L’Organisation mondiale de la santé a décrété 2020 ‘’Année internationale des sages-femmes et du personnel infirmier’’. Pour l’OMS, ces catégories de personnel consacrent leur vie à prendre soin des mères et des enfants, à sauver des vies par la vaccination et les conseils en matière de santé.
L’OMS a dédié l’année 2020 aux sages-femmes. Qu’est-ce que cela vous fait ?
Toutes les sages-femmes se réjouissent de cet honneur. Je pense que c’est tout simplement la reconnaissance du travail abattu par ces dernières, par rapport à la lutte contre la mortalité, la morbidité néonatale et infantile. Mais aussi par rapport à l’amélioration des conditions de vie des populations dans la communauté. La Confédération internationale des sages-femmes a eu à travailler, dans ce sens, pour que les sages-femmes soient reconnues mondialement comme le pivot par rapport à la lutte contre la mortalité maternelle.
En ce sens, elle était accompagnée par l’UNFPA qui n’a jamais ménagé aucun effort par rapport à cela, qui a fait des enquêtes et qui a essayé d’améliorer les conditions de vie des sages-femmes. Nous remercions l’OMS. C’est vrai, c’est l’Organisation mondiale de la santé, mais il faut retenir que nous devons faire face à des défis pour mieux mériter cet honneur.
Et quels sont ces défis ?
Les défis se résument en peut-être trois étapes. Le premier défi est réservé à la formation. Parce que pendant la formation, on met en vigueur le savoir, le savoir-faire et le savoir-être. Ceci parait assez important, parce que c’est une profession de relation interpersonnelle. Il faudrait que la formation soit des meilleurs pour assurer aux femmes la qualité des services qu’elles font. Il y a le défi de la couverture universelle en sages-femmes. Actuellement, nous avons, au Sénégal, une sage-femme pour plus de 1 200 femmes en âge de reproduction. Dans les autres zones, nous avons une sage-femme pour plus de 3 000 à 6 000 femmes en âge de reproduction. Alors que cette couverture universelle en sages-femmes permettrait à toutes les femmes, quel que soit l’endroit où elles vivent, d’avoir des soins de qualité. Ce qui urge, c’est le recrutement des sages-femmes qui chôment. Après le recrutement, il ne faudra pas qu’on les laisse comme ça. Il faut la supervision, l’accréditation, il faut voir la qualité des soins.
Le dernier défi est celui de la règlementation. Depuis 10 ans, nous avons travaillé pour que la profession soit règlementée. Il y a eu beaucoup d’efforts, la loi a été votée, mais les textes d’application ne sont pas encore pris. Ce n’est qu’avec cette loi que les sages-femmes pourront connaitre leurs droits, leurs devoirs dont le premier rempart, c’est la conservation de la vie humaine. Qui dit conservation de la vie humaine parle de beaucoup de choses qui sont autour. C’est à nous de prendre la balle au bond par rapport à cela.
Beaucoup de structures sanitaires ne disposent pas de sages-femmes. Qu’est-ce qui explique cela, selon vous ?
Cette situation concerne seulement la zone rurale. Parce que beaucoup d’efforts ont été faits. On a vu les sages-femmes itinérantes ; c’est une stratégie pour combler le déficit en recrutement. On a vu le couplé gagnant. On a vu des initiatives locales de recrutement par les communautés, même si cela ne suffit pas. L’appel que je lance, c’est qu’on fasse la cartographie des besoins pour mieux adresser le problème des recrutements. Il faudrait qu’on sache quels sont les besoins réels. Si vous allez en salle d’accouchement, vous verrez deux femmes à la garde de 12 heures et c’est épuisant. Donc, il faut refaire la cartographie et recruter en fonction des besoins. Parce que pour réduire la mortalité maternelle avec les ODD, il faut les soins des sages-femmes auprès des populations qui en ont besoin. Ce problème doit être résolu.
L’autre chose est que depuis qu’on a accédé au profil d’entrée à l’école des sages-femmes, c’est l’Enseignement supérieur qui doit normalement délivrer les diplômes. Jusqu’à aujourd’hui, le ministère de la Santé continue à organiser les examens de certification pour les diplômes de sage-femme. Alors qu’avec l’OAS, il est dit que c’est des Licences qu’on offre à des sages-femmes une fois qu’elles auraient terminé leur crédit. Que l’Enseignement supérieur et le ministère de la Santé puissent, au moins, se déterminer par rapport à cela. Parce qu’ils sont en train de léser les étudiants. Ceux qui, dans les écoles et qui ont atteint leur crédit, devraient normalement faire l’examen de la Licence et non le diplôme d’Etat. Le diplôme d’Etat, c’est après la Licence que l’ordre se charge de le faire. Dans tous les pays de la sous-région et les pays anglophones, c’est la Licence infirmière ou la Licence obstétricale pour les sages-femmes. Donc, ce défi doit être relevé pour que les étudiants ne soient pas recalés pour des choses qui ne sont pas dans le curriculum de l’OAS.
Les sages-femmes rencontrent souvent d’énormes difficultés dans l’exercice de leur métier. Comment redresser la barre, selon vous ?
A côté des défis de recrutement, il faut qu’on améliore les conditions de travail des sages-femmes. Il faut la disponibilité des produits essentiels pour la santé de la mère et du nouveau-né dans les structures, le matériel qu’il faut par rapport aux soins appropriés. Il faut aussi un environnement convivial. C’est un métier assez difficile, un sacerdoce très mal compris par les populations. C’est à nous de clarifier des stratégies pour être à côté des populations et pour savoir leurs besoins. On a bien écrit ce que les prestataires devraient faire afin que les clientes puisent être à l’aise. C’est dans ce cadre qu’on a élaboré le Code de conduite de la sage-femme et celui de la cliente.
On s’est réuni avec des femmes qui nous expliquaient le problème entre sages-femmes et clientes. A l’issue de cet atelier, il y a eu les deux codes de conduite. Mais le code de conduite doit informer sur comment préserver sa santé pendant la grossesse, pendant l’accouchement et pendant le postnatal. Mais aussi la prestataire, qui est la sage-femme, doit avoir de l’empathie, de la sympathie et de la compassion par rapport à la cliente. C’est dans ce sens que je lance un appel à l’Association des sages-femmes afin que l’on puisse faire des tournées pour améliorer les relations.