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Crise interne: L’Apr en zone de turbulence
Publié le vendredi 28 fevrier 2020  |  Enquête Plus
Présidentielle
© Présidence par DR
Présidentielle 2019 - Macky Sall officiellement investi par son parti, l`Apr
Dakar, le 30 novembre 2018 - L`Alliance pour la République a officiellement investi Macky Sall comme son candidat à l`élection présidentielle du 24 février 2019. La congrès d`investiture a eu lieu, ce vendredi, à Dakar.
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Au moment où l’ex-PM Mahammed Boun Abdallah Dionne théorise le mandat illimité, le parti-Etat, l’Alliance pour la République, est secoué par une crise latente sur fond de guerre de positionnement, en perspective de l’après-Macky Sall.

C’est à croire que l’Alliance pour la République (APR) échappe dorénavant au contrôle de son chef. Au fur et à mesure qu’on s’avance dans le deuxième et dernier mandat pour certains, premier d’un quinquennat pour d’autres, les responsables du parti présidentiel se déchainent et affirment de plus en plus leurs ambitions politiques de succéder à leur chef.

Les remous en cours au sein de l’APR traduisent, en effet, une crise de leadership latente née d’une absence de structuration congénitale. La sortie, avant-hier, du maire de Méouane, en dit long sur le degré de méfiance qui empeste l’ambiance au sein de l’APR.

Dans une note largement publiée, Bara Gaye s’attaque vertement à Aminata Touré, Amadou Ba et autres responsables du même acabit, qu’il interpelle sur leurs postures clairs-obscures. Le directeur de la Maison de la presse reproche ainsi à certains caciques du régime et hauts responsables ‘’apéristes’’ de tisser des réseaux internes et ce, dans la logique de leur agenda personnel.

‘’Après cette sortie, de jeunes responsables se réclamant d’Amadou Ba et Aminata Touré et des mouvements qu’ils ont tissés ou entretenus au sein du parti se sont déchaînés, comme une meute, sur ma personne, allant jusqu’à me traiter de "sinistre créature", alors que je n’ai cité personne’’, décrie-t-il dans la note. Avant d’ajouter que ces réactions violentes contre sa personne confortent les soupçons de ceux qui les accusent d’être en train de miner l’APR par la mise en place de structures parallèles.

Fort de ce constat, l’ex-militant de And Jëf de Landing Savané, passé ‘’apériste’’ avant la Présidentielle de 2012, a décidé de s’ériger en bouclier autour du leader de l’APR. ‘’Je me battrai pour épargner à Macky Sall le succès de la ruse de ceux qui, en 2012, étaient, au lever du soleil, chez Wade avec un sac d’argent et, au crépuscule, avec un autre à l’autre bout de la ville, en jogging avec des opposants candidats. Je serai tout aussi tranché contre les adeptes de cette pratique qui marche apparemment bien : filer du pognon à tous les candidats en prenant soin de lâcher les perdants malheureux en douceur et de jubiler avec les gagnants avec fierté’’, persifle-t-il.

Le mal semble, en effet, beaucoup plus profond au sein du parti-Etat. Avant Bara Gaye, c’est le Mouvement des élèves et étudiants républicains (Meer) qui est monté au créneau pour dénoncer l’existence des forces tapies dans l’ombre qui tentent d’installer des cellules dormantes dans l’APR. Le coordonnateur de ladite structure, Abdoulaye Diagne, qui appelle à se concentrer sur l’essentiel, à savoir rester au service exclusif du peuple et accompagner le président de la République tout au long de ce quinquennat, estime que ces détenteurs d’agenda personnel ont choisi, en âme et conscience, de créer des partis au sein de l’APR. Même si, pour eux, le projet est fort sordide et l’évidence parle d’elle-même.

‘’Nous sommes nombreux aujourd’hui, à tous les niveaux de militantisme, à être approchés, harcelés, voire même contraints à souscrire à ces dynamiques dévastatrices’’, dénoncent-ils. Non sans demander au président Macky Sall de prendre toutes les mesures qui s’imposent face à ces attitudes de sabotage qui tendent à saper l’unité et la cohésion dans les rangs des ‘’apéristes’’. Ils ne se sont pas empêchés, par la même occasion, d’inviter les militants et responsables politiques de base à dénoncer et à traquer, sans répit, ceux qu’ils considèrent comme des ‘’traitres comploteurs qui n’hésitent point à pactiser avec le diable pour parvenir à leurs fins’’.

