend en charge les titres de voyage et tout dernièrement le Président Macky Sall a totalement pris en charge l’ensemble de la délégation lors des Jeux mondiaux «Abu Dhabi 2019». Special olympics Sénégal est d’ailleurs rentré de ces derniers Jeux mondiaux avec une moisson de 15 médailles, dont 4 en or, 7 en argent et 4 en bronze.
«Special olympics est le prolongement des centres spécialisés»
Se retroussant les manches, Mme Sy se bat pour trouver des partenaires et des sponsors afin de faire face au manque de moyens financiers auquel sa structure est confrontée, surtout pour l’organisation des championnats nationaux et des consultations médicales gratuites.
Une part importante du budget de la structure est engloutie par le transport de ses membres pour les travaux de supervision à l’intérieur du pays ; d‘où l’appel qu’elle lance pour se faire octroyer un bus qui réduirait les lourdes charges liées au transport des athlètes et volontaires.
En contact régulier avec les centres spécialisés, Rajah Sy précise que «Special olympics n’est pas un centre». «Special olympics est le prolongement des centres spécialisés. On est une structure qui permet à tous les élèves de ces centres de se retrouver pour les activités sportives», tient-elle à préciser.