L’ancien archevêque de Dakar Théodore Adrien Cardinal SARR est sorti de sa réserve pour dénoncer le monopole des hommes politiques sur les questions de gouvernances où l’Afrique est dépendante à bien des égards. Il s’est exprimé ce samedi 8 février dernier lors de la cérémonie de présentation des actes du colloque international «50 ans après Vatican II (1962 – 1965). L’Afrique et l’héritage d’Alioune DIOP : le dialogue des religions et les défis du temps présent». Théodore Adrien Cardinal SARR, Archevêque émérite de Dakar rappelant les états généraux de l’éducation et de la formation de 1981 sous l’égide du professeur Iba Der Thiam et les assises nationales, a dénoncé la propension à tenir des rencontres dont les conclusions ne seront jamais appliquées.
L’ancien archevêque de Dakar n’est pas du tout satisfait par la gestion actuelle de certains états africains dont le Sénégal. En effet, s’exprimant ce samedi 8 février lors de la cérémonie de présentation des actes du colloque international «50 ans après Vatican II (1962 – 1965). L’Afrique et l’héritage d’Alioune Diop : le dialogue des religions et les défis du temps présent», Théodore Adrien Cardinal Sarr, Archevêque émérite de Dakar n’est pas allé par quatre chemins pour dénoncer la «dépendance de soumission» des états africains qui «enfuient le combat d’Alioune Diop et ses camarades défenseurs et promoteurs de la culture africaine sous la cendre».
En effet, estimant que «l’Afrique est dépendant à bien des égards et nous africains, nous acceptons cette dépendance», Cardinal Sarr de déplorer le fait que «nous donnons procuration aux autres dans beaucoup de domaines comme : le développement, l’économie, l’éducation, le gouvernement des pays, pour qu’ils pensent pour nous, à notre place et, ils viennent nous dire ce qu’il faut faire et ne pas faire». Et il s’interroge : «n’avons-nous pas à continuer le combat des défenseurs et promoteurs de la culture africaine pour croire en nous nous-mêmes, à nos richesses et capacités pour penser, parler et agir en nous-mêmes pour le bien de l’Afrique ?».
Par ailleurs, poursuivant son propos, le Cardinal Sarr qui a invité les intellectuels du monde noir à s’engager dans la promotion de la culture, la réforme de l’éducation, n’a pas manqué de dénoncer également le monopole laissé aux hommes politiques sur la gestion des affaires de la cité. «Je trouve qu’en Afrique, au Sénégal, nous faisons beaucoup de réunions et peu d’actions. Je citerai deux exemples qui me font mal.
En 1981, le professeur Iba Der Thiam, ministre de l’éducation nationale d’alors, avait organisé les états généraux de l’éducation et de la formation. C’était très beau, j’y ai participé. Puis, il n’y a pas longtemps on a eu des assises nationales, c’était également très beau. Donc, de grâce si organise un colloque comme celui-ci que ce ne soit pas encore des paroles, des paroles sans actes», a-t-il martelé avant de lancer à l’endroit des intellectuels : «Oui, ils sont nombreux les chantiers où les intellectuels peuvent beaucoup apporter aux cotés des guides religieux, des décideurs économiques et politiques des réflexions très solides. Surtout qu’aujourd’hui, un certain monopole est laissé à des hommes politiques. C’est eux qui agissent et les intellectuels, les religieux où en sommes-nous ? Il me parait qu’il y a de nombreux chantiers où les intellectuels pourraient et devraient s’engager, notamment la promotion de la culture, la réforme de l’éducation. Je me demande aussi si les intellectuels du monde noir d’aujourd’hui, n’ont pas besoin d’entendre les appels lancés par Alioune Diop».
Confortant cet appel à l’implication des intellectuels dans la gestion de la cité, Monseigneur Benjamin Ndiaye, Archevêque de Dakar déclare : «le Sénégal a cette particularité d’être très riche, riche en ressources humaines, d’hier et d’aujourd’hui, mais nous ne savons pas tirer le meilleur rendement de cette ressource humaine».