‘’A ces porteurs d’ambitions inavouées, personnelles et en totale contradiction avec les principes fédérateurs du parti’’, Abdoulaye Diagne et ses camarades ont rappelé qu’ils n’obéissent qu’au président Macky Sall et n’empruntent que la direction qu’il leur indique de prendre. Qu’ils ne donneront de suite à aucune idée, projet ou invite n’allant pas dans le sens de la consolidation du bilan du septennat du président Macky Sall’’.

‘’Syndrome du PDS’’

Les sorties tous azimuts, scènes de pugilat et autres guerres de positionnement qui minent l’Alliance pour la République sont, en effet, l’expression d’ambitions politiques jusqu’ici inavouées. En attendant d’y voir plus clair dans le jeu du président Macky Sall quant à une troisième candidature en 2024, certains responsables agissent en sourdine et se préparent en conséquence pour, le moment venu, se positionner comme le candidat naturel du parti. Ce qui est à l’origine des courants et clans qui sont en train de naitre au sein du parti présidentiel aujourd’hui guetté par le syndrome du Parti démocratique sénégalais (PDS) aux derniers instants du règne d’Abdoulaye Wade.

En effet, entre l’élection présidentielle de 2007 et celle de 2012, beaucoup d’eau avait coulé sous les ponts du régime libéral. Au-delà des querelles intestines et autres guerres de leadership qui avaient laissé sur le carreau beaucoup de caciques libéraux, les principaux piliers du tout-puissant PDS d’alors s’étaient effondrés avec les départs, d’abord d’Idrissa Seck en 2006 et de Macky Sall en 2008, et la saignée qui s’en est suivie, avec les débauchages tous azimuts de Mbaye Ndiaye, Moustapha Cissé Lo, Moustapha Diakhaté, Moussa Sy, parmi tant d’autres militants libéraux qui ont fait le vide autour de Wade. La saignée était, à un moment, tellement réelle que Wade avait fini de s’entourer que de transhumants, avec les Mamadou Diop Decroix, Iba Der Thiam, Djibo Leyti Ka, Abdou Rahim Agne, entre autres barons du régime socialiste, mais qui ont tourné casaque et qui sont montés en grade au sein de l’appareil d’Etat, au détriment des militants de la première heure. Ce qui avait d’ailleurs suscité beaucoup de frustrations et de grincements de dents dans les rangs du PDS, et avait fini par semer les germes de la défaite de 2012.

Cette même situation qui a perdu Abdoulaye Wade en 2012, guette aujourd’hui le président Macky Sall qui marche sur les pas de son prédécesseur. Entre sa réélection en 2019 et maintenant, certains de ses militants de la première heure, qui pesaient sur ses décisions et sa stratégie politique, sont aujourd’hui dégradés, s’ils ne sont pas tout simplement relégués au second plan ou complètement écartés, comme c’est le cas de Moustapha Diakhaté, récemment exclu par le Comité de discipline de l’APR pour dissidence et activité fractionniste. Au même moment, le tout-puissant Amadou Ba est muté du ministère de l’Economie et des Finances, qui a été scindé en deux entités, aux Affaires étrangères. Sorti tout simplement du gouvernement, l’ancien ministre de l’Enseignement supérieur, Mary Teuw Niane, évolue en singleton, en marge du parti et du pouvoir.

Dans les différents bastions du parti présidentiel à l’intérieur, c’est le cafouillage au quotidien. Tout comme Wade en 2012, Macky Sall prend de plus en plus ses distances avec ses militants de la première heure, pour ne s’entourer que de transhumants qui constituent, aujourd’hui, l’essentiel de la galaxie Benno Bokk Yaakaar.

Tenaillé entre la gestion du pays confronté à d’énormes difficultés et les querelles de positionnement au sein de son parti, le président Macky Sall semble aujourd’hui perdre la main dans le contrôle de l’Alliance pour la République. Une situation qui ne lui donne pas les coudées franches pour organiser sa succession à temps et remobiliser ses bases, en perspective des prochaines joutes électorales.
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