Le débat politique s’est cristallisé ces derniers jours autour de l’éventualité d’une réforme visant la nomination du Maire de Dakar, en lieu et place de son élection par les citoyens-électeurs. Pour Pape Diop, ancien maire de la Capitale, il ne faut pas s’étonner que Macky Sall qui n’a pas hésité à instrumentaliser la justice pour faire condamner l’ancien Maire de Dakar, afin de s’assurer le contrôle de la capitale pour sa réélection, soit tenté de prendre une voie détournée pour satisfaire, enfin, son obsession de prendre cette Mairie qui se refuse à lui depuis sa prise du pouvoir.
« Tout cela doit nous amener à ne jamais manquer de vigilance, encore moins de baisser la garde face à Macky SALL qui ne se fixe aucune limite pour asseoir son pouvoir. Sa propension à asseoir son hégémonie à tout prix doit donc être combattue par tous les moyens. En commençant d’abord par alerter les Sénégalais sur ses dérives à répétition. C’est ce qui m’amène à partager avec tous nos compatriotes la réflexion que m’inspire cette idée aussi saugrenue, surréaliste que rétrograde », a alerté le Président de la Convergence Libérale et Démocratique Bokk Gis Gis.
Il s’y ajoute que pour avoir assumé la fonction, assure Diop, « je comprends parfaitement l’importance pour le Maire de tirer sa légitimité de la seule souveraineté populaire. Car, cela constitue assurément la meilleure source de motivation pour tout édile, a fortiori celui de la capitale dont l’électorat est connu pour être très exigeant et très fluctuant. Ce qui contraint naturellement son premier magistrat à une obligation de résultats. A contrario, le fait pour le Maire de tirer sa légitimité de la seule volonté du président de la République et d’être à la merci de son décret, est de nature à le brider, à le fragiliser et à le priver de toute prise d’initiatives au profit exclusif de ses administrés. Ceux-là même qui doivent être ses seuls mandants ».
C’est pour cette raison dira-t-il, que même sous les régimes les plus totalitaires, les Maires sont toujours élus. « Or, après avoir supprimé le poste de Premier ministre sans raison valable, voilà que Macky SALL, lui, veut avoir la prérogative de nommer les Maires de certaines grandes villes comme Dakar qu’il peine à gagner à la régulière. Ce qui en dit long sur sa volonté de contourner la souveraineté populaire pour satisfaire sa manie à concentrer tous les pouvoirs entre ses mains. Mais personne ne laissera passer cette énième dérive. N’est-il pas tout simplement inadmissible de laisser ce régime ramener notre pays plusieurs années en arrière après tous les acquis démocratiques qui ont été obtenus de haute lutte ? »
En vérité, accusera t’il enfin, « l’objectif d’une telle réforme est de permettre à Macky SALL de réaliser ce que l’Acte 3 de la Décentralisation ne lui avait pas permis d’obtenir. Adopté dans la plus grande précipitation à la veille des élections locales de 2014, ce fameux Acte 3 de la Décentralisation avait pour objectif inavoué de changer le mode d’élection de certains Maires, principalement celui de Dakar, en lui empêchant de battre campagne à ce titre et sur la base de son bilan. Ce qui n’avait pas empêché malgré tout à Khalifa SALL de rempiler à la Mairie de Dakar ».
Il est donc clair qu’on cherche à présent à passer par cette réforme pour prendre le contrôle de Mairies comme celles de Dakar, Thiès ou encore Ziguinchor, dira-t-il, avant de finir, qu’une telle réforme ne sera pas sans conséquence sur le bon fonctionnement des Conseils municipaux qui seront concernés.
« De quelle légitimité pourra en effet se prévaloir un Maire nommé devant des conseillers qui sont passés par la voie la plus démocratique, celle d’une élection au suffrage universel ? La contradiction sera encore plus flagrante concernant la ville de Dakar qui compte 19 communes, anciennement appelées communes d’arrondissement, chapeautées toutes par le Maire de Dakar. Si ce dernier ne doit sa légitimité qu’à une simple nomination alors que ses autres collègues sont tous élus, ça fera forcément désordre. Il s’y ajoute qu’on pourrait même avoir ce cas de figure ubuesque où le Maire nommé peut ne pas appartenir au même parti politique ou à la même coalition que la majorité des membres du Conseil municipal ».
Comme on le voit, et quel que soit l’angle d’analyse, cette réforme qu’agite étonnamment la majorité est rétrograde, antidémocratique et inopérante. Mais elle traduit surtout la volonté de Macky Sall de s’accaparer tous les pouvoirs au mépris des règles démocratiques les plus élémentaires. Or, face à cette boulimie de pouvoirs et cette propension totalitariste, se dresser devient une absolue nécessitée pour tous les démocrates, conclura l’ancien maire Pape Diop...