Poursuivant son propos, l’Archevêque de Dakar de se désoler du fait que le «Sénégal navigue à bas parce que ceux qui devraient le maintenir en hauteur à travers leur réflexion ne jouent pas suffisamment leur rôle».
«L’université devrait être un fer de lance de la réflexion. Mais, comme le cardinal l’a dit tout à l’heure, la réflexion est peut-être trop emprisonnée par des questions et j’y ajouterai même par des questions matérielles. On est devenu tellement matérialiste, très alimentaire et cela n’élève pas le débat. Ce pays, pour savoir où, il doit aller avec des valeurs qui s’enracinent vraiment dans la culture populaire a besoin de leadership dans la pensée et c’est cela un grand manque aujourd’hui, une grosse lacune», a conclu Monseigneur Benjamin Ndiaye.
Pour sa part, le professeur, Abdoulaye Elimane Kane estime au sujet de cet accaparement des affaires par le politique que la question posée par le cardinal Sarr est un problème de fond qu’il faut analyser à la lumière des responsabilités.
«On a l’impression que la politique domine tout. C’est une grande tentation même pour les intellectuels dont le rôle est plutôt de réfléchir et d’indiquer simplement des voies pour l’action. De ce point de vue, il faut dire que les élites africaines, qu’elles soient des universitaires, des chercheurs ou des enseignants font leur travail mais dans les limites de leur métier, des espaces dans lesquels, elles se déploient et quelque fois ces travaux qui sont publiés ou sont dans les bibliothèques et y sont ignorés. Autrement dit, ils (travaux) ne sont pas exploités, il n’y a pas une mise en valeur des résultats de la recherche par les pouvoirs publics comme cela se devait. Les intellectuels ont fait leur travail», a-t-il souligné.
Avant d’ajouter, «sous la pression de l’environnement, des évènements, des intellectuels ont tendance à se replier sur eux-mêmes et de ne pas aller au-devant de certaines difficultés que vivent les populations. Servir en quelque sorte le rôle d’avant-garde. Et on peut se demander dans cette avant-garde si leur responsabilité va plus loin que la simple pensée. Autrement dit, est-ce que l’avant-garde c’est aussi d’aller s’engager dans la politiquement avec des gens sur le terrain. Il y’a des gens qui ne partagent pas ce point de vue. Ils estiment que lorsqu’ils ont dit ce qu’ils ont à dire, qu’ils l’ont écrit et enseigné, ils ont fait leur travail d’intellectuel. Maintenant, la complexité de la vie sociale et internationale est telle que les hommes politiques qui ont des moyens et peut-être des méthodes de lutte et de présence sur le terrain finissent pas masquer les autres et peut-être par attirer ceux qui sont les plus faibles, les moins endurants à faire comme eux».
«Si vous n’avez pas la culture, c’est la barbarie, la haine, la guerre, l’égoïsme. La culture nous donne le respect de l’autre, le souci du bien commun. La société nous appartient à tous, nous sommes faits pour être heureux. Mais très souvent, les politiciens, c’est les querelles, un langage agressif, on se soucie très peu du bien commun. Il y’a un certain égoïsme qui fait qu’on se désintéresse un peu».
Se prononçant sur cette question, l’ancien Doyen de la Faculté des Lettres et sciences humaines- UCAD, Ancien Président de l’Association sénégalaise de l’Ordre souverain de Malte, Vice-Recteur honoraire de l’Agence universitaire de la Francophonie, Aloyse-Raymond Ndiaye, non moins président du comité scientifique affirme que «la culture, c’est ce qui nous donne le respect de l’autre». «Si vous n’avez pas la culture, c’est la barbarie, la haine, la guerre, l’égoïsme. La culture nous donne le respect de l’autre, le souci du bien commun. La société nous appartient à tous, nous sommes faits pour être heureux. Mais très souvent, les politiciens, c’est les querelles, un langage agressif, on se soucie très peu du bien commun. Il y’a un certain égoïsme qui fait qu’on se désintéresse un peu».